Drismer et PCN : le succès sans concessions

Duo apparu sur le fil Twitter d’un très grand nombre d’utilisateurs, par la magie de l’algorithme, à travers un sample de Witch Doctor, Drismer et PCN ont multiplié les freestyles entre humour et festivités, jusqu’à une signature en label (Sony Music). Leur DA quasi enfantine en format court attire la sympathie, sans se prendre au sérieux. Authentiques et communiquant facilement leur bonne humeur, difficile de ne pas apprécier leurs mises en scène et leurs morceaux ensoleillés. Sang 9, EP sorti en juillet, affirme une volonté de ne pas demeurer de simples « rappeurs Twitter » en proposant un format plus conventionnel, signe du sérieux de leur démarche. Toujours efficaces dans le créneau qui leur tient à cœur, il leur reste à prouver que leur musique a sa place dans un marché de codes qu’ils transgressent allègrement. 

cover de l'album Sang 9 de Drismer et PCN

Produit Non-Identifié 

La première rencontre avec Freestyle Bintou (le titre par lequel Drimer et PCN se sont fait connaître) déconcerte aussi bien qu’elle amuse. Dans la vidéo postée sur Twitter, les deux MC, dans un igloo, posent sur un sample Pop des années 50 et enchaînent les pas de danse avec autodérision. Le morceau dure une minute à peine et pourtant fait sensation, par son originalité et l’efficacité de son refrain ; la mélodie ayant fait ses preuves des décennies auparavant. Le duo n’est pourtant pas à son coup d’essai dans ce domaine qu’il nomme « musique fast-food » : rythme de sortie soutenu, morceaux brefs et fondés sur une base populaire (notamment via les reprises de musiques connues de tous). Un format novateur qui répond à une volonté d’aller à l’essentiel au plus vite, non sans lien avec l’influence de TikTok sur l’industrie musicale.

« Un jour j’étais sur trois meufs, ah les trois elles m’ont recalé » – Kanga Munoko 

Plus largement, l’identité que le duo s’est forgée avant de percer s’articule autour de rythmiques dansantes inspirées de la musique congolaise, une nationalité revendiquée par les artistes qui donnera le nom à leur série d’EP Pray4Congo. Les rappeurs adoptent également un angle souvent humoristique voire ludique, à travers leurs chorégraphies ou des samples associés à l’enfance (Dora l’exploratrice, Frère Jacques). Finalement, c’est grâce à un coup du sort s’ils se voient projetés au centre de l’attention du Twitter francophone. Ces aléas de l’algorithme avaient déjà bénéficié à Wejdene à l’aube de l’été 2020 et lui avaient permis de signer un morceau incontournable. Dans les deux cas, la polarisation entre un public qui adhère à cette proposition atypique et un autre qui en est rebuté prolonge l’attention accordée aux artistes. L’objectif est alors d’exploiter au maximum cette mise en lumière afin d’embrayer sur une carrière pérenne. Même si les deux jeunes rappeurs n’avaient pas l’expérience d’un Feuneu à leur côté, ils y sont parvenus jusque-là avec brio. 

Communication et image léchées 

Afin de fidéliser le public, important mais volatile, Drismer et PCN ont fourni de la matière musicale pour appuyer la réussite de leur recette audacieuse mais se sont aussi et surtout illustrés par de brillants coups de com’. En effet, le compte Twitter de Drismer, avec sa masse d’auditeurs, offre une vitrine sans filtre pour développer leur ingéniosité. L’ascension fulgurante du duo devient alors le support de plusieurs mini-fictions pleines d’autodérision. Par exemple, suite à leur signature chez Sony Music, le duo a mis en scène une vidéo dans laquelle ils s’excusent de leur comportement « orgueilleux » et on discerne à la fin que celui qui filme les menaçait avec un couteau.

Plus loin dans cet esprit, le duo s’est rendu au village de Le Liège « par accident » au lieu de la ville de Liège en Belgique, où se déroulait le festival des Ardentes. Ils en ont profité pour rencontrer le maire, visiter l’hôtel de ville et réaliser un concert improvisé dans la petite commune. Ce type d’idées simples mais menées à bout et saupoudrées d’humour est l’apanage des deux amis. Cela a contribué à l’adhésion de nouveaux auditeurs et à maintenir l’attention braquée sur eux, autant voire plus que leurs nombreux freestyles. 

image illustrative PCN parodie zoo
PCN parodiant « Zoo » de Kaaris

Persévérance et authenticité 

Si c’est bien par un coup de projecteur inopiné que Drismer et PCN ont pu se faire une place dans le paysage musical en tant que « révélation », ce n’est pas le hasard de l’algorithme Twitter qu’il faut remercier mais bien les efforts de longue haleine du duo des années durant. En effet, aujourd’hui tout juste majeurs, leur duo s’est formé vers 2018 et a directement embrassé le format court. Ainsi, ils ont multiplié les freestyles sur Twitter et trois mixtapes dans une relative confidentialité mais sans pour autant baisser les bras ni lisser leur formule pour coller aux normes du mainstream.

Même s’ils n’ont pas vécu le parcours sous les radars de Kaaris ou Sofiane, Drismer et PCN sont le symbole que la persévérance sans travestissement de son identité reste un moyen de réussir dans une société toujours plus portée vers l’instant et les modes éphémères. Au-delà de leur obstination et de leur fidélité à cette recette qui les caractérise, leur popularité est aussi née grâce à leur image détendue, simple et proche de leur public. L’autodérision joue autant que les nombreuses interactions avec ceux qui suivent le duo sur Twitter ou encore que des prises de position tranchées sur certains sujets. L’exemple le plus flagrant reste celui de Freestyle Dora, suivant directement Bintou et sorti en pleine période électorale.

On peut ainsi voir dans le clip des tracts et une affiche de l’Union populaire, un assez peu subtil appel au vote que nombre d’artistes ne se sont pas risqués à effectuer (à l’exception de Médine, Rohff ou encore Jok’air). Il devient donc facile de s’identifier aux deux jeunes rappeurs qui parlent sans intermédiaire à leurs fans et donnent leur opinion sur des sujets divers et variés comme s’ils étaient amis. Leur accessibilité et la légèreté de leur rapport au public n’a donc pas évolué depuis le début de leur carrière lorsqu’ils étaient suivis par une communauté plus réduite. 

La clé de leur succès semble alors toute indiquée, loin d’une originalité outrancière qui divise et fait parler pour rien ou d’une étincelle allumée par un algorithme qui s’éteint une semaine plus tard. Il s’agit en réalité de la démarche sincère de deux amis qui cherchent à amuser un auditoire autant qu’ils s’amusent eux-mêmes à faire de la musique. Même si l’on s’attend à une montée en gamme de leur production (fini les clips tournés au téléphone à la verticale), on peut garder l’espoir d’un rapport étroit avec leur public. Qui dit contrat dit contraintes, surtout de la part d’une telle maison de disque (Sony) mais il est certain que le duo ne renoncera pas à son excentricité et sa sincérité puisqu’ils ont débuté, persévéré et réussi sans s’en défaire. La musique, quant à elle, suffit à justifier tout cet engouement. Dansante, parfois drôle et avec ce don pour rester en tête, la recette remplit à merveille le cahier des charges sans présomption et a finalement trouvé son public. Le futur s’annonce plein de promesses malgré les vices de l’industrie et le chemin déjà parcouru suffit à ravir ce sympathique duo.

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