Max Pain est une figure médiatique de l’avènement de YouTube dans la mise en avant du rap indépendant au milieu des années 2010. Un boug déter venu tout droit de Grigny. On le compte parmi les équipes de Blockout Radio et l’émission Neo Muziks, de La Récré, d’Urban Cult et Grice Tv. Autant de projets qui ont inspiré d’autres initiatives.
Au-delà du simple partage de ce qui se fait de mieux, il y a une volonté de réunir autour de soi, pour aller plus loin en collectif. Animé par la passion, c’est cette dynamique qui le pousse aujourd’hui à lancer le premier volet de la compilation INT Radio, inspirée par le nom du studio qu’il a cofondé avec Smiley. Là encore, le partage est au cœur du projet, à travers les sonorités et genres musicaux qu’ils affectionnent.
Ce concept se retrouve jusque dans les interludes insérées dans le projet, avec des animations signées Yo OBG, rappelant l’ambiance des émissions radio. On pense notamment à DJ EZ Dicc, qui accompagnait les premières sorties du label Death Row, ou encore à Kenzy sur Quelques balles de plus… Autant de références au style californien, cher à l’un des deux initiateurs de la compilation.
Max Pain incarne une énergie réfléchie, capable de s’entourer aussi bien de l’aura cool de Driver que de l’efficacité de Sam’s, ou encore de convier un père et son fils à partager un morceau de rap. Inviter Ice Crimi à poser un couplet, et, porté par l’engouement, il finit par apparaître sur deux morceaux. Donner une autre teinte au rap sombre et froid de Tookie, dynamiter le tracklisting avec la présence de MO et Djex 913, et glisser un titre en référence à une comédie musicale…
Si les compilations se raréfient, elles n’en demeurent pas moins pertinentes, à condition de trouver leur créneau. Pour INT Radio, ce créneau repose sur la qualité et l’ambition de marquer les esprits, à l’image des compilations les plus acclamées. Le temps dira si la bonhomie contagieuse de Max Pain suffira à inonder les ondes au-delà d’INT Radio. L’un des leviers de la réussite est d’investir en soi, quelles que soient les peines encourues et les gains espérés.
Depuis ses premières apparitions face caméra, Max Pain conserve une passion intacte pour le rap, toutes écoles confondues, bien qu’un peu moins pour les élèves et stratégies du game. Thésaurap a eu l’occasion d’écouter le projet au studio, avant sa sortie officielle prévue le 20 décembre 2024. Une opportunité pour en savoir plus sur les ambitions portées par le duo.
Peux-tu nous présenter INT 718 Records ?
C’est un label indépendant. Notre ambition est de faire émerger des artistes et, par la suite, de tenter de les signer avec des maisons de disques. INT, c’est pour International ; 718 fait référence à mon acolyte, qui est passionné de numérologie et croit à la force des chiffres.
À quel moment tu rentres dans l’équation ?
Le nom INT Records vient de Smiley, qui avait toujours eu l’idée de créer ce label. C’est un ingénieur du son, et je me suis greffé à son projet. Concrètement, sur la partie technique et logistique, j’ai apporté ma pierre à l’édifice. Le studio, on l’a monté à deux, pour mettre en place notre projet, nous en sommes propriétaires.
Westside
Comment tu passes de passionné à acteur dans le rap ?
[Il réfléchit] Je suis un fou de musique, particulièrement de West Coast. Quand j’écoute du rap français, que j’aime beaucoup, je ressens une forte influence new-yorkaise (Mobb Deep). Quand j’écoute les westeux de France, ça me donne souvent une impression de clonage, et je trouve ça mal fait. Je suis encore plus sévère avec eux, car j’aime la west. Leur manière de reprendre les sources, même dans les textes, je n‘y arrive pas.
Tu as des exemples ?
Je vais dire des blases ! [rires] Mon gars Aelpéacha, j’adore ses instrus, mais quelques fois, il y a des sons qu’il a sortis, par exemple, le refrain de “Y a pas qu’la chatte” [Featuring Yurii, MSJ & J’L’Tismé – sorti en 1999], non pas en français… Je trouve que ça ne le fait pas, t’as l’impression qu’ils ont traduit les textes cainris, mais on a pas la même culture en France. Il faut nos codes français, peut-être avec ce style musical.
Comment est venue l’idée de la compile ?
Au moment de la création du studio, il y a deux ans et demi, on s’est dit : quoi de mieux pour le promouvoir qu’une compile ? On a le local, on enregistre des artistes et au bout du compte, on n’a jamais rien fait pour nous. Par rapport au réseau que j’ai pu développer avec mes anciens médias – Neomusik, Urban Cult et Grice Tv – on essaye.
Sur quelle période a-t-elle été enregistrée ?
Le son le plus ancien, il doit avoir pratiquement deux ans.
Qui sont les artistes qui ont enregistré avant le lancement du projet ?
Mine de rien, le dernier album de Karlito [Ghostdog 2 – 2024] a été enregistré totalement ici, de A à Z. On a aussi Sadek.
Nouvelle classe
Parmi les compiles récentes ou anciennes, tu places INT Radio au niveau de quels projets ?
Elle n’a pas son égal parmi les récentes, parce que les compiles sont mauvaises. Si je dois mettre la compile sur une table, c’est celle avec Première Classe. Je suis parti chercher loin, car je connais la qualité et l’exigence que l’on souhaite.
En termes de compil, je la placerais au niveau des deux volumes de Grand Bazaar, car vous avez en commun des rappeurs confirmés.
Je ne la connais pas, donc je ne pourrais pas la comparer. Ce que je sais, c’est que les compiles en maison de disques sont complètement fermées. Il y en a eu beaucoup avec des noms, mais sans la qualité. À la rigueur, une qui a bien tourné, c’est One [2021], avec Ronisia qui a pété, Jok’Air et SDM, même si pour lui, le son n’est pas sorti. C’était une compile cool.
Malheureusement, il n’y a pas eu beaucoup de compiles sorties cette année. Donc, je vais prendre sur la décennie, INT Radio est peut-être l’une des meilleures. Sans prétention, trouvez-moi une meilleure compile.
Je reste sur ma comparaison avec Grand Bazaar. À la différence près qu’ils ont moins mis en avant des artistes en développement.
On a pris plus de risques. En toute objectivité, je sais que c’est qualitatif. Au début, tu auras tes sons préférés et à force d’écouter, tu vas préférer d’autres sons. C’est un travail de longue haleine, comme du bon vin.
Quelles sont les premières impressions avant la sortie ?
Je suis sûr de notre compile, car personne ne m’a dit qu’elle était mauvaise. Et il y a du monde qui l’a écoutée. Les titres qui reviennent comme favoris varient d’une personne à l’autre. Par exemple, certains ont dit que le délire d’Amani c’est chaud. Mehdi Maïzi préfère le Driver, Amani et Mbombo Yah. DJ Flexta a kiffé le solo d’Ice, certains le trio que forme, Crimi, Tookie et Ol Kainry. MY accroche au solo de Tookie. Tout le monde va se nourrir.
Qui sont les producteurs sur INT Radio ?
On a principalement bossé avec trois producteurs : Balatch, Myssa aka Mbombo Yah (comme il veut qu’on l’appelle maintenant), et Krom. Ce sont des producteurs maison plus ou moins affiliés à INT. MY et Krom sont indépendants, mais Balatch est vraiment affilié à notre label.
Comment avez-vous réparti leurs productions ?
Krom a produit une track (Stéréo Blackstar & Mister C). Myssa en a deux : le solo de Tookie et la collaboration entre Ice Crimi, Ol et Tookie. Tout le reste, c’est Balatch.
Bienvenue dans la Neo Sphère
Tu as un membre de La Comera et un autre de LMC Click sur la compile. Il y avait eu un teasing sur un album commun de MO et Juicy P. Quel regard portes-tu sur le parcours des deux groupes et autres artistes affiliés ?
Je pense qu’ils étaient précurseurs dans un style. Comme l’a dit un artiste dont j’ai oublié le nom :
“Quand tu es trop en avance, tu n’es pas à l’heure.”
S’ils avaient décalé leurs projets de quatre ou cinq ans, ils auraient été plus en phase avec leur époque.
Concernant l’album entre Juicy P et MO [2017], certains sons et clips sont sortis, mais pour savoir pourquoi le projet complet n’a pas vu le jour, il faudrait leur demander. En studio, j’ai vu qu’il y avait pas mal de morceaux enregistrés.
Les quatre anciens du Code 147 ont dû arrêter. Je sais que Taro OG enregistre de temps en temps. Eskadron, le décès de Bydaï a démotivé le groupe. Wallas a complètement arrêté. Myssa, lui, continue de sortir des projets de qualité. LMC ce n’est pas impossible de les revoir un jour ensemble, mais pour le moment, ce n’est pas d’actualité. Maestro, le troisième membre du groupe a arrêté le rap. La Comera, ils sont toujours actifs. Un nouveau projet est en cours, et un clip est sorti récemment. Ils continuent de proposer du son de qualité.
D’ailleurs, tu es à l’origine du titre de la nouvelle émission de Starting Block : Pozey Azeley, qui figure parmi les morceaux du duo éphémère.
C’est un terme qu’on utilise régulièrement. SB avait prévu un autre nom, mais il était identique à celui d’une future émission de Yo OBG. Ils en ont discuté, et j’ai proposé Pozey Azeley.
Feuille de match
Peux-tu nous présenter les artistes comme Amani, Syme, Khemi et Kooce ?
Amani, on le développe. C’est un artiste rap-néo-soul qui a pris des cours de chant et créé son propre univers. Il a une écriture coquine et l’idée serait de faire du Doc Gynéco 2.0.
Kooce, c’est un rappeur de Massy. Il est redoutable en open mic et en remporte la plupart. Son principal problème, c’est son irrégularité. En ce moment, il est stable et va même assurer la première partie de Rim’K prochainement.
Il est lié à Aladoum ?
C’est lui qui l’a mis dans le milieu de la musique.
Syme est un jeune artiste développé par Djimi Finger. Humainement, il est très pertinent. Il a été découvert grâce à l’émission La Récré et vient enregistrer ses maquettes ici. Issu du battle rap, je pense qu’il a une grande carrière devant lui.
Khemi, c’est une chanteuse qui a quitté sa maison de disques après une expérience difficile. Elle a arrêté la musique pendant cinq ans avant qu’un ami commun me la présente. Le courant est bien passé, et son morceau figure sur la compile. Elle reste hésitante, mais on espère la relancer.
Il y a Mass, du 93. Rien n’est signé, mais on discute avec lui. Il a enregistré plusieurs morceaux, et on est en négociation pour qu’il soit dans le roaster INT Records.
Filiation
Toi qui as connu différentes époques du rap, que penses-tu de l’arrivée des enfants de rappeurs, comme le feat entre Kamnouze et son fils Kamron ?
C’est compliqué de venir avec le nom d’un artiste, dans tous les domaines. Quand ta famille est issue du rap, en l’occurrence pour ce jeune-là.
On va toujours le comparer au père, maintenant le jeune rappeur doit s’émanciper et faire ses preuves.
Il doit prouver davantage que son paternel auparavant, car il aura le problème de la comparaison. Kamron se débrouille très bien, j’apprécie ce qu’il fait et on verra par la suite, il fera son chemin dans la musique, mais c’est compliqué d’être fils de rappeur.
Éviter le syndrome LeBron.
C’est exactement ça ! Après quand t’es aussi grand que James, ils ont bien vu qu’il n’a pas le même talent. Il y aura le même problème avec le fils de Ronaldo et celui de Messi.
Avez-vous donné une direction particulière aux artistes pour leurs morceaux ?
On a essayé de laisser l’esprit créatif de chaque artiste. Quand on est en studio, on échange, il y a des conseils qui sont donnés, mais l’artiste donne ce qu’il a envie de donner. Déjà, il donne de son temps, on ne va pas s’amuser à lui imposer des choses. Ils nous ont tous honorés. Je voulais faire une compile classique, je sais que tout le monde pourra s’y retrouver.
Y a-t-il des artistes indépendants que tu aurais voulu avoir ?
Je pense que les indé qui ne sont pas signés, si on a un lien c’est faisable. C’est plus les artistes exposés, mais pas trop, par exemple Alpha Wann. Quelqu’un de connu, mais pas exposé, c’est les mecs comme lui que j’aime bien. Parmi les artistes indépendants de la rue, c’est une question de connexion.
Le plus compliqué, c’était d’avoir les jeunes. Ils pensent beaucoup en termes de K (abonnés, vues). Ils calculent tout en termes d’intérêt. À l’inverse, les anciens sont dans la passion, et ça se ressent.
House of Pain
Quelles leçons tires-tu de ton parcours médiatique ?
C’est compliqué de vivre d’une passion. Quand on a créé nos médias, c’est suite à un défi qui a été lancé par Tonton. Il avait un local et nous a demandé si on pouvait tenir une émission. Comme j’aime écrire, j’ai d’abord écrit l’émission, après je l’ai présentée avec Grice. Ce que je dois retenir, c’est que très souvent les artistes sont ingrats.
Si tu parles du prime qu’on a pu avoir en tant que média, malgré tout cela, ne nous ramène pas à manger à la maison. Il y a une période où l’on se déplaçait à nos frais (essence, achat de matériel) pour faire les émissions, c’est pour ça que maintenant, on a un lieu défini. En plus de ça, quelquefois on engraînait des personnes qui n’avaient pas spécialement cette appétence pour les médias, mais qui venaient avec nous.
La volonté un moment, elle s’épuise et c’est ce qui s’est passé dans mon cas, j’en avais marre. Il n’y a pas forcément de retour avec les uns et les autres, mais par contre j’ai fait de très belles rencontres et c’est ce que je retiens.
Il faut toujours retenir le positif, des belles rencontres humainement,
comme d’autres avec qui cela a été exécrable, j’exagère un petit peu. Certaines personnes avec qui on a fait une émission, on ne se reverra plus, sans animosité. Tu vois l’envers du décor, dans le sens où, il y a des mecs que tu peux apprécier quand tu les écoutes rapper et quand tu les vois physiquement, tu parles avec eux, le feeling n’est pas là.
Même s’il y a un groupe de médias indépendants, il faut savoir que même dans ce groupe, on n’est pas tous solidaire de la même manière. On essaye de faire le pont avec tout le monde et tu verras que le pont n’est pas fait dans l’autre sens.
Vu ton nom et la pochette de la compile, quelle est ta relation avec les jeux vidéo ?
Je suis un bousillé de jeux vidéo, je me suis buté à San Andreas [2004]. Mon grand frère avait le jeu et je lui avais demandé de me le prêter et il n’a pas voulu, du coup, j’ai dû l’acheter. De tous les GTA, c’est celui que j’ai le plus kiffé parce qu’il ressemblait à “Menace ll Society” [1993]. Quand tu vois l’histoire, c’est exactement ça (personnages, profils, musique). On a vraiment créé l’ambiance INT Radio comme il pouvait avoir sur SA. Il y a une dédicace, qui va rappeler la radio Los Santos.
Mon nom n’est même pas lié au jeu Max Payne [2001], les gens pensent qu’il est lié, mais non. Pain [Stretch – Above The Rim – 1994] c’est peut-être mon son préféré de 2pac. Max, je ne sais même pas d’où il sort, dans la rue ce n’est pas mon surnom. J’en ai un autre plus lié à la street, MP, c’est plus pour les médias lors de Néosphère. Je n’ai jamais joué au jeu.