En cette année 2019, Niska est de retour pour dévoiler « Mr Sal » qui fait suite à Commando, son deuxième album studio. Désormais au top de sa popularité, toutes les planètes sont alignées pour que Niska brille de mille feux. Avant même la sortie de son album, Niska connut une année très active avec de nombreuses présences en featurings, dont le plus populaire, Maman ne le sait pas. Il est également l’auteur des très bons singles que sont Médicament, Du lundi au lundi et La Zone est minée. Maintenant à son prime artistique et commercial, Niska se devait de confirmer avec un album solide, marquant le point d’orgue de sa carrière. Nous allons donc voir si c’est chose faite.
Une recette musicale efficace…
Niska a basé son succès sur une recette musicale efficace tout au long de sa carrière, qu’il a peaufiné avec le temps. Celle-ci consiste souvent en une alternance entre mélodies autotunées et kickage hardcore. Il a désormais réussi à aiguiser cette formule pour la pousser à son paroxysme. Le parfait exemple est le son Mendoza, qui allie parfaitement les deux. En effet, les couplets se veulent très kickage, à l’habitude de Niska qui trap ardemment, avec sa voix singulière, reconnaissable entre mille, qui donne de la personnalité à sa musique. Le refrain lui a contrario se veut très mélodieux et captive l’auditeur, aidé par un autotune maîtrisé.
Au sujet de ses traitements de voix, Niska a réussi à se trouver vocalement, en se démarquant avec une véritable identité dans son autotune. Nous pouvons le voir sur des morceaux comme Médicament, Bâtiment, Mr. Sal ou encore Hasta Luego, où l’autotune est dosé avec minutie, pour un rendu épuré et très efficace. Niska y prend des mélodies très captivantes pour l’auditeur, qui vont être encore surélevées par cet autotune donc, qui est maîtrisé d’une main de maître.
Côté kickage, sa formule a également été affinée, où il se veut percutant à souhait, avec des flows plus captivants les uns que les autres. Un aspect présent dès le single Du lundi au lundi, où l’auditeur est vraiment pris par le refrain, qui a un rythme un peu saccadé, propice à rester en tête. Il en va de même pour le single La zone est minée, sorti juste avant l’album, qui montre la facilité qu’a Niska à dégainer ce genre de sons avec une énergie folle, transmise par ses flows agressifs.
Il est maintenant capable de maîtriser des flows rappés énergiques comme sur Siliconé, tout en puissance, mais également de se canaliser comme sur Vrai, où il débite calmement, avec justesse et précision.
De plus, Niska nous plonge directement dans son univers, avec un début d’album explosif qui frappe l’auditeur d’office, mêlant son côté trap et mélodieux, sur fond de thèmes de rue, d’argent et de femmes, thèmes dont il a souvent l’habitude de parler.
… mais qui tourne vite en rond
Si le rappeur du 91 a réussi à optimiser sa recette, il n’en est rien quant à une éventuelle diversification. En effet, Niska étire trop sa formule en longueur, jusqu’à saturation. Il s’avère donc qu’après un début d’album canon, la recette s’essouffle vite jusqu’à en devenir lassante. L’album se retrouve vite avec plus grand-chose à proposer arrivé à la moitié. Ainsi apparaissent donc des fillers comme Valise, Tellement Gang ou J’suis dans les wayes, étant placés au milieu ou à la fin de l’album.
Ces morceaux passent après d’autres étant dans le même registre, ils viennent donc s’inscrire sur l’album comme des sortes de doublons sans intérêt, avec un kickage fade sur des productions bien monotones. Niska use même de son côté mélodieux, avec un morceau comme Manu Le Coq qui sonne déjà entendu, et reprend même sur Bâtiment les mêmes mélodies que sur Salé, morceau figurant déjà sur Commando, album datant de 2 ans. Un délai assez long qui lui aurait permis de creuser plus dans la recherche au lieu de jouer la facilité en refaisant du déjà vu.
Et lorsque Niska s’essaie à la variation, le résultat n’est pas forcément au rendez-vous, comme on peut le voir sur le morceau Stop. Passant après des morceaux redondants, il insuffle un vent frais à l’album à la première écoute. Néanmoins passé ce délai, nous nous rendons vite compte de la faiblesse du son. Une production club cliché qui tourne dans les boîtes, une manière de poser téléphonée, et une certaine ressemblance avec le morceau Pookie de Aya Nakamura. La tentative n’est donc pas la plus reluisante possible.
Pour ce qui est des productions, nous tournons ici vite en rond également. Il s’agit toujours des mêmes styles, percutants pour les bangers, doux pour les sons mélodieux, n’ajoutant aucune plus-value à ce qui a été déjà vu auparavant. Au final, aucune n’est vraiment à retenir individuellement, hormis celle de Ikaz Boi sur Vrai.
Au niveau des featurings, l’apport est également bien léger. Koba LaD délivre une bonne performance mais sonne déjà vu, Ninho propose un couplet qui frôle le mauvais avec une performance carrément off beat par moments, Skaodi ne présente aucun intérêt, et Heuss l’enfoiré reste dans ses gammes habituelles. Le seul qui arrive à être marquant est Booba qui reste toujours efficace avec son expérience, malgré le fait qu’il y ait déjà eu beaucoup de featurings avec Niska.
Enfin pour ce qui est des lyrics, rien de nouveau sous le soleil encore une fois, proposant une zone de confort bien cimentée par les mêmes thèmes cités précédemment à savoir la rue, les femmes et l’argent. Aucune punchline notable n’est également à retenir. Aucun réel risque n’est pris pour étoffer l’album donc, et cela se ressent cruellement dès la première écoute, s’accentuant avec le temps qui nous fait découvrir au final de plus en plus la pauvreté du projet, qui se contente juste du strict minimum.
Le pas n’est donc pas franchi avec Mr. Sal. Niska ne propose que trop peu de nouveautés si ce n’est presque aucune, et se repose trop sur ses lauriers en usant de la même recette musicale jusqu’à saturation. Arrivé à ce stade d’une carrière, lorsqu’un artiste est au sommet de son niveau et de sa popularité, l’album arrivant dans cette période se doit d’être de taille. Ici il n’est pas cas de cela, où l’album reste bien léger. Là où Niska aurait pu approfondir pour proposer un album impactant, marquant un tournant dans sa carrière et le propulsant à un autre niveau très élevé, il n’en n’est rien, restant beaucoup trop à la surface. A l’image de Ninho avec Destin.
Il figure juste une base présente pour maintenir l’album à la moyenne, qui est sa recette musicale habituelle, mais pas vraiment d’améliorations autour pour le propulser au rang d’excellent album. Niska en avait pourtant les capacités au vu de sa progression montrée sur les singles et ses fulgurances en featurings, mais s’essouffle trop sur un album entier. Bien dommage pour un artiste qui en avait pourtant le talent.