Dosseh est un rappeur clairement identifié sur la scène rap depuis une dizaine d’années. Longtemps qualifié d’underdog, de sous-côté ou de « futur bombe prête à exploser », Dosseh n’a cependant jamais complètement rempli les espoirs placés en lui.
Malgré d’importants moyens marketing, 3 collaborations avec Booba (là où certains n’auront eu besoin que de 12 mesures sur un seul featuring avec Booba pour exploser), des gros featurings (Lacrim, Nekfeu, Young Thug, Tory Lanez…) ou bien le tube Habitué, Dosseh semble condamné à une progression commerciale extrêmement lente et à un plafond de verre difficilement brisable.
Un succès relatif
Perestroika, sa premiere mixtape sous Def Jam, s’est vendue à 5000 exemplaires en première semaine. Yuri, son premier album studio, sensé capitaliser tout le talent du rappeur et lui faire passer un cap supérieur, s’est lui écoulé à 7400 exemplaires en première semaine. Il sera certifié disque d’or 6 mois plus tard. Enfin, son dernier projet en date, VIDALOSSA, s’est écoulé à 12 000 exemplaires en première semaine. Il sera certifié disque d’or 2 mois et demi plus tard.
Si ces chiffres sont honorables, ils ne reflètent que trop mal le succès qui semblait attendre Dosseh s’il ne s’était pas raté sur de nombreux points cruciaux. Comment expliquer que malgré un nombre incalculable de facteurs facilitants, Dosseh ne soit pas parvenu à marquer l’essai durablement ?
1) Dosseh confond facilité et simplicité
Dosseh a de grandes ambitions pour chacun des projets qu’il entreprend. Le souci c’est que ses ambitions commerciales passent avant ses ambitions artistiques et qu’il n’arrive pas à marier les deux. Il n’a pas caché le fait qu’il simplifiait depuis quelques années son flow et ses lyrics afin de rendre sa musique plus accessible au grand nombre. Seulement en faisant cela, il se heurte à deux pièges.
Faire simple n’est pas facile
Vidalossa donne une impression de bâclage permanent, alors que c’était (une fois de plus) l’album sensé faire percer Dosseh. En confondant la facilité (ce qui se fait sans effort, qui est peu digeste et répétitif) et la simplicité (ce qui se présente sous une forme concise et claire), Dosseh commet une grossière erreur. Alors que la simplicité est un choix de sobriété qui requiert des efforts de concision, Dosseh choisit la notion de facilité et c’est particulièrement remarquable sur ses refrains, tous très répétitifs et sans valeur ajoutée.
Ceci est observable sur Milliers d’euros en featuring avec Young Thug, qui est en partie gâché par un refrain simpliste et pas à la hauteur de la collaboration sur le papier. Son dernier album est également entaché par ce réflexe du refrain facile avec MQTB, Voilà pourquoi ou Toit du monde. Dans un effort de créer quelque chose de catchy, Dosseh répète jusqu’à l’indigestion des mots, espérant ainsi créer un hymne en le faisant rentrer plus facilement dans l’esprit de l’auditeur, mais le rendu final est fade et désagréable à l’écoute.
Son flow est également beaucoup plus linéaire et monotone, il n’y a que très peu de prise de risque et cela donne la sensation que tous les morceaux sont interchangeables. En simplifiant ses lyrics, Dosseh perd ce qui faisait autrefois sa petite renommée et se fond un peu plus dans le moule du rappeur lambda, très peu de lyrics étant percutants et bons.
Ses thèmes le rendent d’emblée inaccessible au grand nombre
Il y a là aussi un souci de cohérence, Dosseh donne l’impression de ne pas savoir sur quel pied danser. En affaiblissant ses lyrics pour les rendre plus accessibles tout en gardant un album street et gangsta rap dans ses lyrics et ses thèmes, cela l’empêche de facto d’atteindre tout le monde.
Il n’y a même pas de tentative de musicalité. Damso peut facilement faire chanter et danser sur des morceaux assez sombres comme Macarena ou Amnésie car il y a eu un enrobage musical et artistique, chose que Dosseh ne fait pas. C’est bien trop brut et répétitif, sans musicalité derrière et du coup ça ne passe pas.
2) Habitué : le cadeau empoisonné
Contrairement à ce qu’il pense, Dosseh a commis une très grosse erreur en faisant d’Habitué son premier single. Ce morceau a eu un effet déclencheur chez de nombreux auditeurs : ceux qui n’écoutaient pas Dosseh, ceux qui l’écoutaient mais étaient lassés et ceux qui l’ont toujours écouté. Nul doute que c’est la première catégorie que Dosseh cherche à séduire afin de nouer avec le succès commercial.
En proposant une ballade chantée au piano, le projet pouvait s’annoncer comme étant profondément introspectif et éloigné du gangsta rap qu’il professait avant. Il n’en est rien puisque ce projet ne suit aucune direction artistique et qu’Habitué côtoie des morceaux comme Ma keh à moi, KFC et autres morceaux aux antipodes du single.
dosseh il est trop nul son album jpensais il allait rester dans le même style que habitué alors que pas du tt
— 🤪 (@maxencerz) 9 juillet 2018
En mettant en premier single pour annoncer l’album, un morceau qui n’a rien à voir avec le reste de l’album, Dosseh frappe un coup d’épée dans l’eau. Ceci lui garantit des vues et des chiffres confortables pour Habitué, mais il ne s’agit que d’un single. C’est ce qui explique l’énorme décalage entre les chiffres d’Habitué et les chiffres de l’album. Dosseh n’a pas su capitaliser sur l’attente que ce morceau avait généré et est retourné à ce qu’il savait faire (en moins bien comme expliqué plus haut).
3) Suivre la tendance sans imposer la sienne
Dosseh n’a pas d’univers artistique propre à lui-même. On ne peut pas vraiment se dire « ça sonne Dosseh ça, c’est son style musical ». Cela s’explique par des performances assez fades, où il se contente de rapper de manière monotone et terne. Ce manque d’univers artistique se fait surtout ressentir au niveau des collaborations sur Vidalossa, où il va souvent dans l’univers de son invité (le son avec Kalash par exemple est flagrant, c’est totalement l’univers de Kalash et non celui de Dosseh).
Du coup il ne se démarque pas du reste du paysage du rap français. Et ça va influer sur le côté commercial, puisqu’au vu de sa banalité, il ne va pas forcément accrocher les gens. Ses textes ne vont pas pouvoir accrocher un grand public. Niveau musicalité c’est pareil, vu que ce n’est pas un virtuose en la matière, il n’est pas capable de créer des mélodies catchy qui vont parler au plus grand nombre.
Les productions ne sont de base pas non plus faites pour parler au grand public, mais même quand elle le sont, Dosseh n’arrive pas à les élever, et se contente juste de poser dessus, sans vraiment faire l’effort de magnifier la production.
4) Dosseh n’a pas de vraie fanbase
L’élement le plus important d’un succès repose sur les auditeurs prêts à utiliser de leur temps pour écouter et réécouter l’oeuvre proposée. La fanbase. Or, Dosseh ne dispose pas d’une fanbase établie et claire. Booba, Nekfeu ou Ninho possèdent une fanbase, qui va suivre le moindre projet de leur artiste ou sans cesse le comparer positivement aux autres MCs.
« En tout cas ce qui est sûr, c’est qu’en terme de public, pour le coup Nekfeu a un public acquis à sa cause, c’est vraiment des « nekfeuziens ». Moi j’envie son public, en tant que rappeur. J’espère que Yuri aura ce rôle là auprès des miens, que ça fera grandir la Yuri Nation. »
Dosseh en 2016, chez Noisey
Dosseh n’a pas réussi à fédérer autour de sa personne, la faute à un manque de charisme ou de gimmicks et à une certaine tendance à la grandiloquence : des grosses annonces pour des déceptions, des gros featurings qui s’annoncent finalement moyens, des listenings sessions pour Yuri, un documentaire retraçant son succès, Dosseh se voit trop beau avant l’heure et agace.
Mdr oui oui un album en fin d'année avec le traditionnel feat avec Booba, son sur l'esclavage et son sur l'amour et basta https://t.co/q3psWpvpmH
— Akrei 🇩🇿 (@Akrei__) November 30, 2018
Le cas Dosseh n’a finalement rien d’étonnant. Tous les featurings du monde ne suffiront jamais à faire briller un artiste qui ne propose pas un contenu rafraichissant et innovant. Dosseh possède toutefois la qualité de la persévérance, espérons qu’elle lui soit utile dans un futur proche. Car pour l’instant le demi-succès (et donc le demi-échec) de Dosseh n’est pas à interpréter comme une preuve qu’il peut mieux faire, mais au contraire qu’il ne peut pas faire mieux.