Kodak Black – Heart Break Kodak

Critique

Il y a un an jour pour jour, le 14 février 2018, Kodak Black sortait sa surprenante mixtape intitulée Heart Break Kodak (en référence au terme « Heartbreak Kid », qui signifie « brise-cœur »).

Un projet inattendu

Heart Break Kodak était étonnante par bien des aspects. Premièrement, la mixtape n’avait pas reçu de promotion, et a été annoncée qu’un jour avant sa sortie. Elle a été publiée le jour de la Saint-Valentin, alors que Kodak Black était en prison. Et surtout, le rappeur surprend en étant beaucoup plus mélancolique et introspectif qu’à l’accoutumée, se tournant davantage vers le RnB que le rap.

Il est vraiment très difficile de ne pas faire le rapprochement entre cette mixtape et le légendaire 808s & Heartbreak de Kanye West, tant cela paraît évident que l’une a été influencée par l’autre. A la manière de ce qu’a fait Kanye il y a 10 ans, Kodak a décidé d’aller sur un terrain où on ne l’attendait pas forcément, délaissant régulièrement sa trap et son égotrip habituels pour faire part de ses faiblesses, montrer sa vulnérabilité, et faire un projet bien plus intéressant et abouti lyricalement que ce qu’il avait pu faire par le passé. Le tout en chantant beaucoup plus (souvent sans autotune, comme il le rappelle dans Running Outta Love, l’intro), et sur des musiques au rythme plus lent.

Du moins bon au très bon

Là où le rappeur donnait auparavant l’impression de faire des projets « fourre-tout », mélangeant des styles et des thèmes variés, sans vraie construction ou cohérence, ici il a décidé d’en faire un avec une teinte unique. Un univers musical bien distinct se dégage, mais pas seulement, même au niveau des sujets abordés, y a une certaine cohérence. Le thème principal est l’amour, l’amour pour certaines filles, l’amour pour ses proches, l’amour pour l’argent, l’amour pour la rue. Et qui dit amour, dit désillusion. Vous l’aurez compris : Kodak fait part de ses émotions les plus sincères, des meilleures aux pires.

On en apprend énormément sur lui, il a des choses à raconter, le tout en alternant les flows. Bien que le projet soit globalement très bon, il souffre de quelques faiblesses, on pense notamment à la musique Codeine Dreaming en featuring avec Lil Wayne, qui était déjà présente sur le précédent projet de Kodak Black : Project Baby 2 (Deluxe), ce qui donne lieu à une désagréable impression de déjà vu, surtout que la musique est la seule à être un banger, la seule qui ne colle pas du tout à l’ambiance générale de HBK.

On peut sans doute expliquer sa présence par une envie d’offrir de la visibilité à HBK, mais ça n’a pas suffi : la mixtape a très peu fait parler d’elle, en dépit de sa qualité. Codeine Dreaming n’est pas la seule à ne pas être à sa place sur le projet, la musique intitulée Bill and Jill est un peu en dessous du reste au niveau lyrical, et ce n’est pas la seule.  La mixtape aurait sans doute gagné à être raccourcie, en passant de 17 tracks à 13 ou 14, de manière à conserver les meilleures musiques, pour avoir un disque parfaitement homogène et équilibré, ce qui augmenterait le replay value.

Du côté des points positifs, en dehors de la prise de risques de Kodak sur ce projet qui est à saluer, on peut souligner la qualité des refrains qui sont souvent bien exécutés, devenant nonchalants et entêtants à la fois. Les prods sont également de bonnes factures. Et il y a certaines musiques excellentes, comme Hate being Alone dans laquelle il fait part de ses sentiments pour une fille et sa peur de la solitude, Corrupted qui lui permet de parler de ses relations (et surtout de sa mère), ou le petit chef d’œuvre When Vultures Cry, dans lequel il revient sur son parcours et certaines difficultés rencontrées lors de celui-ci :

De plus, cette musique un clin d’œil au hit When Doves Cry du chanteur Prince, dont on vous parlait ici.

Un passage obligé

Finalement, avec le recul, ce projet semble être un passage obligé dans la carrière du jeune rappeur, il devait apprendre à créer un album cohérent du début à la fin, devenir mature et se diversifier. Choses faites ici, et il semble en avoir tiré une leçon puisque son deuxième album studio, intitulé Dying To Live, est sorti plusieurs mois après HBK, et est bien mieux construit, plus profond, hétérogène, inspiré et surtout intelligent que son premier album (Painting Pictures, qui a vu le jour en 2017).

Son « sophomore » est d’ailleurs son plus gros succès critique et commercial. HBK a donc des allures d’expérimentation, et même si la mixtape n’est pas parfaite et n’a pas mis tout le monde d’accord, elle est étonnement bonne, et nécessaire dans l’évolution de Kodak Black. Qui a dit que le spleen n’était plus à la mode ?

Rotka
Rotka
Life's a bitch and then you die