Green Montana – Saudade

Critique

Le 5 avril, Green Montana dévoilait son troisième album après une promotion relativement discrète pendant laquelle il avait livré deux singles, qui étaient tout simplement les deux premières pistes du projet, dont un avait eu le droit à un clip, celui de phileas fogg.

D’abord soutenu par Isha, et puis dans un second temps par Booba et son label 92i, le Belge sortait son premier album sous ce dernier fin 2020. Dans celui-ci, il avait immédiatement convaincu grâce à un sens inné de la mélodie, en particulier dans les refrains. Les couplets souffraient d’ailleurs de la comparaison, à quelques exceptions près comme Palm Angels ou Rêves Magiques, qui demeurent encore aujourd’hui parmi ses meilleurs morceaux en carrière. Ce défaut était ensuite en partie gommé sur l’EP Melancholia, puis avait presque définitivement disparu sur Nostalgia+, et Saudade ne fait que confirmer cette tendance.

Dans l’air du temps

Sur des productions composées la plupart du temps de boucles de guitares sèches contemplatives ou de synthétiseurs brumeux, le rappeur belge enchaîne les toplines entêtantes, linéaires et répétitives qui permettent une écoute passive et une attention intermittente. Associées à des durées de morceaux toujours très courtes et des formats privilégiant largement les refrains, elles sont donc parfaitement adaptées (volontairement ou non) au format streaming.

Mais cette relative impression de simplicité cache en réalité quelque chose de plus complexe : parfois pas faciles d’accès au premier abord, les mélodies gagnent en qualité à chaque réécoute et finissent par s’ancrer durablement dans notre esprit.

Unique

Les toplines de Green Montana en deviennent même complètement envoûtantes, presque comme des comptines, au point que l’on ait parfois du mal à distinguer refrains, couplets et ponts. En effet, les petites variations offertes par le rappeur du 92i brouillent les pistes et créent une musique à la fois très facile d’écoute et à la ‘replay-value’ importante.

Pour cela, il mise sur un flow à l’articulation très peu prononcée, avec une voix éplorée sur les morceaux mélancoliques, et plus affirmée et métallique sur les morceaux purement egotrip. Au-delà de ça, ses cadences saccadées sur La haine ou ses intonations ultra hypnotiques sur Inspecteur gadget montrent une palette plus large qu’il n’y paraît.

Mélangée à ses influences du rap français (Booba, Mafia K’1 Fry) voire de la chanson française (que l’on avait pu apercevoir dans le morceau Risques sur Alaska), sa proposition musicale largement tournée vers Atlanta (Young Thug, Gunna, Future) se révèle finalement assez spécifique, faisant de lui le membre le plus singulier du 92i.

Variations et surprises

Certaines productions sortent un peu du schéma classique, en proposant par exemple des sonorités jersey sur Oseille mon amour, plus pop et ensoleillées sur Riche nouveau monde, ou plus minimalistes et accompagnées de rythmiques rectilignes sur Inspecteur gadget. Le featuring habituel avec SDM diffère aussi de ceux effectués par le passé, qui avaient tous des airs de tubes, en proposant quelque chose de plus solennel.

Au-delà de cette collaboration, les autres invités signent également de bonnes prestations. Isha en particulier, impressionne par son charisme sur le morceau Dashbord. Josman vient encore une fois démontrer son excellente forme sur le morceau Bank (déjà son 9ème featuring de l’année à ce moment-là), que Tiakola vient conclure de manière concise et efficace. Et Théodore s’offre une place de choix en effectuant le tout dernier couplet de l’album.

Briser la glace

En revanche, Green Montana peine à développer réellement son écriture et présente encore une marge de progression dans ce domaine. Grâce à la créativité de ses flows et de ses toplines, il arrive très bien à transmettre son amertume, et même parfois son côté misanthrope, mais ne rentre jamais dans les raisons de ces états d’âme. En effet, ses textes se résument le plus souvent à des rêves d’évasion, par le voyage ou la consommation de drogues, et à l’énumération de marques de luxe, tout ça agrémenté de méfiance et de rancœur vis-à-vis de trahisons passées.

La prochaine étape pour lui pourrait donc être de s’exprimer concrètement sur tout ça afin d’apporter un peu plus de profondeur à ses textes, chose qu’on imagine assez compliquée à faire pour quelqu’un à la personnalité pleine de pudeur, comme en témoigne son choix de ne donner aucune interview vidéo pour la promotion de ce disque.

Constance

En perfectionnant sa formule, en se renouvelant avec parcimonie et en s’ouvrant juste assez pour ne pas trahir son identité, Green Montana confirme qu’il n’a de cesse de progresser de projet en projet.

Il démontre aussi une vraie exigence, comme en témoigne le choix de sortir les excellents Ginger Mc Kenna et 92i Maybach sous la forme d’un EP (Néons Rouges, sorti l’année dernière), et de ne pas les placer dans l’album, ou encore la présence de productions dont certaines pourraient aisément figurer au sein d’un gros disque de rap américain.

Plus homogène qu’Alaska, plus abouti que Melancholia et plus cohérent que Nostalgia+ (malgré une liste de 27 beatmakers), Saudade est donc une réussite. En plus de permettre au rappeur du 92i d’agrandir encore un peu plus sa fanbase, cet album lui offrant le meilleur démarrage de sa carrière (9533 ventes en première semaine).

Le 5 avril, Green Montana dévoilait son troisième album après une promotion relativement discrète pendant laquelle il avait livré deux singles, qui étaient tout simplement les deux premières pistes du projet, dont un avait eu le droit à un clip, celui de phileas fogg. D’abord...Green Montana - Saudade