Drake – For All The Dogs, Scary Hours edition

Critique

Après l’inattendue tentative house Honestly Nevermind et le projet commun assez récréatif avec 21 Savage l’année dernière, Drake revient aux fondamentaux avec cet album, le très attendu For All The Dogs.

Approche habituelle

Côté communication, le canadien a opté pour la même stratégie que pour Certified Lover Boy, la rivalité avec Kanye West en moins. Une longue attente, l’album ayant même été officiellement annoncé pour le 22 septembre puis finalement repoussé au 6 octobre, et l’absence d’album solo rappé de « Drizzy » depuis 2 ans ont créé un véritable engouement autour de For All The Dogs.

Mais très vite, il apparaît évident que la direction globale ne sera pas différente de la majorité de ses précédents disques. Une fois de plus, Drake nous livre un assemblage chaotique de toutes ses formules, agrémenté çà et là des dernières sonorités à la mode, le tout dans une tracklist interminable destinée à faire gonfler les chiffres de vente.

Son OVO solide 

Autre point commun avec Certified Lover Boy, le nombre de morceaux typiquement OVO est assez important. Présents essentiellement au milieu de l’album, ils en constituent le véritable temps fort.

C’est ici que l’on retrouve Drake et les producteurs d’OVO (Noah « 40 » Shebib en tête) dans ce qu’ils savent faire de mieux : suspendre le temps afin d’installer une ambiance mélancolique et contemplative. Faites de samples maniés avec une grande subtilité, d’innombrables filtres et de rythmiques lancinantes, les productions de ces pistes respectent totalement le style du label de Toronto.

 Finalement, le seul véritable défaut de ces morceaux réside dans leur forte ressemblance avec des titres antérieurs du canadien, ainsi que dans ses maladresses d’écriture.

Autres formules et mises à jour 

Pour le reste, le résultat est en revanche bien plus mitigé. Mis à part le morceau Rich Baby Daddy très influencé par la Miami Bass (même si assez pop dans l’énergie qu’il dégage), tous les styles de productions présents sur l’album ont déjà été explorés par Drake, et souvent de meilleure manière. La tentative reggaeton, Gently, en featuring avec Bad Bunny, sonne comme un mauvais remake de « MIA ». Il est donc bien plus ancré dans l’univers du portoricain que du canadien, ce qui en fait un morceau assez impersonnel. Cette critique vaut aussi pour la collaboration avec Lil Yachty ainsi que pour les morceaux rage, IDGAF (en featuring avec Yeat) et Fear Of Heights.

Cependant, certaines formules de Drake permettent aussi de rehausser le disque. Le morceau trap, Daylight, bien que peu original, est assurément efficace et a le mérite de dynamiser un disque ayant parfois tendance à s’endormir. Rich Baby Daddy est également une belle bouffée d’air frais : plus léger et festif sans être simpliste, il est porté par l’énergie communicative de Sexyy Red et la justesse vocale remarquable de SZA.

Mais là où Drake convainc le plus, c’est assurément dans ce qui constitue la seule véritable piste soulful de l’album, 8am in Charlotte. Largement explorées sous la forme d’un son Roc-A-Fella modernisé lors de ses précédents albums, ces sonorités sont cette fois exploitées dans une esthétique rendant hommage au label Griselda (que Drake avait encensé dans son interview à Rap Radar en 2019). Sorti en second single la veille de la sortie de l’album et produit par Conductor Williams, il conserve tout de même un bon équilibre entre le style boombap du label de Buffalo et celui d’OVO. Il reste donc en adéquation avec la proposition artistique du canadien et s’impose comme un des meilleurs morceaux de l’album.

Strict minimum

Même s’il faut reconnaître que « Drizzy » est plus incisif que sur Certified Lover Boy, le sentiment d’écouter un rappeur en pilotage automatique subsiste. Peu de couplets vraiment mémorables, des performances vocales en dents de scie : le Canadien est même régulièrement – pour ne pas dire toujours – surpassé par ses invités. Le moment qui en est le plus symptomatique est évidemment First Person Shooter, collaboration prestigieuse avec J. Cole. Ce dernier nous offre une prestation de haute volée qui respecte parfaitement le thème égotrip du morceau, avec des phases bien senties et un flow très habile. Il rappelle ainsi qu’il est actuellement l’un des meilleurs rappeurs en featuring, chose qu’il avait encore montré sur « Johnny P’s Caddy » avec Benny The Butcher l’année dernière.

Mention spéciale à SZA également, qui se paye le luxe d’apparaître deux fois dans l’album, sur des productions aux styles radicalement opposés. Malgré cela, ses apparitions sont toujours pertinentes et donnent une autre dimension aux morceaux.

Les défauts de Drake se voient également quand il évolue en solo. Comme évoqué plus haut, même si son écriture n’a jamais été son plus grand atout, elle est aujourd’hui son véritable talon d’Achille. Explorant sans cesse les mêmes thèmes, il a en plus la mauvaise manie de les traiter de manière assez grossière et superficielle, chose d’autant plus lassante que le canadien approche doucement mais sûrement de la quarantaine. 

Impression de déjà-vu

Cet album montre encore une fois l’essoufflement de la musique de Drake. Le disque est assez prévisible et reste totalement conforme avec l’idée qu’on se fait de la musique du Canadien en 2023. On y retrouve presque tous les éléments qui la composent : des morceaux nuageux aux mises à jour en passant par les bangers et les hommages au rap (Screw The World – Interlude), le schéma est maintenant largement connu par ses auditeurs.

Cela suffit à remplir les objectifs du canadien, à savoir truster les premières places des tops streaming – il n’a d’ailleurs même plus besoin d’un morceau du même impact qu’un « God’s Plan » ou qu’un « One Dance » pour y arriver – mais est aussi source de lassitude.

L’album possède des qualités indéniables, et chaque auditeur un tant soit peu adepte de la musique du « 6 God » trouvera bien la moitié voire deux tiers des morceaux qui lui plairont. Cependant, il pourra difficilement apprécier le disque dans son entièreté en raison de son irrégularité.

Motif d’espoir

Six semaines après la sortie de For All The Dogs, le rappeur de Toronto a décidé de livrer Scary Hours 3 en tant que réédition du disque. Poursuivant la série débutée en 2018, cet EP de 6 titres permet, au-delà d’augmenter artificiellement les chiffres de ventes, d’ajouter quelques pistes soulfuls. 

Libéré des contraintes qu’il s’impose lui-même lors de la réalisation d’un album, Drake en profite pour ravir ses fans de la première heure avec une majorité de morceaux dont les ambiances se rapprochent de 8am in Charlotte. On y retrouve l’aspect feutré, les couplets fleuves et l’absence de refrains (sauf pour The Shoe Fits), ainsi qu’un « Drizzy » intéressant au micro.

Sans aller jusqu’à penser que le canadien soit encore capable de sortir un album du même niveau qu’un Nothing Was The Same, l’EP prouve qu’il serait en mesure de faire mieux lors de ses prochaines sorties, à condition de sortir du schéma dans lequel il s’enferme à chaque album depuis plusieurs années.

Retrouver l’inspiration

Drake ayant lui-même annoncé vouloir faire une pause, il paraît effectivement pertinent que le canadien prenne du temps pour se renouveler artistiquement et proposer des albums plus aboutis à l’avenir. Ainsi, il pourra enfin tenter de stopper un déclin entamé avec Views, et encore accentué depuis Scorpion.

Cette pause serait également l’occasion de développer davantage les autres artistes d’OVO (dvsn, Majid Jordan, Roy Woods, Naomi Sharon, PARTYNEXTDOOR, etc.), ces derniers ayant bénéficié jusqu’ici d’une promotion assez timide de la part de leur label lors de leurs différentes sorties. 

Après l’inattendue tentative house Honestly Nevermind et le projet commun assez récréatif avec 21 Savage l’année dernière, Drake revient aux fondamentaux avec cet album, le très attendu For All The Dogs. Approche habituelle Côté communication, le canadien a opté pour la même stratégie que pour Certified...Drake - For All The Dogs, Scary Hours edition