Vald – XEU

Critique

Vald présente XEU, son deuxième album studio. L’occasion de découvrir une inflexion thématique et une personnalité un peu plus complexe.

La prise au sérieux de Vald

Personne ne nait clown. Les clowns, humoristes, comiques et trolls sont les personnes les plus tristes au monde. Surabonder sa vie de second degré n’est pas un trait de caractère mais souvent l’évidence d’un problème intérieur bien plus profond. Cependant nul ne peut pousser Vald à devenir sérieux. Il aurait très bien pu s’enfermer dans son personnage de théoricien du complot, de comique et ne proposer que ce type de contenu (voir la chronique de NQNT). Cela aurait bien entendu fini par épuiser tout le monde, mais nul n’est forcé de s’ouvrir et de présenter qui il est réellement.

Vald va pourtant prendre ce pari avec XEU, un album aux quasi-antipodes de tout ce qu’il a pu nous proposer jusque-là. En effet, Vald va se faire beaucoup plus sérieux dans le propos, les thèmes, et délaisser en grande partie le conceptuel un peu mongol (Bonjour, Lézarman et Selfie en tête). Ce choix est salvateur puisqu’il va lui permettre de pleinement démontrer sa palette technique, musicale et artistique. Devenir sérieux est également l’occasion d’être soi-même pris au sérieux et se faire une place parmi les artistes, l’égo de Vald ayant pu être piqué de voir ainsi érigée une barrière étanche entre les rappeurs sérieux type Damso, puis lui, éternellement renvoyé au statut de blague.

La fête est finie

XEU commence avec le morceau Primitif, son très moyen mais qui sonne la fin de la récréation. Le flow est posé, loin des extravagances auxquelles nous étions accoutumés, le delivering est beaucoup trop scolaire et la production est très sobre. C’est avec Seum que le style Vald-Xeu va commencer à émerger et déteindre sur plusieurs morceaux (DQTP, Chepakichui, Rituel, Jentertain). Il se caractérise par une violence dans les termes, dans la production, très agressive, bercée de mélodies minimalistes et dans le flow. Les intonations et le ton employés apportent également une amplitude au son. Cut d’instru, flow hachuré et rimes multisyllabiques, tout semble être fait pour faire ressortir une violence et une impression brute. Dans cette combinaison Vald est très efficace, ces morceaux étant des points forts de l’album.

Malheureusement ceci ne va pas durer longtemps, les morceaux chantés autotunés passant à l’écoute mais sans grande transcendance. Possédé est bien organisé, Désaccordé est écoutable mais dans les deux cas les refrains insupportables diminuent le niveau. Clairement des morceaux dispensables.

Artiste triste

Le meilleur morceau de l’album est Réflexions basses, où Vald délivre un regard amer sur la célébrité et ses conséquences. La boucle de piano cristalline, à peine audible, est parfaitement calibrée au morceau. Pas de grandiloquence, juste un piano, des drums et un homme, légèrement alcoolisé.

En nous laissant pénétrer dans ses pensées, on réalise que Vald se cache en fait derrière une façade de rappeur second degré et ironique pour mieux se protéger. Si les réflexions sont basses, c’est justement parce qu’elles sont entre Vald et lui-même et que personne ne peut réellement les entendre. Lorsque nous en avons un court aperçu de ses réflexions, comme avec ce morceau, on réalise que Vald est en réalité bien plus tourmenté et indécis qu’on ne le pense.

Des rechutes et du remplissage inutile

Quelques morceaux inutiles : Offshore, Ne me déteste pas et Rocking Chair, qui au niveau technique est toutefois intéressant mais vite gâché par un flow qui devient vite agaçant et un refrain extrêmement mauvais. Il y a quelques éléments de mongolerie restants (Rocking Chair, Ne me déteste pas, Désaccordé, Dragon) mais ils ne sont pas si étouffants que ça, et Dragon peut même s’apprécier à l’écoute, la combinaison Sofiane-Vald étant très efficace. Sofiane semble avoir capté le délire Vald, pas sûr que ce soit bon signe cependant.

L’album se termine sur Deviens génial, véritable hymne à la réussite qui n’est pas sans rappeler l’injonction au succès de l’American Dream. Ce sera d’ailleurs l’occasion pour Seezy de sortir de sa zone de confort en proposant une véritable production festive, en véritable crescendo, et qui finira en feu d’artifice.

Un effort considérable a été apporté sur le fond, mais cela demeure toutefois léger sur l’entièreté de l’album, les efforts de contenu étant disparates. La technique est elle toujours au rendez-vous et l’artisan Seezy, qui produit l’intégralité de l’album, montre une polyvalence salvatrice en production. En proposant XEU, Vald accouche de son meilleur projet à date.

Tibbar
Tibbar
Do you fools listen to music or do you just skim through it ?
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