Khali – IL ME RESSEMBLE PAS NON PLUS

Critique

Un an après Laïla, Khali, rappeur natif de Lyon, présentait le 25 novembre dernier Il me ressemble pas non plus, sa troisième mixtape. Dans cette ébauche, le rappeur se livre et ouvre son cœur à son public en appréhendant des sujets puissants comme la santé mentale. Plus authentique dans ses paroles, plus sincère dans ses mélodies et plus unique dans les sonorités, ce projet permet à Khali de prendre une nouvelle dimension et d’être maintenant reconnu comme un artiste capable de créer un véritable album de A à Z. 

La transparence comme maitre mot

L’artiste d’origine marocaine plante le décor dès le premier morceau : JE M’EN MOQUE EFFECTIVEMENT. Longtemps observé comme un OVNI du rap français à cause de sa signature vocale et de son style musical si singuliers, Khali souhaite démontrer que son originalité fait sa force. « Tu sonnes trop original » sont les premiers mots prononcés dans ce projet. Khali se moque des viles critiques qui l’ont tourmenté durant bien des années. Aujourd’hui, il veut s’assumer et extérioriser ses capacités artistiques. Pour ce faire, il s’appuie tout au long du projet sur des prods mêlant instrument classique et sonorités robotiques.

C’est le cas de la première track où le beatmaker bordelais Unfazzed déroule une boucle de piano simple mais qui permet à Khali d’extérioriser son message efficacement. Il performe un premier couplet introspectif et passe en revue ses relations familiales, son enfance difficile et les difficultés à imposer un style artistique clivant. Comme de nombreux rappeurs l’ont fait par le passé, notamment Eminem ou Kendrick Lamar, Khali utilise un personnage tiers pour faire parler les critiques à son égard. Cette fois-ci, c’est une voix nasillarde et robotique qui lui fait comprendre qu’il ne rentre pas dans le moule. 

Tu n’as rien d’impressionnant 

Tu n’as pas à prendre sur toi 

Tu sonnes trop original

Khali, Je m’en moque effectivement

Khali crée une distance entre ses détracteurs et lui. Cette démarche se comprend dans de nombreux titres de morceaux comme JAMAIS COMME ILS VONT, dans lequel il reproche aux autres de critiquer sa direction artistique. Le rappeur conte par la même occasion son enfance difficile, le manque qu’il a pu subir. Pour se démarquer, Khali se laisse la place de démontrer techniquement ce qui fait sa force : le rap. Il déconstruit la forme classique établie en s’appuyant sur deux couplets maximum et deux refrains qui sont peu entrainants, mais qui ajoutent un supplément d’âme aux messages retranscrits. Dans EN VRAI, il fait une démonstration de kickage crescendo et vient même à prendre l’ascendant sur la prod qui s’arrête avant qu’il ait fini son dernier couplet. 

C’est au travers de toutes le pensées exprimées sur NO PSY que l’auditeur peut prendre la dimension de l’idée exprimée. Dans ce morceau, Khali déverse ses tourments et explique que les gens qui viennent des quartiers similaires au sien ont une charge mentale débordante qui ne peut être comblée par l’appui d’un suivi psychologique. Il doit se fier aux règles qui lui sont imposées. 

J’en veux à la Terre entière pour la vision d’mon père 

Mais hassoul, même si on s’comprend pas, je respecte 

Khali, No Psy

Un vrai chantier musical

Khali quadrille son univers rythmé de tournure de phrase qu’il revisite, comme G LE SEUL. Les messages sont forts mais le médium est accessible, tout le monde peut se reconnaitre dans ses dires. Pour faire vibrer l’auditeur, celui qui a longtemps été beatmaker, s’appuie sur des prods sophistiquées qu’il a pu parfaire avec un entourage plus que qualifié. 

Khali symbolise tout un style, une identité musicale. Il multiple les flows ingénieux sur des beats souvent composés d’un piano ou d’une guitare sèche. À l’image de 808, il ne lui en faut pas plus pour satisfaire son audience. Les puissantes drums présentes sur le morceau font penser aux morceaux auxquels nous avait habitués l’artiste. Mais dans cette dernière ébauche, il parvient à maitriser sa folie en créant des mélodies ordonnées et communicatives.

Autre exemple, le morceau EN VRAI. Chargé de plein d’éléments sonores différents, il est possible par exemple d’y retrouver une musicalité semblant se rapprocher du balafon, une sorte de xylophone originaire du Mali qui incarne parfaitement le symbole de cette déstructuration harmonieuse. Des éléments audios robotiques qui saturent viennent agrémenter une boucle plus impactante et rapide que dans les autres tracks. Ce qui fait l’essence de cette signature artistique c’est principalement la réverbe utilisée par Ponko, Demna et les autres producteurs présents sur le projet. En insistant sur cette fonctionnalité, ils permettent aux morceaux d’être plus planants, de prendre une autre dimension. C’est le cas notamment sur PAS DE ZGA INTERLUDE.

Pour parfaire son mélange musical, Khali utilise des sonorités venant d’instruments que l’on a peu l’habitude d’entendre dans des prods raps comme la flute de pan sur BLOODY PLM. Voire la kora, instrument à cordes là aussi malien, que l’on peut retrouver sur PEPELE. Dans ce même morceau, il use de ses gimmicks pour entrainer l’auditeur et lui donner la bougeotte. C’est l’un des points forts de Khali.

Le fond enrichit la forme

L’univers musical dessiné, Khali a pu songer aux invités qu’il souhaitait convoquer. De manière surprenante, on en retrouve qu’un, La Fève, habituel partenaire de featuring de l’artiste bordelais. Sans demi-mesure, il découpe l’instrumentale qui lui est destinée avec l’aisance qu’on lui connait dans la première interlude de la mixtape. Là encore le projet prend une nouvelle direction grâce à la prod qui monte crescendo et dresse une ambiance presque onirique. 

Techniquement, le Bordelais survole. Ses schémas de rimes sont simples et efficaces. Parfois, le jeune rappeur se rapproche de la paronomase. À l’image de ce passage dans UMBRELLA : 

J’ai fait beaucoup trop de bruits pour qu’ils m’entendent

S’sais réagir quand la muerte devient plus que tentante

Ça dit quoi là ? Ça dit R depuis bien trop longtemps

Khali, Umbrella

En résumé, cette ébauche personnelle de Khali est une vraie réussite, tant dans le fond que dans la forme. L’artiste parvient à distribuer des messages avec style grâce à un univers authentique qu’il exploite parfaitement artistiquement. 

Un an après Laïla, Khali, rappeur natif de Lyon, présentait le 25 novembre dernier Il me ressemble pas non plus, sa troisième mixtape. Dans cette ébauche, le rappeur se livre et ouvre son cœur à son public en appréhendant des sujets puissants comme la...Khali - IL ME RESSEMBLE PAS NON PLUS