Pourquoi Testing d’A$AP Rocky a fait un flop

Attendu depuis plusieurs années, le 3e album studio de l’influent rappeur n’aura pas eu l’effet escompté. Décryptage.

Le 25 mai 2018, après une interminable attente, A$AP Rocky revient enfin en solo avec son album Testing. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un test musical, une expérimentation. Le rappeur voulait sortir des sentiers qu’il avait lui-même battu, pour faire de nouvelles choses, et pour bouleverser les auditeurs et l’industrie musicale. Enfin en théorie, puisque dans la pratique, ça ne s’est pas passé comme prévu.

Un score assez faible

L’album a fait une timide première semaine d’exploitation, se classant à peine à la 4e place du Billboard 200, en ayant vendu 75.000 albums (dont une grosse majorité étant du streaming). Score plutôt faible pour un rappeur de sa trempe, lui qui était censé devenir depuis fort longtemps une véritable tête d’affiche du Rap US avec d’autres rappeurs de sa génération comme Kendrick Lamar et autre J.Cole, et finalement il n’en est rien, Rocky vend moins bien qu’à l’époque où il était encore considéré comme un rookie (ses deux précédents albums s’étaient classés premier du Billboard, et Rocky vendait au minimum 120.000 unités en première semaine).

Évidemment, ce serait trop facile de qualifier cet album de flop uniquement en se basant sur les ventes décevantes, surtout qu’on sait depuis belle lurette que ce ne sont pas souvent les meilleurs artistes qui vendent le plus, mais celles-ci montrent clairement que la stratégie commerciale de Lord Flacko n’a pas fonctionné.

Une communication hésitante et une sortie empressée

Tout d’abord il y a eu les nombreuses incertitudes autour de ce projet, l’album n’ayant pas été officiellement annoncé à l’avance, ou encore la date de sortie ayant été repoussée plusieurs fois (la sortie de Testing était initialement prévue – et toutefois sans être officielle – pour fin 2017). C’était une véritable énigme, il y avait de la promotion autour du projet, notamment au moyen d’interviews de Rocky, de musiques postées sur son soundcloud, d’affiches publicitaires, d’un clip, … Mais toujours pas la moindre date de sortie à l’horizon. Finalement c’est sur ses réseaux sociaux, le 21 mai, qu’il annonça que la sortie de l’album était imminente, et prévue pour le 25 mai.

L’ouragan médiatique Drake vs Pusha-T

Ce timing serré et pour le moins étrange, n’aura pas été aidé par la sortie de Daytona de Pusha T à cette même date. Le beef entre Pusha T et Drake ayant relégué l’album de Rocky au second rang, lui faisant carrément de l’ombre. Et c’est dans ce presque anonymat -les médias et le public étant tournés vers le clash- que Testing sort.

Devoir faire sans Yams

Devant concevoir un album solo pour la première fois sans être supervisé par son mentor A$AP Yams (qui avait travaillé sur les précédents projets de Rocky et qui est décédé en 2015), et désireux de changer et de se démarquer, Rocky commence par faire un titre d’album en un mot, allant à contrecourant de ses précédents projets (Long.Live.ASAP, At.Long.Last.ASAP pour ne citer que ces deux-là), et changeant également son identité visuelle : c’en est terminé du gris et du mauve qui prédominaient, place au noir et au jaune. Ça peut paraître anodin, mais juste cela a suffi à marquer la rupture avec l’ancien Rocky et à bousculer ses fans de longue date.

L’effet pervers du perfectionnisme

Il ne cherche plus à être un excellent rappeur, mais un excellent artiste. Il a repoussé plusieurs fois la sortie de son album par perfectionnisme : “ Everything has to be aligned correctly. One little thing, one little mishap, one little imperfection could throw off a whole cycle. I would prefer to put out music to change people’s mood or uplift or get a feeling or a reaction, opposed to just making music to stay relevant for the sake of popularity”, ce qui créait des attentes démesurées chez ses fans, des attentes auxquelles il n’aura pas su répondre. Survendre son album aura été une erreur, il promettait que ça allait être un album extraordinaire qui allait changer la vie des gens. On en était finalement assez loin.

Testing : un album en demi-teinte

Quelques semaines avant la sortie du projet, Rocky sort le clip d’A$AP Forever https://www.youtube.com/watch?v=BNzc6hG3yN4

Bien que le clip soit fabuleux, on peut difficilement en dire de même de la musique, qui, tout en étant bonne n’a pas fait de buzz, de plus on sait que Rocky est capable de faire bien mieux. D’autant plus que sur l’album, il a mis une version remix en compagnie de Kid Cudi et T.I, qui est encore moins bonne que la première version. Elle tire en longueur et devient vite ennuyante. Le projet est hors du commun, on peut difficilement le nier, mais il est loin d’être excellent comme le laissait entendre le natif d’Harlem, et surtout il n’égale pas ses deux précédents albums.

A part la peu originale Praise The Lord en featuring avec le londonien Skepta, aucune musique n’a fait parler d’elle, et donc de l’album. Ça manque de bangers, ce qui est étonnant pour Rocky qui en a fourni déjà quelques-uns par le passé. Le rappeur est versatile, mais il en fait trop, ce qui en fait un album très brouillon, qui manque de cohérence, et dont la plupart des musiques sont peu mémorables, on pense notamment à l’anecdotique Calldrops en featuring avec Kodak Black, qui lâche un poignant couplet depuis le fond de sa cellule. C’est sympa pour la petite histoire, mais ça s’arrête là, musicalement l’intérêt est plus que limité. Et malheureusement beaucoup sont dans ce cas.

En conclusion, le projet est plutôt original, mais c’est à peu près tout. La versatilité de Rocky qui faisait sa force sur At.long.last.ASAP devient ici sa faiblesse. Peu de musiques retiennent l’attention, on se perd assez vite dans ce méli-mélo audio et cela lui confère donc un replay value quasi nul. Et le manque de cohérence est également dû au nombre élevé d’invités.

L’album divise, certains le trouvent très bon, d’autres -plus nombreux- le trouvent très décevant. Contrairement à des albums expérimentaux comme l’excellent 808s & Heartbreak de Kanye, on a du mal à imaginer que Testing rentrera dans la légende malgré des débuts compliqués et un mauvais accueil. Il n’aura sans doute jamais l’influence que Rocky comptait exercer sur l’industrie musicale. Le succès critique n’étant pas au rendez-vous, comme le succès commercial.

Rotka
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Life's a bitch and then you die

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