Limsa, du fond du cœur

Cinq ans après son projet, « Les Fleurs de Limsa », le rappeur d’Aulnay a marqué son retour par la sortie de deux EP en 2020 : Logique, Pt. 1 et 2. Analyse de ces opus, ce qui fait leur force, et ce qu’on peut attendre de l’artiste pour la suite.

Des thèmes personnels

Salim est né le 4 décembre 1986 à Aulnay-sous-Bois. Cette phrase de présentation nous permet aussi d’aborder ses derniers EP. Le premier s’ouvre sur 4 décembre, en référence à sa date de naissance donc, et le deuxième se clôt sur Le ptit Limsa. Dès les premières lignes de 4 Décembre, l’orientation introspective est évidente : « Limsa, j’suis né l’quatre décembre, cerveau O.K. mais coeur H.S / Faut pas m’presser, j’chante le feu, la détente / Comprends que l’daron dit qu’j’ressemble à une gâchette ».

Dans Le ptit Limsa, qui conclut la partie 2, il nous livre aussi des réflexions sur son passé. De la première à la dernière track des deux parties, Limsa parle donc d’abord de lui, et raconte ses multiples facettes par autant de propositions musicales.

Un rappeur loin d’être débutant

Limsa est un rappeur de la 75e Session, qui s’est distingué ces dernières années par des freestyles réussis, notamment la Grünt #42 qui lui était dédiée. Il a aussi largement brillé par son absence. En effet, travaillant le reste du temps en tant que médiateur, il est loin d’être un rappeur « à temps plein » ou très présent sur les réseaux sociaux. Ses rares apparitions lui ont permis de travailler sa musique et ses textes, afin d’aboutir à Logique, Pt. 1.

Son premier projet, peut-être, mais sans le statut de rookie. Limsa rappe depuis 2004, et côtoie la 75e Session depuis 2010, notamment à travers le rappeur Georgio. Depuis, il a livré des freestyles et deux projets en 2015 : CBT, EP 4 titres, et Les Fleurs de Limsa, qui compte 12 titres. Ses premiers essais sont aujourd’hui introuvables sur les plateformes de streaming. Limsa dit avoir eu le déclic sur son avenir musical en 2018. Deux ans après, l’année de ses 34 ans, il nous propose ses deux projets officiels.

Deux EP riches

Armé de sa voix rocailleuse, sa technique d’écriture réfléchie et ses gimmicks comme Logique ou Woof, Limsa a dévoilé Logique, Pt. 1 le 3 juillet 2020. Il ironise sur son obsession à propos de sa ville au début du troisième couplet de 4 Décembre :

J’viens d’Aulnay, d’ASB, du 9-3-6 / J’sais qu’tu l’sais connard / J’le répète dans chaque chanson

Le son ASB, qui lui est entièrement dédié, est aussi très réussi dans le genre. On y sent bien l’amour qu’il lui porte et son utilisation du moindre détail, qu’il utilise pour en faire un tableau complet.

Limsa plante donc le décor de ce qui peut aussi caractériser les deux EP. Beaucoup de récits personnels, quelques phases d’egotrip, et des punchlines complètement gratuites, comme dans Starting Block (ft. ISHA) : « Gros, j’ai dû faire des tris, j’la kiffais, la vie d’ma mère c’est triste / Mais j’paierai pas d’dot de 20 000 eu’, pour une go qui sait pas faire des frites ».

Plusieurs morceaux sont parsemés de ces blagues sous forme de punchlines, qui permettent de faire connaissance avec un rappeur plein d’humour. C’est une partie de sa personnalité qu’il revendique et qui paraît authentique.

Une production et un casting de choix

Les projets sont aussi marqués par une production très aboutie, que ce soit au niveau des instrumentales ou sur les effets de voix. Sans doute pour ne pas être catégorisé seulement comme un rappeur freestyle ou technique, Limsa varie son style. On peut donc entendre de l’auto-tune sur Avec Moi, ou une magnifique prod de guitare dans Le Ptit Limsa.

À l’arrivée, on a donc deux fois le même format, 5 titres pour un quart d’heure de musique, mais beaucoup de richesse à l’écoute. Le nombre de tracks permet de savourer chaque proposition musicale à sa juste valeur.

S’il est seul sur la première partie, ISHA et JeanJass viennent lui prêter main forte sur la seconde, et apportent ainsi une autre couleur. Retour réussi donc, pour un artiste qui a des choses à raconter et qui en a, on l’espère, encore sous la semelle.

Des textes sincères…

Un des gros points forts des projets est leur sincérité. Limsa se présente à nous sans artifice, avec des figures de style certes, mais pour nous raconter son quotidien. Cela se ressent notamment quand il parle de ses proches, notamment la 75e Session dans une vibrante déclaration sur Seul Two. Il place aussi une dédicace touchante à Népal sur Avec Moi. Ses proches, sa ville, des punchlines souvent drôles sur ses histoires amoureuses, et quelques phases politiques. Un bon exemple ici sur Lost Highway :

Tous les keufs sont des haineux / Tous les samedis sur Paname sont ténébreux / Arrêtez d’me dire que tout va bien / Des daronnes en gilets fluos font des émeutes

…dans un format frustrant

Voilà donc la recette de Salim. Elle est mise en image par deux belles pochettes, dans la même veine, bien que réalisées par deux artistes différents (Ura pour la première et Ivan La Vague pour la seconde).

Elles se rapprochent d’un collage assez basique, répondant bien à l’introspection des chansons par l’empilement de moments de vie. Limsa est à chaque fois présent au centre de l’image, avec une prédominance de sa cité pour la deuxième.

Le format musical, malgré ses avantages, a aussi un côté frustrant. Une future partie 3, si elle est alléchante, nous éloigne d’un premier album au sens plus traditionnel. La logique de Limsa est aboutie et cohérente, mais mériterait d’être déclinée dans un projet plus dense. L’avenir nous dira si elle n’était qu’un amuse-bouche, déjà très savoureux.

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