Le clip en guise de tremplin avec comme cible le cinéma par Mallory Meignant

Découvert par un public plus large il y a trois ans avec le clip capital « Grand Paris », Mallory Meignant n’en était pas à sa première réalisation. Retour sur son parcours de clipeur parisien qu’il souhaite mener jusqu’au grand écran. Du montage à la production et de l’entrepreneuriat à l’entertainment, voici notre échange avec un acharné de travail.



Quelle est ta formation ?

Alors moi je suis autodidacte. J’ai fait un début d’école de cinéma [CLCF] à mes 19 ans sauf que je n’ai pas pu continuer car je n’avais pas les fonds. Du coup j’ai enchaîné les petits boulots et les soirées où je me suis pris de passion pour la musique. Mes potes rappaient H24. À 22 ans je suis parti en Angleterre pendant un an et demi. Je suis revenu sur Paris avec l’envie de reprendre des études dans l’audiovisuel, mais j’avais toujours pas d’argent. Du coup j’ai pas mal fait la navette entre Rennes et l’Isle Adam avec mes amis puis j’ai commencé à tourner des images avec une vielle DV SONY puis un court-métrage qui n’est jamais sorti [Rires]. De là j’ai eu la révélation, qu’il fallait que j’apprenne le montage vidéo pour pouvoir être un réalisateur aguerri.

Et surtout indépendant j’imagine.

Au-delà de l’indépendance, c’est vraiment une question de comment tu crées ton film. Le montage est la clef. Ça m’a ouvert un monde. Comme j’étais dans un groupe de potes qui faisaient de la musique, j’ai commencé à les clipper. De là j’ai appris à cadrer ! J’ai eu mon premier appareil photo à 26 ans, chose incroyable pour l’époque !

Lequel ?

Un Canon 60D DSLR. Je l’ai aimé ! Ce sont mes parents qui me l’ont offert.

Son avantage ?

Ça m’a appris à développer le cadrage, la technique photo. Au final la photo c’est la même chose que la vidéo au niveau des réglages de base.

T’as voulu passer directement à la vidéo sans la photo ?

Pas vraiment, la photo j’en ai toujours fait mais en mode pour moi. Je l’utilise comme source d’inspiration pour développer mes mises en scène.

Comme une personne lambda ?

Ben par exemple, admettant je vais faire une photo d’un plan d’ensemble. Je vais ensuite pouvoir imaginer comment je vais aller chercher dedans mon plan américain, mon gros plan, des choses comme ça. Je me projette. Du coup, les photos que je fais en tout cas dans le cadre des repérages c’est pas mal dans ce sens-là. Sinon je fais de la photo, on va dire expérimentale [Rires]. Je fais ça avec des modèles. Car je fais de la mode mais ça c’est venu après.

Pour moi, c’est mon école. C’est à dire tous les ans, c’est comme si j’avais un diplôme.

Les activités que tu as eues par la suite, tout découle des clips ?

Oui, c’est le clip qui m’a mis le pied à l’étrier dans la vidéo. Pour moi, c’est mon école. C’est à dire tous les ans, c’est comme si j’avais un diplôme. Je me mettais des mantras dans la tête. Grand Paris c’était ma licence.

On dit que le montage c’est tout ce qui fait la différence entre chaque clip. Qu’est-ce que tu en penses ?

Je suis d’accord. Ben franchement ça fait tout. De toute façon, que ce soit pour un film ou un clip. Le montage c’est une écriture à part entière. Tu peux partir sur le terrain et faire une séquence sans avoir tes cadres, tu donnes une action à tes acteurs mais t’as une vision de ce que ça va rendre au montage. Du coup tu vas donner certaines indications par rapport à ça. De là tu peux te dire que tu vas réaliser comme ça. Il faut savoir imaginer ce que ça donne au montage.

Quel est pour toi, toute musique confondue le clip ultime ? Pas spécialement dans le rap mais dans le monde du clip, celui sur lequel tu reviens ou qui te sert de référence. 

Je vais te dire la vérité, je regarde très peu de clip en référence. Je tombe des fois sur des clips mais en vrai les idées qui découlent des nouvelles techniques. C’est à dire si demain, il y a un nouveau DSLR qui arrive sur le marché, tu commences à le poncer. Tu vas avoir des nouvelles techniques qui vont en émerger. C’est ça qui donne des nouvelles références à chaque fois. Je vais plus chercher les références à la source que dans leurs rendus.

C’est à dire ?

Dans la technique, dans les inspirations que tu pourrais avoir. Par exemple, si tu veux construire un décor inspiration Shakespeare, il va falloir faire des recherches. Je ne regarde pas beaucoup de clips pour m’inspirer.

En fait, je te parle aussi bien dans tes souvenirs d’enfance que d’adolescence.

Ah ce genre de souvenirs, vas-y j’en ai plein ! [Rires] Foxy Brown, Busta Rhymes, je regardais ses clips à l’ancienne, ils me faisaient taper des barres. Après je pense que dans ce que je fais niveau clips, il y a une influence de comment Kourtrajmé faisait à l’ancienne. Je suis tributaire de cette école finalement. Parce que c’est ma génération. Après niveau clips à l’ancienne, je regardais surtout des cainris quand j’étais plus jeune.

Toujours rap ?

Pas forcément. J’avais vu un fan clip de Johnny Cash. C’était le premier clip que je voyais qui était fait en graphisme par des internautes. J’avais grave kiffé. Travis Scott il est bien zinzin, j’aime bien ce qu’il fait. A$ap Rocky je trouve qu’il a des bêtes de référence. J’aime beaucoup Kendrick Lamar dans sa façon de se mettre en scène. J’avais bien kiffé This Is America de Childish Gambino. Je trouvais vraiment intéressant la démarche. Après je ne sais pas si il va bien vieillir. Romain Gavras est trop chaud. Il a fait des clips vraiment trop chauds. C’était intéressant dans l’exploitation de la direction photo et en y amenant des références artistiques qui viennent de la mode. Je trouvais ça intéressant.

Est-ce que tu portes-tu un intérêt particulier au directeur de la photographie quand tu regardes un film ?

Je regarde beaucoup la photo. Je me rappelle de Bad Boys en cassette vidéo, que je n’arrêtais pas de regarder parce que je kiffais la photo du film. Je trouvais qu’il avait une photo incroyable.

Son réalisateur, Michael Bay vient de la pub. C’est quelqu’un qui a fait des clips avant de se lancer dans le cinéma. Il a un vrai style. Après je ne sais pas qui était son directeur photo sur Bad Boys [Howard Atherton].

Niveau directeur photo j’en connais pas beaucoup mais je sais que le mec qui travaille avec Iñárritu, qui a bossé sur The Revenant [Emmanuel Lubezki]. C’est incroyable ce style de photo. J’aime beaucoup. Ensuite il y a le réalisateur Nicolas Winding Refn je kiffe trop ce qu’il fait. L’accent sur la photo est très poussé mais ce n’est pas que la photo. En fait, la photo c’est la sémantique de l’image : qu’est-ce que le cadre raconte. Je trouve cela intéressant parce que juste en un mouvement de caméra, tu peux exprimer une émotion.

Le monde du clip au bout d’un moment tu finis par tourner en rond. Parce que ce sont des appels d’offres.

Tu fais un story-board avant de filmer ?

Ça dépend des projets. Sur Parisien j’ai fait un story-board par exemple. Pour moi tous mes précédents clips étaient des prémices. Je suis en train de revenir fort avec Osmose. Je fais la distinction entre mon nom et les clips parce que je veux vraiment développer le cinéma.

Comment t’analyse ce qui semble être un manque d’opportunités pour les réalisateurs de clip ? Il y a très peu de réal de clips connus qui ont pu réaliser un film ou téléfilm par la suite.

C’est pour ça j’ai pas poncé les clips après Grand Paris. Je préférais me concentrer sur le cinéma. Le monde du clip au bout d’un moment tu finis par tourner en rond. Parce que ce sont des appels d’offres. Tu essayes de survivre, ça ne rapporte pas vraiment. À part quand t’es avec un artiste qui a pété. C’est plus un terrain de recherches qu’une fin en soi. Moi ça m’a permis de développer de fou, la capacité de savoir comment filmer dans n’importe quelles conditions. Savoir sur-esthétiser n’importe quoi, lui donner un sens. Ça se développe vraiment avec le clip parce que t’es dans des conditions de tournage qui sont vives avec des gens qui ne sont pas forcément professionnels. Du coup, tu dois user de subterfuges pour toujours avoir un bon résultat. Cela accouplé à la technique ça donne des choses incroyables.

Tu ne te projettes pas dans le milieu du clip ?

Non par contre ma boîte Osmose aura une branche qui sera dédiée aux clips. Le but c’est d’aller dans le cinéma. Le cinéma fort. D’ailleurs en parlant de ça, j’ai un projet de musique car je fais du son à côté. C’est ce que je faisais avant de me mettre à 100 % dans la vidéo.

Tu faisais quoi ?

Chant, guitare, j’ai chanté dans pas mal de bars. J’avais un groupe. Après j’ai mis ça en suspens pour vraiment me concentrer sur la vidéo. Et à la période de Grand Paris, je me suis blessé au dos mais j’ai réussi à tenir. C’est comme ça de fil en aiguille, des fois la vie se fait toute seule. En même temps que j’ai eu ma douleur au dos, j’ai baissé le régime niveau clips et j’ai commencé à me concentrer plus sur le cinéma. Le temps de guérir a pris un certain temps. Ça m’a permis de me remettre à fond dans le son. Ça m’a donné l’idée de lier les deux, cinéma et son : audiovisuel finalement. Ce qui a un sens avec le nom de la boîte Osmose etc.

On parle de quel genre musical ?

Le projet sortira en mode Malo. Je pense que de toute façon l’un dans l’autre ça va aller ensemble parce qu’en France et je pense que ça rejoint le point sur ce que tu me disais sur le manque d’opportunité des réalisateurs. Parce que ceux qui ont réellement du poids dans la distribution, production sont ceux qui sont en lumière. Je me dis autant lier l’utile à l’agréable. Je vais faire mon projet son et ramener dedans tout l’univers cinéma que j’ai. Au niveau de l’univers musical c’est aussi bien Hip Hop qu’Electro mais je t’avoue que je m’oriente vraiment limite dans une sorte de nouvelle variété française.

T’as une date de sortie ?

Octobre 2020 : premier clip. Justement on a investi dans pas mal de matériel pour tourner en mode cinéma. Tourner des clips énervés [Rires].

Ça partirait comme un moyen métrage musical ou des clips individuels ?

Dans un premier temps je vais balancer plein de clips, au moins une dizaine. Ensuite je vais rendre cohérent le tout par rapport à ce que je fais déjà à côté en terme de court-métrage. Même jusqu’à franchir le cap de se mettre en scène.

Du coup tu allies encore plus l’audiovisuel en donnant cela en spectacle ?

Je pense que ça me permettra d’être plus visible pour faire encore plus de cinéma.

Du coup tu deviens un entertainer. C’est un sacré pari.

Je suis grave dans ce délire et c’est pour ça que je me suis associé avec un ami de longue date avec qui je fais de la musique, il s’appelle Romain. Il fait du son en tant que chanteur. On s’est lancé dans l’aventure Osmose. On a posé tous les deux nos « couilles » sur la table, s’est associé, ouvert les statuts de la boîte, tous ces projets en tête.

En termes de statuts de la boîte, tu as mis combien de temps ?

Ça a été assez rapide. Je suis parti au Mexique pendant quatre mois. J’étais dans ma pause. Je réfléchissais un petit peu sur moi-même. En même temps il y avait mon court-métrage « Skin » qui tournait à UGC Ciné Cité dans le cadre de l’Urban Film Festival. Après fin Janvier dernier je suis revenu et on a ouvert les statuts.

Qui compose ton équipe technique ?

Romain mon associé et Florent qui est un apprenti réal. Il travaille essentiellement le cadre, montage et fait de la communication. Après c’est plein de collaborateurs, tout un tas de contacts, sous-traitants, etc.

Tilak Pictures c’est ta première boîte ?

Plus ou moins, aucun statut administratif n’a été ouvert. Je voulais l’utiliser pour répondre à une demande de clips pas chers. Je l’ai laissé sur le côté parce que ça me faisait chier de me concentrer sur ça alors que mes aspirations c’est le cinéma.

Il s’agissait donc de fournir des clips au rabais pour les artistes ?

J’étais dans cette aspiration de faire du cinéma mais je n’arrivais pas à faire des clips sans me prendre la tête. Du coup, c’est pour ça que je ne pouvais pas répondre à la demande de mecs qui voulaient des clips rapides et faire que du freestyle. C’est pour ça j’ai abandonné le projet de Tilak Pictures avant d’ouvrir Osmose.

Je te propose de revenir sur une partie de ton travail niveau clips :

2015

Utilisation du noir et blanc, c’est une volonté de qui ?

Mon idée, c’était parce que j’étais à fond sur Paname. J’avais vraiment cette pulsion du réal qui veut filmer sur Paris et retranscrire le mood parisien. C’est ce qui m’a amené de fil en aiguille à faire des genres différents. Ce que j’avais kiffé c’était cette voiture décapotable. Cette espèce d’utilisation du Gimbal [stabilisateur] en utilisant une autre voiture. Le noir et blanc je trouvais que ça cristallisait bien la ride parisienne et que ça allait bien avec le son.

On est dans un style Boom Bap avec Paris pour décor. C’est ton premier clip avec Din Records ?

Non le premier c’était toujours avec Oumar en n&b mais j’ai plus le titre [Dans Ma Bulle]. L’idée c’était de lui faire un travail sur le noir et blanc. Normalement il est en ligne. J’avais kiffé justement son univers Boom Bap. J’ai pas mal évolué dans cet univers.

2016

Beaucoup plus de cuts et un filtre en particulier. On imagine peut être l’utilisation de banque d’images contrairement au précédent. Tourné sur Paris en extérieur ?

On a tourné sur Paris et en extérieur mais il y a pas mal d’images du clip que j’ai en fait téléchargé de documentaires que j’aimais bien. Genre sur les oiseaux etc. J’ai travaillé ensuite dessus. Je voulais faire un clip graphique.

Comment tu mets ça en place ?

Pour la petite histoire, nous étions partis en Auvergne avec Zikri. On avait tourné un clip mais exceptionnel avec des images que j’adorais avec une Red One [caméra souvent utilisée au cinéma]. En fait le disque dur a crashé juste après ça lorsque j’étais sur le tournage d’un long métrage. J’ai perdu tous les rushs. J’ai dû refaire un clip en réinterprétant l’idée de la nature et je l’ai transposé avec cette monotonie parisienne puis aussi son côté sombre. Ça va avec son personnage.

C’était la première fois qu’on me donnait l’opportunité de faire un vrai bon clip.

Plus abouti, c’est à ce moment là où j’ai franchi le cap de me considérer comme un réal.

On a l’impression que si on veut un univers urbain parisien on doit faire appel à toi. Comment on filme niveau technique, un véhicule en marche depuis l’extérieur ?

Ouais je capte. On avait pris une camionnette car on n’avait pas les moyens de louer un véhicule avec un bras articulé mécanique. On a récupéré un Vito [utilitaire] qu’on a customisé à l’arrière pour pouvoir faire les plans avec une Red Epic Dragon, qui est une super caméra. On a filmé avec les portières ouvertes mais il fallait aussi caler le Gimbal pour qu’il ne tombe pas. Tout un système de ceintures et d’accroches etc.

Comment t’es venu cette idée de fiction d’horreur ?

L’angoisse, le fait de ne plus contrôler ses sens. Ça m’est venu assez simplement. C’était la première fois qu’on me donnait l’opportunité de faire un vrai bon clip. Je trouve que ce clip illustre bien le sombre Paris by night.

Quand tu l’écris c’est pour une commande de l’artiste ou c’est ce qui t’inspire quand tu écoutes le titre ?

C’est ce qui m’a inspiré en écoutant le titre. J’avais déjà des idées comme ça mais je n’avais pas pu pour des raisons techniques.

À partir de là comment tu l’exploites en trois minutes ? Tu gardes ce genre de scénarios à développer sur d’autres formats ?

J’ai fait un story-board pour pouvoir tourner exactement le nombre de prise qu’il nous fallait. Ça a été un gros tournage de trois jours. Le premier soir, nous étions quand même plus d’une quarantaine. En fait, juste un plan comme celui de la fille qui est en lumière avec une ambiance de soirée derrière elle avec tout le monde qui bouge. Juste pour avoir cette impression de mouvement il fallait mettre pas mal de gens dans le cadre. Ça dure peut être cinq secondes mais il fallait trente personnes pour cinq secondes. On l’a fait et du coup c’est cool [Rires].

Osmose Films / 75e Session – peux-tu nous en dire plus sur votre collaboration ?

Ils sont venus vers moi après le clip pour TiTo Prince que j’avais réalisé sous aucune entité. Juste en mon nom propre en tant que filmmaker. Osmose Films c’est le tournant pour mes prises de décisions en termes de ce que j’attends au niveau de l’image. Du coup ça m’a pris du temps pour structurer. C’est pour ça que les premiers clips sous Osmose ça été direct du gros clip : Parisien qui est une opportunité, Grand Paris qui découle de mon ancienne relation avec Julien Thollard qui m’avait fait travailler avec Din Records sur Oumar.

C’est toi qui cast Lubna Gourion ?

Alors c‘est Sopico qui m’a dit qu’il la connaissait via sa copine qui était pote avec elle. Du coup j’ai trouvé qu’elle correspondait parfaitement. Au début, on a regardé pour d’autres filles mais quand il m’a parlé d’elle et montré sa tête, j’ai tout de suite vu le personnage qu’il nous fallait.

2017

Comment tu tombes sur ce projet ? En combien de temps a-t-il été réalisé et dans quel ordre ?

Il me semble que c’est de la chance d’ailleurs d’avoir pu le faire. Parce qu’il y a Florin Defrance qui travaille souvent avec Médine mais qui n’était pas disponible et c’est un ami de Julien. J’avais un avantage en plus que Florin n’avait pas c’est à dire une équipe. Du coup, Julien est venu vers moi. Nous étions dans un bar à Nation. On discute et il me parle de ce gros projet et me dit on tourne dans trois semaines. Tourner en trois semaines ce clip alors qu’il doit faire venir genre Youssoupha, pas mal de monde, je me suis dit c’est possible [Rires]. Ça c’est grave bien passé sur le tournage. On a dû à un certain moment accélérer. On avait vu pas mal de repérages. On savait exactement où est-ce qu’on allait tourner. C’était bien organisé. Je me rappelle qu’on devait le sortir un vendredi et en fait il est sorti le lundi d’après parce qu’on a pris du retard sur le montage. Le mercredi à la sortie du tournage avec tous les éléments, je sens que le clip n’est pas au point donc je reprends tout à zéro. Je reprends le montage. Le clip a été réalisé en trois semaines et demi à peu près. J’ai tourné d’abord les scènes au studio où y’a tout le monde, fait la mise en scène avec Médine. Ensuite j’ai filmé les gens indépendamment. Certains sur des terrains différents. Le premier qu’on a filmé il me semble c’était Ninho avant le studio. On avait fait que lui car c’était le plus loin. Après on a fait le studio. On avait ensuite filmé Fianso etc. Et y’a un autre jour où on a fait que des inserts [récupération d’images pour agrémenter le clip].

Il y a Osmose Films qui s’affiche d’entrée ainsi que ton nom. Pour un artiste plus célèbre ça te semblait évident de te mettre en avant ?

Clairement ! Au-delà d’un gros artiste t’es obligé dans ce game quelque part de te créditer. Si ça ne tenait qu’à moi je ne me mettrai même pas mes crédits ou rien du tout sur les images parce que ça les dénaturent. T’es obligé sinon en fait t’es pas connu quoi ! Y’a personne qui te découvre. D’ailleurs à cette époque-là je ne faisais absolument pas de communication sur mon travail.

Toutes les images aériennes sont de toi ?

Ouais on les a faîtes en mode comme des fous avec un mec qui s’appelle FHD Paris mais je ne sais pas s’il s’est crédité dessus car il flippait par rapport à certaines images. En gros, on est allé prendre des images genre Stade de France etc. Je voulais utiliser des routes que les gens empruntent pour aller sur Paris en venant de banlieue.

Je n’ai pas oublié mon créneau qui est de faire du cinéma même si pour moi ça reste du cinéma de faire Grand Paris

De nouveau plus de cuts.

Ça allait bien avec le son.

Utilisation des barres noires.

Parce que je voulais que ce soit un classique. Je trouvais que ce son et le fait de réunir autant de rappeurs, étaient grave lourd comme thème autour du Grand Paris. Pour moi, il fallait que ce soit un clip qui vieillisse bien. L’idée de ces bandes, le format type VHS c’est pour nous renvoyer à quelque chose de classique.

Cette idée de montrer le décor du prochain rappeur (celui de Sofiane sur le couplet de Lino puis Ninho sur le couplet de Fianso, Seth Gueko sur le couplet d’Alivor, de nouveau Ninho sur le couplet de Gueko).

C’est ce que je fais assez machinalement au montage. J’essaye d’avoir des successions d’images qui ne sont pas les mêmes et je crée un schéma au montage. Dans l’ordre du montage ça me semblait le plus logique de l’amener de cette façon-là.

Ils viennent d’où les chevaux qui apparaissent sur le couplet d’Alivor ?

Hé franchement, le gars il est passé. On était en train de filmer une autre scène, j’ai dit FILME LE ! [Rires] Et après, j’ai pris la caméra et ils sont venus avec nous sur la scène. Les gars faisaient du cheval genre en mode normal alors j’ai dit vas-y venez dans le clip. C’est pour ça que c’est thug au final. Ce sont les opérations du Saint Esprit. C’est ce que j’adore justement dans mon travail : savoir capter des images sur l’instant de la meilleure manière parce qu’il y a des choses que tu ne peux pas prévoir.

Quels ont été les retours ?

Ah de très bons retours. Les gens ont vraiment kiffé. J’ai eu énormément de demandes mais j’ai pas suivi dans le délire car je ne voulais pas m’enfermer dans une position, genre je ne suis qu’un réalisateur de clips. Je n’ai pas oublié mon créneau qui est de faire du cinéma même si pour moi, ça reste du cinéma de faire Grand Paris sous une certaine forme.

Deuxième artiste célèbre. Intérieur chic parisien pour décor.

Toujours cette envie de montrer Paris. D’ailleurs ça va être prédominant dans le cinéma que je vais amener après. Connexion avec Drex, artiste caribéen, je suis moi-même antillais. Ma mère est de la Martinique et mon père il est français. J’ai une tête d’arabe fort [Rires]. C’était cool de faire un artiste caribéen. C’est Krys qui est venu vers moi et Drex je l’avais déjà connecté avant mais sur un autre clip que je n’avais pas crédité.

Sauf erreur de ma part je n’ai rien trouvé sur l’année 2018.

2018 y’a R ! Rien du tout. J’ai eu une grosse remise en question de plein de choses pour moi. Différents choix que j’ai pu faire. L’imagerie que j’ai envie de mettre en place. Du coup j’étais plus sur le travail des courts-métrages. J’ai fait un projet de film mais qui n’a pas fonctionné avec un producteur avec qui ça ne s’est pas bien passé. Au final, j’ai laissé le projet et je me suis remis à fond dans le fait d’avoir ma prod et pouvoir gérer comme je le sens, la production de mes projets. Parce que c’est comme ça que j’obtiens les meilleurs résultats.

Comment on se décide à monter un projet de film ?

Ça vient des tripes je crois. En fait, monter un film c’est comme monter une petite entreprise. Tu dois avoir tous les bons éléments pour pouvoir faire en sorte que l’horloge tourne bien. C’est très cartésien. La personne qui était en charge de gérer la production, n’était pas au fait de ce qu’il faut faire. Elle le faisait très mal. Donc du coup ça a amené une mauvaise gestion économique du projet et donc une mauvaise gestion humaine. Un projet qui aurait pu s’enliser. C’est resté sur ce que ça devait être, à savoir des clips pour de la musique classique. Je me suis éloigné clairement de ce projet et l’ai laissé mais par contre ça m’a permis de travailler encore plus le cinéma. Après j’ai fait une longue pause puis j’ai attendu le bon moment pour revenir parce que j’avais ma blessure. J’avais besoin de guérir absolument avant de reprendre.

Tu sembles te plaire à travailler avec des artistes indépendants.

Peut-être que ça s’est fait assez naturellement dans le sens où je travaillais un style et de l’autre côté eux ils faisaient la même chose et donc du coup on se donnait de la force mutuellement quelque part. C’était de la collab plus qu’autre chose. Sur Parisien ça été le cas, même si il y avait eu du budget. On était plus dans un esprit de collab. Et la collab c’est intéressant parce que ça te permet de développer. Alors après j’ai fait une grosse pause parce que je ne me reconnaissais pas dans ça. C’était plus, je filais un coup de main à un ami pour Perception. J’ai laissé le crédit parce que j’aimais bien ce qu’il faisait, un peu Dark. Après je suis parti au Mexique. J’ai pris mon temps pour remettre tout en place et redémarrer. Du coup on a la boîte de prod. C’est pour ça je t’ai parlé de mon projet musical. Parce que en fait je vais ressortir mais sous une forme différente en terme de communication.

2020

Court-métrage

Peux-tu nous donner la genèse de ce projet ?

Ça vient de ce sentiment d’incompréhension qu’il y a entre des gens qui sont au final les mêmes [Rires] et de mon métissage. Le fait que j’ai ressenti par exemple le racisme de fou tout en étant dans les codes français en les connaissant. Mon idée c’était vraiment de montrer de l’intérieur comment les gens parlent et relever toute l’absurdité de la situation. Je l’ai remis en avant parce qu’à la base ce projet c’était le premier volet de toute une série de courts-métrages qui seraient inspirés de faits de sociétés et traités sous différents genres cinématographiques. À partir de la rentrée, j’aimerais avoir des courts-métrages qui sortent. C’est là-dessus que nous sommes en train de travailler mais ça va sortir sur le web. Ma volonté ce n’est pas spécialement passer par les festivals. Ça ne m’intéresse pas pour l’instant. Ce qui m’intéresse c’est le public sans forcément passer par un jury etc.

Quels sont tes autres projets à venir ?

Musique, clips, acting et puis tourner plein de films. Monteur que sur mes projets à moi. Je vais mettre mes skills, toutes celles que j’ai apprises ces dix dernières années juste à profit pour mes projets. À côté de ça, on a une boîte pour justement répondre à la demande d’artistes qui sont en développement ou déjà bien pris en charge par des labels.

Comment as-tu vécu le confinement ?*

Ça nous a pas spécialement dérangé dans le sens où nous étions dans d’autres phases d’organisation de l’entreprise. Le confinement n’a pas trop changé notre réalité. Dans la profession, je pense il y en a beaucoup qui en ont souffert.

Et depuis le déconfinement ?

Il y a eu une longue pause au niveau d’Osmose. On est en train de faire différents projets qui se mettent en place. En ce qui concerne le cinéma, ce sera sans doute quelque chose d’interactif. Je suis très fan du divertissement et j’aimerai y amener du scénar on va dire. Comme maintenant on travaille en équipe, je délègue des réalisations. On a déjà un filmmaker / réalisateur et derrière on va déléguer le travail à d’autres. C’est à dire que là je me transforme en producteur pour être plus clair. Producteur – Réalisateur – Artiste. Ce que je ne mettais pas en avant à l’époque.

*Propos recueillis le 14 Juin 2020

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