Après avoir contribué à l’effervescence encore récente de la scène belge grâce à leur trilogie Double Hélice, Caballero & JeanJass se sont concentrés sur la réalisation de leur série devenue presque télé-réalité, High & Fines Herbes. Le duo a ainsi entrepris un nouveau projet au titre éponyme, presque deux ans après avoir clôturé Double Hélice.
L’album/mixtape regroupe 24 artistes différents – dont les 6 candidats qui se sont disputés le titre de poumon d’or – des plus virulents (Roi Heenok) aux plus innocents (BigFlo & Oli), du meilleur (Oxmo Puccino) au pire (Lorenzo). Ce casting aux horizons plus que larges (les marocains Shayfeen et Madd, les xtrm boys suisses Di-meh et Slimka en passant par le producteur canadien Freaky!) aurait pu réserver quelques surprises, si le projet n’était pas issu d’une semaine où des rappeurs sont conviés à écouler un kilo de weed.
Fête et fame, voici ce que nous ont concocté Caba & JJ durant 1 heure et 20 minutes.
Les membres du duo, qui se sont fait connaître individuellement en enchaînant les freestyles (s/o les couplets incroyables de Caballero dans le Grünt d’Alpha Wann et Papoose), ont progressivement migré leur musique vers quelque chose de plus accessible. Le refrain d’Hamza ou la production de Stromaé sur le troisième et dernier opus de Double Hélice, ont remplacé la technique sur laquelle les rappeurs mettaient l’accent en 2016, et ont provoqué une omniprésence du duo sur les scènes des festivals, 3 ans plus tard.
En quelques projets donc, les belges ont trouvé la recette pour plaire et coffrer : une attitude cool, une arrogance mesurée, une légère autotune et surtout, une flemme inquantifiable lorsqu’il s’agit de se servir de rimes développées: “Parfois l’amour ça dégoûte comme les nœuds dans les écouteurs, au micro j’suis un découpeur” – JeanJass, Chargeur (feat Lefa) ; à vous de mesurer la virtuosité de cette punchline ce passage.
Ainsi, dans presque l’entièreté du projet, le duo se vante de sa réussite, de son argent, de son style, de sa consommation de weed, bref : de son mode de vie. N’importe quelle chose démunie de morale voire même de sens peut être appréciée, du moment qu’un effort est fourni sur l’écriture de celle-ci. “Je tise trop d’vin comme à l’époque d’l’Empire romain, je brise vos reins comme dans le film Ronin”, Alkpote clôturant son couplet de Flash. Seulement, les deux protagonistes se reposent sur ce qu’ils ont accomplis et se permettent de se targuer sans même en mettre la forme : « je suis génial, qu’on me peigne, qu’on me sculte » – Sonic feat Luv Resval.
Tout de même, le rap reste une compétition et Caballero s’aligne en fonction des invités et parvient à nous offrir des couplets intéressants comme sur Vie Ordinaire, accompagné d’Oxmo Puccino et de leur acolyte Swing. Malheureusement, cette tendance s’applique dans l’autre sens, et les phases du duo sont adaptées aux facultés des invités, avec notamment Mister V ou ICO « On n’aide pas ta grand-mère à traverser, c’est quoi ce flow wesh ? On dirait que t’as fait un AVC », pour des rendus qui feraient mal au mic à certains.
JeanJass, qui ne montre toujours pas de motivation à écrire des rimes décentes ou à se débarrasser de son flow unique et endormi, s’implique davantage dans la confection des instrumentales du projet. Par le beat tout aussi envoûtant que la voix de Chilla (De Loin), le sample de The Start of Your Ending (41st Side) de Mobb Deep accompagné de l’énigmatique Roi Heenok (La Cause) entre autres, JJ participe grandement (8 sons) à la production du projet – qui est le point le moins critiquable – magnifié par les présences d’Eazy Dew ou La Miellerie.
“Plus rien à prouver, mais ça rappe quand même” Quand Même, featuring Isha
Finalement, outre se faire plaisir et nous partager leurs références (le football pour JJ, les mangas pour Caba, la weed et la musique en somme), les belges semblent davantage mettre l’accent sur le divertissement qu’autre chose. Ils se réveillent dans la peau de BigFlo & Oli pour une collaboration amusante, laissent la place au Roi décalé sur plusieurs des introductions et permettent à ceux qui veulent rapper de le faire : “On n’aime pas trop les élections comme les millionnaires de Kinshasa”, Isha. Surtout, lors d’une interlude pleine d’autodérision, Caballero et JeanJass croient avoir trouvé l’un de leurs hits de l’été, sur l’intonation légendaire de Pharell dans Beautifull avec Snoop Dogg, ou de Drake dans Hotline Bling.
Comme ils le disent eux-mêmes, ils n’ont plus rien à prouver. D’ailleurs, High et Fines Herbes aurait probablement été bien représenté sur scène cet été, à l’image de “Cadeaux”, premier single du projet matraqué sur les réseaux sociaux, accompagné de Slimka et Roméo Elvis (réputés pour leurs prestations énergiques en concert).
En conclusion, nous pouvons noter que les 6 épisodes de leur émission High et Fines Herbes ont été bien moins poussifs que l’écoute du projet de 25 sons. Caballero & JeanJass ennuient, sont en panne d’inspiration et persistent dans leur politique à dégrader chronologiquement leur musique, malgré leur second degré et les quelques bonnes prestations des invités (Rim’k, Lefa, Alkapote, Luv Resval entre autres). En espérant qu’ils s’orientent à temps plein vers l’entertainment où ils excellent.