Le jeune rappeur monopolise l’attention depuis plusieurs semaines et semble avoir trouvé, avec son label, la recette qui pourrait faire de lui la nouvelle sensation du rap français.
Lil Nas X avait son cheval et son chapeau de cow-boy dans Old Town Road, Gambi a son kart et son Sombrero dans Hé Oh, son clip phare qui totalise à ce jour plus de 20 millions de vues sur YouTube et qui reprend les codes de la meme music qui a permis des succès aussi fulgurants qu’inattendus outre-Atlantique. En dehors de cet aspect purement visuel, Gambi et son équipe maintiennent depuis plusieurs mois un rythme effréné qui a conduit le rappeur des tendances YouTube à la première place sur les plateformes de streaming. Tentative de décryptage du phénomène Gambi.
L’art de transformer un bad buzz
Twitter est un royaume particulier : un endroit où les artistes les plus plébiscités peinent à satisfaire les attentes de la première semaine tandis que les plus controversés d’entre eux transforment sans problème de nombreux bad buzz en certification. À ce petit jeu là, Gambi est en droit d’espérer de grandes choses pour la suite de sa carrière tant il enflamme les débats sur les réseaux sociaux. En plus des meme qui détournent sa musique et son image, Gambino Jetski s’est rapidement retrouvé au centre de l’attention de par les nombreuses critiques d’auditeurs dubitatifs face à son succès.
Loin d’être une fatalité pour le rappeur dont l’une des grandes forces depuis le début de sa carrière a été de transformer ces remarques moqueuses en atout. Quand son morceau Makak 3 commence à se répandre fin 2018, des commentaires s’amusent de la ressemblance vocale entre Gambi et Kylian Mbappe. Le rappeur en joue et sort deux mois plus tard C’est moi Mbappe dans lequel il force volontairement sur sa voix rocailleuse. Il passe ainsi pour la première fois le cap du million de vues et obtient un pré-buzz qui rappelle celui de Koba La D quand ce dernier se voyait comparé à Homer Simpson en raison de sa voix cartoonesque.
Une recette simple mais efficace
Cet enchaînement fructueux lui permet en tout cas d’attirer l’attention des labels et c’est Rec. 118, filiale du groupe Warner dédiée à la musique urbaine, qui le signe début 2019. Gambi rejoint ainsi une écurie qui compte dans ses rangs Ninho, Aya Nakamura, Sch, Hamza ou encore Sadek. Chaque sortie sous ses nouvelles couleurs confirme sa montée en puissance : de La Guenav (9M vues) au dernier en date : Popopop. Longuement teasé sur les réseaux, ce morceau a connu un démarrage retentissant : presque 2 millions de vues en 24h et un doublé Top 1/Top 2 sur Deezer et Apple Music avec Hé Oh.
Peu novatrice dans son contenu, la musique de Gambi repose cependant sur un socle très efficace fait de refrains simplistes et entêtants réduits à de simples onomatopées (Hé Oh, Popopop, Oulalah). Couplé à une énergie débordante, à une pincée de folie et à une joie très communicative dans les clips, on tient là une recette rafraîchissante capable de séduire un très large public. Tout s’enchaîne tellement bien pour le rappeur de Fontenay-sous-Bois qu’il a même défilé la semaine dernière à la Fashion Week de Paris pour AfterHomeWork.
Gambi : Industry Plant ?
Un succès-éclair, trop rapide et disproportionné ? Gambi serait-il un « produit de l’industrie » comme certains l’affirment ? S’il est nécessaire d’écarter les accusations d’achats de streams qui sont, il est important de le rappeler, totalement infondées, qu’en est-il de cette notion d’Industry Plant ? Assez floue et fourbe, elle renvoie globalement une connotation négative d’un artiste qui serait fabriqué et poussé artificiellement par un label. Un label qui agirait dans l’ombre de manière à faire croire à une croissance organique. Et ce jusqu’à atteindre un seuil de popularité à partir duquel cette croissance se suffirait à elle-même pour générer de l’attente. Le problème avec cette définition étant ce que cachent les termes employés : « Pousser » « Fabriquer » « Agir dans l’ombre » ne touche-t-on pas ici tout simplement aux fonctions premières et essentielles d’un label ? Le terme semble avant tout être un abus de langage qui tire également profit de la fascination d’internet pour les complots en tout genre.
Dans le cas de Gambi, la transformation évidente du rappeur depuis ses freestyles Makak traduit surtout un travail impressionnant de sa part et des équipes qui l’entourent. Surtout le rappeur a su trouver son public. À ce stade, la machine est de toute manière définitivement lancée et il advient désormais à ce public de décider si Popopop permettra ou non au rappeur de gravir une nouvelle marche.