Que reste-t-il de la MZ ? Ce groupe parisien sur lequel on nourrissait tant d’espoir il y a de cela une décennie. Jok’Air bénéficie plus d’une large couverture médiatique, avec les neuf déclinaisons de son pseudonyme, en guise de titre d’album, dont un à venir le mois prochain. Sans qu’il n’atteigne pour le moment, le gros succès populaire que certains présageaient. De leurs côtés, ses anciens collègues, n’ont pas à rougir, Dehmo (cinq sorties à ce jour) et Hache-P sortent aussi des projets de bonne facture.
Le dernier cité est à l’honneur cet automne. Celui qui paraissait le moins impliqué dans le trio, a pris le temps de consommer la séparation survenue en 2016, avant de se lancer en solo. Un avant-goût avec « Before » l’année suivante, il sortit son premier album, agréable à l’écoute « Rock N Roll » en 2019. À ce jour, c’est lui qui espace le plus ses sorties. Paradoxalement, il incarne le mieux l’esprit de son ancien groupe. Ce côté décomplexé qui renvoyait à une nouvelle génération de rappeurs accessibles. Leur seule volonté affichée étant la réussite et les plaisirs que la vie pouvait leur offrir. Cinq ans après cette fin collective, les aventures individuelles ont toujours de quoi frustrer.
Le Big, Le Big
Ange-Patrick revient cette année avec la mixtape intitulée « Le Big », surnom qui lui sert aussi de gimmick, lâché au début de ses morceaux. Cela fait six mois, qu’il parsème des singles sur sa chaîne Youtube, dont deux solos et feats (Chily et Gazo séparément).
Il s’agit pour chacun d’une seconde collaboration. La combinaison avec le rappeur de Saint-Denis est espérée depuis l’apparition dans le clip « Drill Fr 4« . Après, il y a eu « Cache Cou » sur l’album Drill Fr, mais ils sont ici plus complémentaires. Ils nous épargnent le couplet qui aurait été posé dans l’urgence. Chily était quant à lui présent sur « Deschamps« , disponible sur le premier album d’Hache-P.
On constate à l’écoute de ce nouveau projet, que le rappeur du 13e maîtrise son style aussi bien en solo qu’accompagner. À aucun moment, il ne se fait voler la vedette, tout est à sa place. Que ce soit dans les interventions ou placements. C’est encore plus flagrant dans l’équipe naturelle qu’il forme avec Dehmo, arrogant de simplicité, Jeci-Jess en introduction et lui-même exagérant de manière efficace des effets vocaux sur « Rinté » [Produit par Kezo].
Il sait recevoir, comme c’est le cas sur le vaporeux « Livraison » [Kezo] avec un Doums envoûté et Eff Gee égal à lui-même. Des membres issus de L’Entourage, qui comme leur hôte, étaient sous-estimés à leurs débuts. Bien que le second ne soit pas prolifique et occupe moins le devant de la scène que ses complices. Le morceau est placé au milieu de la tracklist, comme une pause avant de repartir de plus bel. Il dénote des autres propositions de la tape.
Formule maîtrisée malgré des répétitions
Certains titres se font écho (Bandit, On va les dja, Claquer, FC Gobelins, Le ciel) et sont calqués sur le même modèle. De l’egotrip à usage commun, limite terre-à-terre dans les propos, mais porté par une différence sur le débit des mots. Hache-P ne trompe personne quant à l’appellation de son projet. Il s’agit d’une mixtape, comme il a pu le faire par le passé, avant d’envoyer un album. C’est aussi sa force, d’avoir le sens du timing. En occupant l’espace uniquement quand c’est nécessaire. Pourtant, il aurait été préférable de tenter plus musicalement, sans rester dans sa zone de confort.
Selon les attentes de chacun, ce type de format doit être un moyen de se diversifier sur la forme. Sois avec une base fourre-tout ou quelque chose de plus uniforme, comprenant des essais ici et là. Le rappeur a une préférence pour le deuxième type de proposition. Par exemple, les premières secondes sur « Faut qu’on mange » [Hassan J] surprennent. C’est l’un des deux titres du projet qui sonne différemment, avec son instru accéléré.
Le deuxième est « Le ciel », produit par Shabzbeatz et Heezy Lee, dont le palmarès n’est plus à présenter. Ils offrent une composition calibrée pouvant attirer un large public. Le contenu des paroles regroupe toutes les obsessions déjà exprimées du Big : la détermination, le sacrifice, la figure maternelle, l’expérience acquise, la fierté des siens et la place des ennemis. Tandis qu’il partage sa préférence pour les formes pulpeuses et les positions explicites en FaceTime, sur d’autres morceaux.
Une rythmique dansante
On a droit à une énergie communicative sur la plupart des tracks, notamment grâce aux flows mis en avant. Ça peut pêcher à certains moments par un manque d’articulation, mais les titres restent en tête. L’auditeur reste conscient à l’écoute du projet, des limites du replay value. Même s’il a tendance à se répéter dans ses couplets, son expérience transpire au micro. De part, sa manière de prendre les instrus et s’amuser dessus. Les répétitions de phase restent proportionnelles au nombre de titre, à leur durée ainsi qu’à celle de l’album (30 minutes). Cela peut correspondre à un état d’esprit durant la période d’enregistrement, mais qui est trop flagrant lors de la lecture.
Il affiche une osmose particulière sur les productions d’Hassan J (Canon) et Kezo et assume tous les refrains, même ceux avec ses invités. Les autres productions concoctées par Johnny Ola (Bandit), Clinton (Claquer), Ogy Beat (FC Gobelins) et DJ Infini (Big Billets) ne sont pas en reste, mais c’est surtout l’interprétation qui prend le dessus. Le tout apporte une rythmique dansante.
Hache-P dégage une bonhomie à l’écoute, même quand on visionne ses clips. Il n’abuse pas des tendances et se montre plutôt conscient de ses limites. Le contenu dans « Le Big » reste identique à la concurrence, mais s’inscrit loin de toute tentative exagérée dans le paysage rap. Le temps donné à chaque sortie peut lui offrir une longévité raisonnable dans sa carrière.