10 morceaux-fleuves incontournables du rap FR

Un morceau-fleuve est une piste très longue, qui dépasse largement le format classique de 3 minutes. Souvent, ils tournent autour des 10 minutes de durée. Un tel format permet à l’artiste d’utiliser beaucoup plus de mots, d’exprimer plus d’idées, et ainsi d’enrichir son texte.

Dans le rap, ce format existe depuis l’apparition du courant musical. Par exemple, Rapper’s Delight du groupe The Sugarhill Gang est considéré comme l’un des morceaux les plus emblématiques du rap. Il est sorti en 1979 et atteint presque les 15 minutes. Paradoxalement, malgré son format peu adapté à la diffusion radio, la chanson obtiendra vite une renommée internationale (elle sera quand même raccourcie dans une version de 6mn pour lui permettre d’être mieux commercialisée).

C’est une longue histoire d’amour entre les rappeurs et les morceaux-fleuves. Un amour qui semble battre de l’aile depuis les années 2010, car malheureusement les rappeurs ont tendance à délaisser cet exercice de style. Donc nous vous proposons un retour sur 10 morceaux iconiques d’un format un peu oublié.

IAM – Demain c’est loin (1997)

il s’agit du morceau-fleuve le plus emblématique et le plus connu du rap français. Durant 9 minutes, Shurik’N et Akhenaton décrivent de façon très réaliste le quotidien des jeunes de cité. Sur une boucle de 10 secondes, ils martèlent des événements banals qui témoignent de la violence ambiante. Et cette violence mène au désespoir et au pessimisme. Alors, les jeunes vivent au jour le jour, sans penser à demain, car demain c’est loin.

Idéal J – J’ai mal au cœur (1998)

En 8 minutes, et sur une prod enivrante de DJ Mehdi, le jeune Kery James (anciennement Daddy Kery) dépeint avec rancœur le système qui pousse les jeunes des quartiers défavorisés vers le crime, et donc vers les peines carcérales. Une impasse de laquelle il est difficile de sortir.

Dehors ou dedans, pour nous c’est la même
Dedans on rêve d’être dehors
Dehors, on veut nous foutre dedans
Parce qu’en fait, de ce système, nous recherchons l’évasion

Rohff – Regretté (2005)


Rohff est un habitué des morceaux-fleuves. Parmi ses sons les plus marquants, il y a évidemment Regretté. Pendant 8 minutes, il se confie comme jamais. L’émouvante chanson se divise en deux parties distinctes : la première est dédiée aux proches décédés du rappeur. Dans la seconde, Rohff rappe sa propre vie, et de la façon dont il anticipe sa mort. Impossible d’y rester insensible.

IAM – La Fin de leur Monde (2006)


Autre immense classique du légendaire groupe marseillais : La Fin de leur Monde conte les sociétés dans lesquelles nous vivons (vision plus globale), et contraste alors avec Demain c’est loin qui était centré uniquement sur la vie de quartier en France.

Akhenaton et Shurik’N traitent cette fois de géopolitique, de féminisme, des attentats, de la famine, et autres. Un texte indémodable, car les drames qui sont décrits dedans sont malheureusement toujours d’actualité.

Youssoupha – Éternel Recommencement (2007)


Encore inconnu du grand public à l’époque, Youssoupha a dévoilé son album A Chaque Frère qui avait pour conclusion Éternel Recommencement. Le résumé de la chanson est simple : Youssoupha ne va pas innover ; les problèmes sont toujours les mêmes donc les paroles des rappeurs sont toujours les mêmes. Peut-être qu’en effet il n’a pas été original dans les thèmes abordés, mais il a livré un texte à la fois subversif et très technique. Si aujourd’hui, Youssoupha est reconnu comme l’un des meilleurs lyricistes, c’est grâce à des morceaux de ce niveau.

Rohff – Testament (2008)


A la fin de Regretté, il s’imaginait sa mort. Quelques années plus tard, Rohff a décidé de laisser son Testament :

J’pense à la mort constamment, c’est l’dernier testament
Rédigé consciemment, fais comme si j’étais mort récemment

Track écrite alors qu’il était en prison, Rohff y déverse toute sa rage. Et son égotrip alterne avec des confessions qui créent vite une forme d’intimité avec l’auditeur. Une chanson très brute qui s’impose comme la plus symbolique de la carrière du rappeur. Difficile de la décrire, il est plus simple de l’écouter.

Guizmo – C’est tout (2012)


Guizmo est un des meilleurs rappeurs français dans la catégorie texte-fleuve, et on aurait facilement pu placer 3 ou 4 de ses chansons dans cet article. Mais dans un souci de diversité, il a fallu faire des choix. Alors on a choisi de retenir C’est Tout. L’outro de l’album éponyme, qui est encore considéré à ce jour comme l’un des meilleurs de sa carrière.

Dans cette chanson, Guizmo prend énormément de recul sur la vie qu’il mène, ses embrouilles, ses désillusions, ses problèmes d’alcool, ses doutes… Un texte mature qui laisse entrevoir une touche d’optimisme, qui contient des punchlines mémorables et des phases techniques.

Disiz – Rap Genius (2014)


Très inspiré par Rap God d’Eminem, Disiz fait l’état des lieux du rap français et de sa propre carrière, à coup de punchlines et de références bien placées. Tout simplement de l’egotrip intelligent, et un classique de plus dans la discographie de Disiz La Peste. Du génie.

Lino – Requiem (2015)


2015 a marqué le retour de Lino en solo après 10 ans d’absence. Bien décidé à frapper fort, son album Requiem se referme sur la piste éponyme. Un morceau-fleuve de 8 minutes et 128 mesures. De quoi distiller les punchlines aiguisées et très imagées dont lui seul a le secret :

Comme si la victoire m’enseignait comment perdre
J’ai compris l’sens du verbe « exister », à genoux sur la tombe de mon père
J’vais pas m’désister, j’grave mes strophes au cutter, les coups j’énumère
J’garde l’interrupteur sur OFF, j’emmerde le porteur d’lumière

Un texte aux nombreuses phases mortuaires sur fond d’orgue. A la fois original et indélébile.

Orelsan – Notes pour trop tard (2017)


Orelsan se donne des conseils à lui-même, mais avec des années de retard. Ces notes ne serviront jamais à l’Orelsan du passé, mais elles pourraient servir au futur d’autres : les auditeurs. On peut tous se reconnaître d’une façon ou d’une autre dans le texte, et c’est ce qui fait sa force. Notes pour trop tard est résolument optimiste, et pousse celui qui l’écoute à poursuivre ses rêves.

Une chanson dont on reparlera sûrement dans les années qui viennent, comme on parle encore en 2020 des chansons-fleuves d’IAM ou de Rohff.

Rotka
Rotka
Life's a bitch and then you die

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