Flynt, un Julien presque ordinaire

Un Julien qui vous veut du bien

On connaît tous un Julien, qu’il soit ami, collègue, fils, frère ou père… c’est sûrement le prénom le plus ordinaire en France. Celui que l’on rencontre aujourd’hui, a choisi pour alias dans le rap, le nom d’un indépendant américain, Larry Flynt [1942-2021] qui a fait fortune dans l’édition notamment avec un magazine papier nommé Hustler.

Être débrouillard est tout un art, qui peut coûter cher avant de trouver son modèle économique. L’éducation financière est notamment abordée dans le dernier album de Flynt, Monsieur Julien, un savoir qui, reconnaît-il, aurait pu lui être utile dans son parcours personnel.

Ce rappeur presque ordinaire, originaire du 18e arrondissement de Paris, traverse les époques lors de ses rares apparitions, toujours chargé d’anecdotes de vie, d’artiste et d’homme. S’il existe une liste de rappeurs dont on ne peut dissocier l’œuvre de la personne, Julien Vuidarden en fait assurément partie.

Appelle-moi Julien

Le rendez-vous est fixé dans un studio de répétition à l’est de la capitale, en préparation de ses prochaines dates à travers le pays, et notamment de la parisienne à La Maroquinerie, le 10 septembre prochain.

À l’image de sa musique, c’est un rappeur à la voix calme et posée que l’on rencontre, répétant seul pour l’occasion. En toute confiance, fort de ses vingt ans d’expérience.

Dans le fond, nous échangeons sur les sujets du quotidien : sa vie, sa femme, ses enfants, son travail. Certains artistes ont l’art de se raconter simplement, et cela donne envie de tailler le bout de gras. Le cycle de vie de Flynt ressemble à celui de tout un chacun, même s’il figure sur des disques. C’est souvent dans les conversations les plus simples qu’on en apprend le plus sur son interlocuteur.

À la base

Auditeur de rap depuis Fear of a Black Planet, l’auteur de J’éclaire ma ville ne laisse transparaître aucune nostalgie, seulement quelques constats d’époque. Flynt prend de l’âge, et l’on ne peut qu’apprécier sa trajectoire : celle d’un homme franc et sincère dans son art. Il prend autant de plaisir à rapper sa vie que nous à l’écouter, comme s’il existait un format audio d’une série policière avec Peter Falk.

La sortie d’un album de Flynt est une occasion d’en profiter pour parler de sa discographie en long et large tant il y a de l’espace entre Ça va bien s’passer, le 2 titres avec Don Choa et désormais Monsieur Julien (7 Février 2025).

Le foot, lui, n’est jamais bien loin — qu’il soit question de l’avenir de ses enfants, d’une sortie en apothéose, ou encore de la ville de Bron.


Palmarès vierge comme Dimitri


Vapeurs Suspectes

Comment s’est monté le 2 titres avec Don Choa [Juillet 2023] ?

Cover De Bonne Humeur / La Piscine (Juillet 2023) © Flynt

Je rencontre Don Choa en 2013, je suis en concert à Toulouse, et en sortant de scène, je le vois qui déboule dans les loges. Il me dit qu’il est venu me voir jouer, j’hallucine parce que j’écoutais beaucoup la Fonky Family qui est un des groupes qui m’a donné envie de faire du rap. On discute ce soir-là, quelque temps, plus tard, j’ai un concert à Marseille et je le contacte avant la date pour qu’il m’envoie l’instru de Shit Squad [Produit par Imhotep], pour faire une version live d’un de mes morceaux dessus. On est resté en contact. En 2019, après mon troisième album, il m’invite sur le sien. On fait un titre, puis quelques semaines après, je reçois un instru que j’aime bien et je lui envoie en lui proposant de faire un autre titre. Il me dit ok. Ensuite, je lui dis, viens on en fait plein. On a fait huit ou neuf titres.

L’idée, c’était de faire un EP commun, qui finalement n’a pas vu le jour et ne verra pas le jour, mais on avait fait 2 titres De bonne humeur et La piscine [Produits par Jeune Skeez]. Des morceaux légers et amusants et je me suis dit que ce serait cool de les sortir en mode maxi 2 titres. Plus qu’un featuring, c’était une vraie collaboration. Je lui ai dit que ce serait dommage qu’il n’y ait aucune trace de ce qu’on avait fait ensemble. J’ai fait la cover, supervisé les mixs et masters, voilà l’histoire de ce maxi.

 

Par rapport à Monsieur Julien, qu’est devenu le côté solaire avec Don Choa et egotrip sur « Oeuvredart » [Février 2023] ?

Cover OEUVREDART (Février 2023) © Flynt & Xooor Studio

L’humour et l’egotrip sont différentes facettes de mon rap. Le premier, je trouve que c’est très important dans le rap. Il y a une dose d’humour dans pas mal de mes couplets. Dans les références, les images, les tournures de phrase… J’aime écouter des artistes qui en ont dans leurs raps, comme JeanJass, Jungle Jack, Veust, Infinit’, Zek, Limsa, ils ont tous un humour fin. Si tu n’arrives pas à me faire sourire quand tu écris, ça me saoule, j’en ai besoin. L’egotrip, c’est une autre corde à mon arc, j’ai plein de barz egotrip. Le rap sans c’est ennuyeux, il en faut une dose. Mon rap a d’autres facettes encore, je sais raconter des histoires, dérouler des thèmes, faire passer des messages, des émotions, etc.

Le prélude

À ce moment-là, et au vu des morceaux envoyés, y a-t-il eu un album antérieur à Monsieur Julien qui n’a finalement pas vu le jour ?

Non, je n’avais pas prévu de faire d’album au départ. Je songeais à sortir une série de maxis 2 titres en collaboration avec un mc sur chacun, dans la continuité de celui avec Choa, ou à sortir des singles voire un 4/5 titres. Je n’ai pas pensé album avant l’été 2024. Le vrai problème de ma productivité, c’est en partie de trouver des instrumentaux qui me plaisent. Si j’en ai, je peux réussir à écrire vite. Monsieur Julien s’est fait en moins d’un an. Au départ, je ne voulais sortir que des singles, j’en avais quelques-uns qui étaient prêts, mais un single ce n’est pas pareil qu’un EP ou un album. C’est-à-dire qu’il doit tenir la route tout seul, sans rien autour.

Cover Mauvais pour le business (Avril 2023) © Flynt

Je me suis rendu compte en ayant sorti deux singles, que les autres que j’avais ne tenaient pas la route, à plus forte raison après voir sorti Mauvais pour le business [Vidji] qui était plutôt efficace dans son registre. J’ai revu mon plan et le déclic qui m’a permis de faire un album, c’est d’avoir décidé de travailler étroitement avec Double Diamond (Kartoon & Diez, duo de beatmaker rouennais), qui m’envoyaient des instrus depuis un an ou deux déjà.

Fin 2023 ou début 2024, je trouve l’instru à eux qui fait mouche (Huit chiffres) et à partir de là, on a commencé à travailler plus étroitement. Vers Mai-Juin 2024, j’ai quatre titres, mon projet, c’est juste de les sortir. Kartoon me dit qu’il est chaud pour faire les mixs et masters. Je commence à faire des allers-retours à Rouen. Ça a été le déclencheur, quelques mois plus tard, j’ai un album. Je suis un digger de prods, on m’en envoie et je choisis celles que j’aime bien. Sinon je sollicite des beatmakers que j’apprécie, mais dans tous les cas, je pioche. Ça peut prendre du temps. Pour la petite histoire, il y a deux beats que j’ai gardé dans mon album que j’ai reçu suite à mon couplet sur l’EP Seul(s) de Sheldon. Dans ce couplet, je laisse mon e-mail, parce que je n’ai pas d’instru qui me plaît quand je l’écris (Novembre 2023) et je n’avance pas. C’est une bouteille à la mer. Je reçois plus de trois cents beats à la suite de la sortie du morceau et j’en garde deux pour mon album, Bizi [Yabu] et V15 [Onebead]. Deux titres sur dix, un cinquième de l’album. C’est cool la façon dont ça s’est passé. Entre Juin et Décembre 2024, je fais six titres supplémentaires. À un moment, j’étais en feu, j’écrivais vite. Quand j’ai neuf titres, je pousse jusqu’au dixième, car neuf, c’est un format bâtard, trop court pour être un album, trop long pour être un EP. Il m’en faut dix. Double Diamond m’envoie la prod qui sera celle de Meilleur Spot, le dernier titre que j’écris. Il manque une pièce dans mon disque, c’est Paris. J’ai mon album, court, c’est vrai, mais dans l’air du temps. Sortir 10 titres en 2025, c’est un bon format.

C’est dans l’ère

Pour chaque album, t’es dans l’air du temps.

Je ne sais pas si je suis vraiment dedans au niveau de mon style, je dirai plus que mes albums s’intègrent bien dans l’époque à laquelle ils sortent.

Par exemple, quand tu reviens avec Haut la main [Nodey] sur Itinéraire Bis, le public était agréablement surpris, alors que tu t’es juste adapté.

C’est vrai que l’instru de HLM était différent du style de J’éclaire ma ville, mais ça reste un BPM classique. Sur le deuxième album, tous les BPM sont dans la moyenne de ce qui se faisait jusqu’à présent. Là où je me suis adapté, c’est surtout sur l’album suivant. Ils ont commencé à changer à partir de 2012-2013, il n’y a quasiment que des drums trap sur mon troisième album. La raison principale, c’est que je ne recevais que des beats trap, au-delà du fait que j’aimais bien ça et que j’avais envie de m’y frotter. J’ai dû refaire mes classes. J’ai réappris à rapper sur ce type d’instru. Quand les beatmakers ne t’envoient plus que des BPM lents ou rapides, il faut changer tes placements et faire évoluer ta façon de rapper. J’ai aimé faire évoluer mon flow qui est plutôt linéaire à mes débuts. Il y a une liberté plus grande sur la trap. Ma D.A. sur Ça va bien s’passer, c’est je vais faire évoluer mon rap, je vais vous montrer que je sais m’adapter. Ce n’est pas suffisant avec le recul, mais j’ai quand même fait du bon Flynt. La direction sur Monsieur Julien est plus lisible et affirmée. Elle me correspond autant qu’aux attentes de mon public.

2 pour la plume

Ton idée de faire des maxis avec différents artistes : il y a des rappeurs avec qui ça a abouti ?

Je n’ai pas proposé cette idée à grand monde, car je l’ai rapidement laissé tomber. J’ai lancé des perches et je me suis rendu compte que c’était compliqué. Je trouvais ça cool d’aller plus loin que le featuring. D’avoir, même si c’est sur 2 titres, une vraie collaboration qui fonctionne. Avec Don Cho’, on a fait 8 titres, pour en sortir 2. Si on avait décidé d’en faire que deux dès le départ, peut-être que ça ne se serait pas passé ainsi. Je me suis rendu compte que pour en sortir deux, il fallait en faire plus et ça m’apparaissait compliqué. J’ai fermé le chapitre des maxis collaboratifs, mais je pense que c’est une bonne idée, que je rouvrirai peut-être.

© D.P.G. / Karrington

Transmission

Tu déposes toujours tes enfants au centre au risque qu’ils écoutent du rap pas adapté à leur âge ?

Ils ne vont plus au centre, ils sont grands maintenant. Ma fille y va de temps en temps, elle
est encore petite. S’ils lui font écouter la radio, elle ne calculera pas ce qui se raconte. Pour
l’instant, je suis tranquille. Je verrai dans quelques années, j’essayerai de veiller à ce qu’ils
ne passent pas Skyrock au centre de loisirs.

Elle n’est pas influencée par ce qu’écoutent ses grands frères ?

Non, je lui fais écouter des trucs adaptés à son âge. Un de mes fils commence à être à fond dans la musique. Il écoute des trucs que je n’ai pas particulièrement envie qu’il écoute, mais c’est de son âge. C’est d’ailleurs là que tu vois qu’il y a un public d’enfants de 12 ans. Je ne m’oppose pas à ce qu’il écoute des artistes plus ou moins mainstream avec des lyrics un peu pauvres. Juste je lui explique, mets du contexte et fais découvrir d’autres rappeurs français. Tout en lui parlant du rap US, que s’il veut s’intéresser à cette musique, il doit en voir les différentes facettes, visiter son histoire et que je peux lui donner un tas de références, sans être une encyclopédie. Des fois, je l’entends fredonner des lyrics et je lui demande s’il sait ce que ça veut dire. Les valeurs qu’il y a derrière certaines chansons qu’il écoute naïvement, ce n’est pas ce que je veux pour lui. Depuis quelques semaines, il me fait écouter des intrus qu’il check sur YouTube. Il commence à affiner son oreille.

De mère en fils

À quel point l’éducation que tu donnes à tes enfants est différente de celle que tu as reçue ?

Déjà, parce qu’ils ont des frères et sœurs, ils sont trois avec leurs deux parents, j’étais tout seul avec ma mère. J’ai grandi dans un 2 pièces dans Paris 18 et nous sommes en banlieue dans une maison. Ce que j’essaye de leur faire comprendre, c’est qu’il faut trouver ce pour quoi ils sont faits dans la vie. De tout faire pour essayer d’en vivre. Je n’ai jamais souhaité vivre exclusivement de mon rap. Peut-être parce que j’ai toujours cru – ou su – que ce serait compliqué vu comment je suis constitué, ma façon d’écrire et de penser. C’était peut-être une erreur de penser comme ça, mais j’ai fait un choix. Paradoxalement, je pense que je n’avais pas le choix. Le devoir de travailler pour vivre ; personne n’aurait pu assurer mes arrières.

Mon aîné a 16 ans, il est dans le foot et dans les fringues. Il joue depuis qu’il a 5 ans. Je lui dis que si ce qu’il aime dans la vie, c’est le sport, qu’il y trouve sa place. Pas spécialement en tant que sportif, il y a plein de métiers dans le sport. Si c’est la mode qui lui plaît, pareil. La vie, c’est long, il faut évoluer et gagner sa vie dans un milieu qu’on aime. Ma mère me disait de faire ce que j’aime, mais pas d’en vivre. Elle n’aimait pas l’argent. J’ai grandi dans un foyer modeste. Je suis fier de l’éducation que j’ai reçue, avec des valeurs en moi, mais j’étais destiné à rester pauvre. C’est ce que je dis dans l’album :


Maman m’a toujours dit de faire c’que j’aime / Je dis à mes enfants de faire des eus / Je dis à mes enfants de faire les deux [Huit Chiffres]


Je suis parti à l’aveuglette dans ma vie professionnelle, je n’avais rien de prévu, aucun plan. Je me suis dit que je m’en sortirai toujours. Je suis resté un gamin jusqu’à mes 40 ans, à me trimbaler là où la vie me menait. Mes enfants m’ont indirectement permis de reprendre ma vie en main et d’arrêter de dériver. Je fais du coaching scénique depuis un peu plus de deux ans et c’est une des meilleures décisions que j’ai prise. J’accompagne des artistes, à qui j’apporte un regard extérieur, des conseils et des outils, pour progresser. Je suis contacté par des salles de concert, producteurs, labels, tourneurs ou tremplins. J’accompagne des artistes émergents comme plus confidentiels, pour préparer leurs concerts et contribuer à leur évolution sur scène.

C’est mon activité à plein temps en freelance aujourd’hui. Je suis dans mon élément, je transmets mon expérience, c’est valorisant et je reste au contact de la musique et de la nouvelle génération. Je suis comme un poisson dans l’eau, je regrette de ne pas m’être lancé plus tôt. Depuis que je fais du coaching, j’insiste encore plus auprès de mes enfants, pour leur dire de trouver un domaine qui les passionne. Quand j’étais petit, je voulais être journaliste sportif. Je n’ai pas cru en mon rêve alors que j’aurais certainement eu toutes les capacités pour le faire. Personne ne m’a dit, tu veux faire ça, alors fais tout pour y arriver. J’ai perdu de vue mon rêve, je ne sais pas pourquoi. Finalement, je retombe sur mes pattes, je coache, fais des concerts et produis des disques. La vie est courte, mais longue aussi, on ne peut pas se permettre d’évoluer dans un milieu qui ne nous convient pas. Il faut se la faire belle. Je suis épanoui actuellement et je remercie chaque jour de me permettre de faire ce que je fais. Voilà le conseil principal que je donne à mes deux grands, en plus de ceux du quotidien, qui sont nombreux.

T’es quel genre de père au bord du terrain de foot ?

Discret, je ne supporte pas les parents qui sont en train de hurler, qui parlent mal, insultent l’entraîneur, l’équipe adverse et l’arbitre. Des fois, je suis gêné au milieu de ces pères hystériques qui donnent une image déplorable à leurs enfants. Ça m’est déjà arrivé d’aller voir un daron de l’équipe d’en face pour le calmer. Il n’arrêtait pas de se moquer méchamment des enfants de notre équipe pendant le match. C’était lunaire.

Encore plus avec l’âge, est-ce que t’es sur un bilan de vie avec cet album ?

En-tout-cas ce n’est pas la D.A. de l’album. Je ne me suis pas dit je vais faire le bilan. C’est plus un parcours, mais aussi un premier bilan indirectement.

Madame Julien

Comment ta femme réagit à ta musique depuis J’ai trouvé ma place [Ayastan] jusqu’à Monsieur Julien ?

JTMP a été un morceau marquant pour nous deux. Elle ne voulait pas d’un artiste. Son ex était danseur, je crois et il lui faisait subir sa vie d’artiste dans tous ses mauvais côtés. Quand on s’est rencontré et qu’on a appris à se connaître elle m’a confié ça, au premier rendez-vous. Je ne lui ai pas dit que je faisais du rap, puis un jour, je lui fais écouter la maquette de Tourner la page. Je lui avais caché ça pendant plusieurs mois, alors que j’étais en pleine création de J’éclaire ma ville. À la fin du morceau, elle n’a pas reconnu ma voix, je lui dis que c’est moi. Elle est devenue méfiante avec moi, parce que j’avais menti. Quand j’allais en répétitions pour les concerts, elle croyait qu’on allait voir des nanas, boire et fumer, qu’on était des branleurs comme son ex. Un jour, je lui ai dit de venir avec moi. On répétait comme des chiens avec Shido et Dimé. À la fin de la séance, elle a compris.

Quelques mois plus tard, elle me quitte donc j’écris JTMP pour lui dire de ne pas partir et elle est restée. Malgré tout, elle a toujours dans la tête que ce n’est pas du travail, même si dernièrement, je me suis dépouillé pour faire mon disque autoproduit (écriture, coordination, budget, planification, supervision, cover, fabrication, réalisation, promotion). Ce n’est pas une activité qui apporte réellement une sécurité financière ou une stabilité. Ça ne la sécurise pas. Je gagne de l’argent avec la musique, mais c’est aléatoire, par rapport à mon inspiration et à ma productivité qui n’est pas folle.

Elle me dit, la musique, c’est bien, t’es doué, t’écris bien, mais qu’est-ce qu’on transmet à nos enfants ? Je lui réponds que c’est un héritage spirituel et artistique, que ça rapporte quand même de l’argent. C’est un parcours différent, original qui se base sur des valeurs, une passion et que ça peut leur servir à découvrir qui ils sont. Leur montrer qu’on peut faire des choses qui sortent de l’ordinaire dans la vie, que créer, c’est merveilleux.

Éducation financière

L’éducation financière de nos enfants est devenue un sujet pour nous. Je n’en ai pas eu, elle non plus. Ma mère, c’était, on va tous mourir, à quoi bon avoir de l’argent, être propriétaire, etc ? Nous, c’est plutôt comment on peut leur faciliter les choses à l’avenir en leur rendant la vie belle et intéressante ?


Travailler pour de l’argent et travailler son argent / Ce n’est pas pareil


Pour beaucoup de gens de ma génération, les parents n’ont pas fait la transmission par rapport à ça. Encore moins à l’école. On nous dit de trouver un CDI, mais on ne nous apprend pas comment faire pour travailler l’argent. C’est un outil et plus on en a, plus on est outillé. Huit chiffres est autobiographique, car c’est tout ce qui m’a manqué. J’ai compris que c’est bien de gagner de l’argent, mais que s’il travaille plus que toi, c’est mieux. Les revenus passifs (droits d’auteur, de producteurs divers et variés) par exemple, j’ai appris ce que c’était grâce à la musique. Il y a d’autres domaines où investir te permet de générer des revenus. Le but n’est pas l’argent, c’est d’être libre le plus possible.


Être libre et être en liberté / Ce n’est pas pareil


On est en liberté par opposition à ceux qui sont enfermés, mais est-ce qu’on est vraiment libres avec toutes nos contraintes ? On ne le sera jamais vraiment, mais il faut essayer de l’être le plus possible. Je veux léguer quelque chose à mes enfants qui leur permette d’y accéder.

Cancel culture de masse

Tu mets les pieds dans le plat concernant R. Kelly tout en constatant que tu ne devrais plus écouter grand monde, déjà que t’en écoutes pas des masses. 

Ce que je veux dire, c’est que je ne veux pas donner de la force à des gens mauvais. Que ce soit dans le rap ou ailleurs. Stop.


Je ne compte plus sur personne / Ça m’évite de vous haïr [Calme et posé / Crown Freestyle Part. 8]


Quand tu comptes sur les gens, tu risques d’être déçu, j’ai appris avec le temps à ne rien attendre des autres. Je me concentre sur les choses que je peux maîtriser et pas sur lesquelles je n’ai aucune emprise. Que chacun soit comme il a envie d’être, je ne m’attends pas à ce qu’ils fassent les actions que j’aimerais qu’ils fassent, je n’aurais que des bonnes surprises.

Doudou

Chaque samedi soir, t’es sur TMC ?

Columbo, c’est mon doudou, un retour en enfance. Je regarde le samedi soir parfois avec ma fille. En plus, j’ai toute la série en DVD, mais c’est mon toc, un rituel étrange. Je regarde les replays d’épisodes que j’ai vus une quinzaine de fois. J’ai utilisé les typos de la série pour faire mes dernières covers, très années 70. Quand je regarde Columbo, je suis comme hypnotisé.

© JuPi / Flynt

Pias a trouvé son créneau rap avec les rappeurs quadras.

Oui, ils ont sorti Isha, Limsa, Veust, Dany Dan, Souffrance, Zek, récemment. Cela fait longtemps qu’ils voulaient sortir un de mes disques. C’est fait cette année, je suis content d’avoir leur soutien.


Je ne vais plus aux entraînements / Les potos on se voit aux enterrements


Chacun a sa vie, ses enfants, ses problèmes, ses activités ou son taf. J’ai beaucoup de potes qui ont déménagé, qui ne sont plus en Île-de-France. Et tout le monde est busy. Avec l’âge, on voit moins ses potes, les cercles diminuent, c’est valable pour toutes les générations.


Si je ne me bats pas avec une rime / C’est que je suis en train de pouponner


Ma vie d’aujourd’hui, je l’ai articulée autour de deux choses, mon foyer et mon art. Quand je crée, j’ai besoin d’être seul. Je ne peux pas avoir des gens autour de moi pour écrire. Cela peut m’arriver de finir un couplet en studio s’il me manque une rime, mais pas plus. Je me suis coupé de beaucoup de distractions pour mon rap. Les sorties, ça nourrit l’inspiration, mais à un moment donné les distractions, ça me freinait. J’essaye d’être plus focus.

Boîte à rythmes

Tu aimerais faire des intrus ?

J’aimerais bien, mais la technique m’ennuie, je ne suis pas dans les machines.

Si tu te lançais dans la production, parmi Drixxxé, Soulchildren, DJ Dimé, Nodey, Just Music Beats, Sheldon, JeanJass, Double Diamond — avec qui tu as déjà travaillé —, tu voudrais te rapprocher du style de qui ?

Actuellement, des productions de JeanJass et Double Diamond, mais parce que ce sont les derniers avec qui j’ai bossé. À l’époque où Drixxxé me passe l’instru de Tourner la page, je l’ai remercié fort. Pareil quand Nodey m’envoie celle de Haut la main. Incroyable instru de Soulchildren quand ils m’envoient En froid et Homeboy, je trouve chaussure à mon pied.

Je ne sais pas, peut-être qu’un jour, je me lancerai, pour voir. Est-ce que j’aurais une patte ? Est-ce que je ferais de bonnes instrus ? J’ai même pensé à devenir DJ. Pour le jour où je ne ferais plus de scène en tant que MC, afin de rester au contact de la scène. Coach scénique aujourd’hui, ça me va bien, je suis en contact à fond.

Cercle Explicit 

Premier projet sans feat, trop de pudeur pour partager les morceaux ?

Non, à la base, j’avais des invités, mais ça ne s’est pas fait, car on n’a pas réussi à se mettre le pied à l’étrier. Au fur et à mesure que l’album avançait, je me suis dit que c’est mieux comme ça. Les choses se sont faites comme elles devaient se faire. Je n’ai pas forcé parce que quand j’ai commencé à avoir le corps de l’album, j’ai réalisé que ce disque n’était pas si propice pour des featurings.

Quels sont tes feats marquants ?

Il y a Mon pote avec Orelsan, le clip génial réalisé par Francis Cutter. Il y a mes titres avec Nasme, qui a été mon binôme sur scène pendant longtemps, Vieux avant l’âge avec la Scred Connexion, assez vite considéré comme un classique du rap français. Je n’étais pas connu à l’époque. Ça va bien s’passer mon titre avec JeanJass. Lorsque j’ai découvert JJ, il avait juste sorti Goldman. J’ai été tout de suite client de son écriture. Quand il m’a proposé de faire un titre, à ce moment-là de ma carrière, c’était important pour moi de savoir que je pouvais toucher des gens comme lui, qui écrivent de sa manière. Je finirai sur ma collaboration avec Don Choa parce que j’étais fan de la FF quand j’étais jeune. Si à l’époque, on m’avait dit que je ferais fait un titre avec lui…

Si aujourd’hui, tu avais l’occasion de faire un Explicit Dix Huit, qui t’accompagnerait ?

Je ne veux plus faire de compilation, c’est l’horreur. Après, c’est peut-être parce que je n’avais pas d’expérience quand je l’ai fait. On s’est lancé en disant que ce serait cool qu’on fasse un disque où on réunirait tous les mc’s de l’arrondissement. On l’a juste fait. Je n’avais aucune expérience du mix, des pistes séparées, presque jamais mis les pieds en studio et on voulait réunir du monde. C’était formateur, mais ça a été long. Après, je me suis dit plus jamais de compilation. Trop de travail. Même si ça reste de bons souvenirs. Je ne le referais pas donc je ne me pose pas la question. Et je ne vis plus dans le 18e depuis un certain nombre d’années maintenant.

Les moyens du bord

Suite à une story Instagram sur ton compte, tu penses vraiment que les médias spécialisés dorment sur ton album ?

Oui à fond. Le premier qui a fait une chronique que je trouve belle, c’est Hoop Culture, des mecs qui parlent de basket. Vive le sport, merci ! J’ai fait Grice Tv cette semaine, mais sinon je ne sais pas. Raphäel Da Cruz en a parlé dans Code Review. Tous les comptes Insta, X, les chaînes YouTube, à l’exception de ceux qui m’ont contacté, dont 16mesures et vous. Vu le nombre de médias rap qu’il y a aujourd’hui, ça dort pas mal. C’est normal, il y a beaucoup de sorties, je suis arrivé de nulle part, j’ai annoncé l’album trois semaines avant, donc pas bankable

N’est-ce pas ta position assez humble qui fait que certains peuvent se dire, Flynt n’a besoin de personne ? Il se gère seul, communique avec certains et pas d’autres.

Je pense que ça ne les intéresse pas plus que ça, c’est tout. Si c’est parce qu’ils pensent que je n’ai pas besoin d’eux, ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses. Soit tu as envie d’en parler soit pas, c’est tout.

Au final, mieux vaut faire envie que pitié ?

Oui, mais je préfère ni l’un ni l’autre. Juste être bien dans ses pompes, être épanoui, quel que soit le niveau que tu atteins. Je ne remplirai jamais le Zénith, ce n’est pas grave, je refais une Maroquinerie comme au début de ma carrière, mais c’est cool, j’ai de la chance. Je ne joue pas en Ligue Des Champions dans les ventes, l’exposition, le nombre d’auditeurs, de dates de concert, de vues, etc. J’ai mon parcours et mon histoire. Il y a quand même un domaine où je peux jouer la LDC, c’est lyricalement. Monsieur Julien peut prendre le trophée lyricale 2025 sans problème. S’il y a un titre pour cette année, je suis prétendant.

© JuPi / Flynt

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