Le retour de Nibiru sur les plateformes, mais qui est Osirus Jack ?

Près de deux ans après sa sortie et après avoir été boycotté par Deezer, Spotify et Youtube Music le 1e octobre 2020, Nibiru est de retour sur les plateformes de streaming pour le plus grand plaisir des fans d’ Osirus Jack. À l’occasion de ce retour et de sa sortie en physique (le 3 mai 2021), focus sur le parcours du Tsar noir et les mystères cachés dans cet album, plutôt déroutant pour le grand public.

De Dakar à Lille

Lofti Kent Sauvalle naît à Dakar au Sénégal, le 14 juillet 1995. Vingt-cinq ans plus tard, ce jeune sénégalais d’origine camerounaise fera couler beaucoup d’encre sous le pseudonyme d’Osirus Jack. Avant de connaître la notoriété, c’est parmi la Ligue des Ombres qu’il fait ses gammes. Ce collectif franco-sénégalais, aussi appelé MangeMort Squad ou 667, est créé en 2013 par Jorrdee et Freeze Corleone.

À l’époque, ce groupe a pour but de rassembler sous la même bannière des rappeurs et des beatmakers qui, pour la plupart, sont originaires du Sénégal. Fait assez rare pour être souligné, ils ont presque tous fréquenté le même établissement scolaire : le lycée Jean Mermoz de Dakar. Parmi les membres de la Secte (surnom donné au collectif par ses membres pour appuyer son côté secret et sacré), nous retrouvons des noms tels que Freeze Corleone, Zuukou Mayzie, Kaki Santana ou encore Norsacce Berlusconi. C’est une quinzaine de membres qui composent le 667. Ils mettent en avant un rap d’initiés, aux codes sombres et à la symbolique cryptée.

Une inspiration nord-américaine et un flow atypique

À l’image de son collectif, Osirus Jack cultive cette image secrète. Il s’exprime très peu dans les médias, si ce n’est à travers son compte Twitter. Pour en savoir plus sur celui que l’on surnomme aussi Jack L’Éventreur (pour sa capacité à découper les prods), il faut se plonger dans son univers musical et en saisir les différents codes. Osirus Jack, tout comme son acolyte Freeze Corleone, c’est avant tout une grosse influence nord-américaine.

Les instrumentales aux notes sombres et puissantes peuvent, en effet, être définies comme une sorte de Boom Bap remastérisé. Ce courant musical inspiré de la East Coast des 90’s, fort présent dans la ville de New York, tient son nom de l’onomatopée qui représente le son d’une grosse caisse et d’une caisse claire. Osirus Jack va s’inspirer de cette vague pour travailler ses textes sur des prods sombres, aux basses fortes et récurrentes. Le tout accompagné de mélodies aux notes dramatiques et angoissantes.

« Trixma par les States, je veux une belle blonde d’Espagne »

(OV de Bavière)

En ce qui concerne son flow, le Tsar noir accentue le côté sombre de ces instrumentales. Il rappe de manière incisive et saccadée, tout en dégageant une certaine nonchalance. L’opposition entre ces textes tranchants et son attitude, nuancée d’indifférence, aboutit sur des sons ombreux, parfois même lugubres.

Nous retrouvons par exemple, ce côté sinistre agrémenté de basses profondes sur un des morceaux phares du projet : Lufthansa.

Des lyrics qui poussent au questionnement

La troisième composante du rap sombre d’Osirus Jack, est ses textes construits autour d’un univers ésotérique riche en références religieuses, sportives et issues de la pop-culture. Il trouve également dans les grands complots et les théories conspirationnistes, des explications aux questions existentielles de notre monde. OJ n’hésite pas à aborder des sujets occultes tels que la recherche nucléaire, les projets secrets de certains gouvernements ou encore les effets de l’astrologie sur notre planète.

Trafic de terres, d’organes, Angleterre Inde, oklm, bibi des reins d’occas”

(Sacrifice de masse pt2)

Cette manière, de s’exprimer et de mêler les théories du complot et faits avérés permet à Osirus Jack d’emmener son public dans un univers symbolique, où tout acte peut trouver une signification pseudo-rationnelle. Il force les gens qui l’apprécient de réaliser des recherches. À se renseigner sur le vrai du faux (autant que lui l’a fait), tout en restant éveillés face aux grandes institutions qui domineraient notre monde en secret. Ses textes s’adressent donc à un public averti, capable de saisir les véritables nuances de ses propos.

Dans cet album, tout y passe. Que ce soient les sociétés secrètes, telles que la Skull and Bones Society, un rassemblement élitiste de l’université de Yale. Ou encore des dossiers secrets sur lesquels travailleraient certains gouvernements comme le projet MK Ultra. À l’auditeur averti, d’identifier où s’arrête la réalité pour céder sa place aux thèses chimériques.

Ça sort pas d’Yale bitch, négro, fuck le S et B, cerveau d’un érudit, j’mets tout l’knowledge en forme dans le CD” (C.E.R.N.)

La polémique

Si certains de ces textes semblent documentés et découler d’une vérité alternative, d’autres, quant à eux, sont purement provocateurs et pourraient choquer les auditeurs occasionnels. C’est ce qu’il s’est passé en octobre 2020, quand les albums de Freeze et Osirus ont été supprimés des plateformes de streaming, sous la pression de collectifs tels que la Licra ou Sleeping Giant (lutte contre le financement des discours de haine). Accusés d’apologie de la violence, de racisme et d’antisémitisme, il n’en fallait pas plus pour freiner l’ascension du Tsar noir. 

Désormais blanchi de tout soupçon et libre de streaming, la polémique autour de cet album n’est pas sans rappeler les nombreux accrochages entre la justice et le monde du rap. Que ce soit en blâmant un politicien, critiquant les actions d’un gouvernement ou remettant en question les rouages d’une société, le rap dénonce. Un art qui a vocation à choquer et surtout, qui a peu de lignes pour le faire.

Il est important de considérer un artiste et son œuvre dans son ensemble. En prenant le temps de découvrir son univers. Car il faut lire entre les lignes pour appréhender les messages retranscrits en trois minutes de chanson, quelque soit le genre musical. 

Nibiru, la planète X

Si l’on se réfère aux livres de mythologie babylonienne, Nibiru est le nom d’une planète très éloignée de notre système. Toujours selon les légendes, cet astre influencerait les différents âges de notre époque, conduisant la race humaine à une nouvelle ère (NDLR : titre du prochain album prévu pour le courant 2021). 

Sur la pochette de l’album, Osirus Jack en train de harponner Nibiru afin de la rapprocher de la Terre. Ce rapprochement de l’orbite permettra l’entrée dans une nouvelle ère, loin des élites gouvernantes et des préceptes dépourvus d’éthique.

Accompagné des beatmakers Flem, Congo Bill ou encore Ocho (tous membres de la Ligue des Ombres), Osirus Jack nous plonge dans ce voyage à travers l’espace, le temps et les croyances. À la recherche de l’astre mystique, Le Tsar noir nous promène entre réalité, fiction et grands complots mondiaux. Le tout, embarqué dans un vaisseau carburant aux psychotropes et textes prégnants.

Certains verront les élucubrations d’un jeune rappeur haut-perché, d’autres reconnaîtront l’alchimie propre au 667. Il s’agit d’une véritable prouesse d’écriture et de recherches. Alors si vous n’avez pas peur de vous envoler pour un monde subversif, de remettre en question vos idéaux, ouvrez votre troisième œil puis osez la découverte de Nibiru.

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