Kobo – ANAGENESE

Critique

Des mélodies riches, une découverte plus profonde du personnage et un univers bien défini, c’est ce que les auditeurs de Kobo attendaient probablement de son deuxième projet, Anagenèse.

Ce devait être l’album de l’éclosion pour Kobo. Des musicalités redondantes, un niveau d’écriture trop juste et des thématiques vues et revues ne permettent pas au Bruxellois de 29 ans de s’envoler, malgré quelques fulgurances.

L’évolution

Anagenèse signifie une transformation lente, continue et méliorative. L’évolution, thématique principale du projet est facilement reconnaissable et tient en haleine l’auditeur tout au long de l’album. Les différentes phases de l’existence sont présentées: la création, l’indépendance, l’amour, la haine. Au-delà des titres explicites, Kobo réussit à véhiculer son message également à travers des sonorités comme le bruit de l’eau introduit dans la première track qui symboliquement représente la vie mais aussi les cris d’enfant dans .FUCKED UP.. La structure est cohérente, la trame est maintenue tout le long de l’album. 

Cependant, une évolution artistique significative du rappeur belge était également attendue sur ce nouveau projet. Pour y parvenir, Kobo misait sur un album dense (18 titres, 51 minutes) et voulait faire s’entremêler différentes atmosphères. 

À l’écoute d’Anagenèse l’auditeur comprend rapidement que Kobo veut l’emmener dans un univers introspectif, quasi intime. Les premiers mots prononcés dans .PRÉNATALITÉ., l’intro de l’album sont ceux de la mère du Bruxellois. Kobo souhaite donc instaurer un certain rapport d’intimité, et cela fonctionne. Par la suite, il se livre au sujet de sa crainte de la solitude. Dans la même intro, le Bruxellois chante: « Seul, je viendrai au monde et je mourrai » puis « Je n’veux pas quitter le ventre de maman ». 

L’artiste promeut ensuite une vision paradoxale mais intrigante: le monde est mauvais cependant les éclaircies qui permettent de toucher au bonheur sont aussi rares que belles. Dans un couplet unique qui clôture l’album, Kobo illustre la fatalité de notre société qui s’abat sur lui.

Passer de l’ombre à la lumière, avoir et être, créer, détruire 

sans avoir demandé de naître

Kobo, .ANAGENÈSE.

Quelques phases sont présentes pour représenter le paradoxe entre l’accès au bonheur et les sacrifices que cela représente. Le message est clair par exemple dans .EXISTER :

« Depuis quelques années, j’ai tout donné pour être libre

J’ai nagé où j’n’avais pas pieds

Fait rentrer les papiers

Le système voulait me voir plier

Prédestiné à briller »

Kobo, .EXISTER.

Cette vision de la société souvent mise en avant dans le rap n’est pas mise en scène de manière assez poétique dans ce projet. Le rappeur connu pour ses belles envolées mélodiques n’est pas en capacité d’apporter davantage lyricalement que ce qu’il propose par exemple dans le morceau .CARPE DIEM.. Les punchlines ne sont pas impactantes et le flow pas assez travaillé. Kobo pose très souvent sur des temps similaires. Il aurait été souhaitable qu’il prenne plus de risques dans ses mélodies. Le potentiel de sa signature vocale n’est pas pleinement exploité.

« J’dois vivre chaque jour comme si c’tait l’dernier

Simplement, vivre, tout simplement »

Kobo, .CARPE DIEM.

La musicalité devait être la clé

Avec Baltimore, le morceau qui l’a fait découvrir au grand public, Kobo s’était présenté comme un artiste qui s’appliquait à quadriller un univers singulier. Il usait de sa voix pour créer une harmonie entre la mélodie et les paroles puis saupoudrait le tout d’ad-libs bien placées. 

Dans Anagenèse, la signature vocale de l’artiste est remarquée dans des morceaux comme .AME.SOEUR. ou .DEMAIN. mais en général il manque un supplément d’âme aux morceaux « mélodieux ». Même si, comme tout au long de l’album, le Bruxellois ne perfore pas dans la rime riche, l’instrumentale et la construction du morceau lui permettent de se faire remarquer. Les deux couplets de .DEMAIN. sont efficaces mais la réussite de ce morceau tient sûrement aux temps de pause pris par Kobo. Arrêter de rapper à des moments clé lui permet d’accélérer sa cadence mais aussi et surtout de s’envoler mélodieusement. 

Le Belge tente d’élargir sa palette sur ce projet. Un bon nombre de bangers sont remarqués: .GHETTO., .FUCKED UP., .BOYZOO. ou .RÉPRESSION. par exemple. L’énergie est là, l’attention est captée mais les refrains, clés de ces morceaux, n’apportent pas de vraie plus value et ne parviennent pas à emporter l’auditeur.

Kobo est influencé par des musicalités plutôt jazz. Cela se ressent par le choix des instrumentales du projet. .MOVIE. composée par Ikaz Boi, est à l’image de cette volonté. Une trompette discrète mais efficace, un BPM assez lent et des accélérations de batterie de temps en temps, le morceau crée une ambiance jazzy qui détend. Ce registre colle parfaitement au personnage, c’est celui qu’il maîtrise le mieux et dans lequel il excelle. 

L’entourage fait la différence

Beaucoup d’espoir naissait de la signature récente de Kobo au sein du label The Vie de Damso. L’influence de l’auteur de QALF se ressent évidemment dans le projet. Tout d’abord, il y a une certaine corrélation thématique entre le projet de Damso Lithopédion et Anagenèse de Kobo. Dans les deux albums, il est question de « genèse », de la naissance des artistes et de la manière dont ils découvrent la cruauté du monde.

C’est un gage de qualité pour Kobo. Mais Damso ne permet pas à son “rookie” de prendre la dimension ascendante qui était la sienne il y a quelques années. Le featuring .FUMÉE ÉPAISSE. entre les deux artistes n’est d’ailleurs pas le morceau le plus convaincant du projet. L’instrumentale est adaptée aux deux rappeurs mais aucune alchimie ne se dégage de la track. Le premier couplet de Kobo est plat, répétitif par rapport à ce qui est proposé dans le reste du projet. Celui de Damso n’apporte pas la plus-value qu’on lui connaît habituellement. 

Dans cet album, Kobo s’entoure également de producteurs de talent. Les deux beatmakers belges Prinzly et Ponko (habitués à travailler avec des pointures comme Hamza ou Disiz) se font remarquer sur Anagenèse. Leur signature musicale se ressent par exemple dans .FRÉNÉSIE. où le lead mécanique du morceau est facilement reconnaissable. 

La bonne découverte de cet album c’est Don Moja, jeune compositeur belge qui s’illustre assez bien dans .EXISTER.. Une certaine harmonie se dégage de ce morceau où la flute de pan est presque envoutante.

Lyricalement juste 

Tout au long de son album, Kobo pêche à trouver des rimes riches. Il s’exerce à quelques multisyllabiques mais multiplie surtout les rimes faciles et laisse un arrière-goût de trop peu. À l’image du début du couplet de .STUDIO. par exemple: 

« Fuis la réalité pour pouvoir me soigner

Grand besoin d’mévader, grand besoin d’m’envoler

Disparaître pour l’éternité

Les mystères de ce monde, je n’en connais pas la moitié »

Kobo, .STUDIO.

L’outro du projet reflète parfaitement ce manque. Le flow mécanique de Kobo ne lui permet pas de faire prendre une dimension au morceau, et à l’album. 

Lyricalement trop juste, pas détonnant sur ses toplines et thématiques déjà vues font qu’Anagenèse n’est pas une réussite.

Des mélodies riches, une découverte plus profonde du personnage et un univers bien défini, c’est ce que les auditeurs de Kobo attendaient probablement de son deuxième projet, Anagenèse. Ce devait être l’album de l’éclosion pour Kobo. Des musicalités redondantes, un niveau d’écriture trop juste et...Kobo - ANAGENESE