Ateyaba – La vie en Violet

Critique

Ateyaba fait son grand retour avec La vie en Violet. Le rappeur se réinvente mais perd en qualité.

Après une très longue attente (3329 jours), un changement de pseudo, d’imagerie et de flow, celui qui se faisait appeler Joke a enfin délivré son deuxième album. Si l’absence peut paraître longue, elle a été compensée par la sortie de quelques singles, de featurings… Mais surtout de deux EPs qui n’auraient pas dû voir le jour sous cette forme : Space Pack en en 2020, puis Infinigga en 2021. Ces projets contiennent les restes d’Ultraviolet, l’album mort-né du Montpelliérain. Mort-né mais pas mauvais.

Ces « déchets » sont qualitatifs et ont suffi à conserver un certain engouement autour du rappeur. En témoigne le succès du clip et du morceau ALC, sortis début 2023 et ajoutés à la tracklist d’Infinigga. Après avoir fait table-rase du passé et avoir délivré la majorité de ce qu’il lui restait de cette époque, Ateyaba a pu -partiellement- tourner la page, tenter des musicalités différentes et entamer la promotion de son nouveau projet.

Joke est mort, vive Joke !

Tout s’est enchaîné très vite : le 15 juin, le rappeur annonce la sortie de l’album pour le 14 juillet. Il en profite pour dévoiler le titre (« La vie en Violet ») et la direction artistique. Dès ce jour, Ateyaba en a été réduit aux comparaisons avec son excellent album éponyme et ce qui aurait dû être Ultraviolet. Il faut dire que la cover le représente une nouvelle fois enfant, toujours nuancé par du mauve. Un tel choix a directement fait penser (ou espérer) que cet album serait de la même veine que le précédent. D’autant plus que la durée d’attente laissait a priori supposer qu’il a été longuement travaillé. Le contraire du rendu final.

Cover de l'album éponyme d'Ateyaba

En effet, LVEV est tout sauf minutieux. Ateyaba n’en a pas fait la promotion en dehors de ses réseaux sociaux et de quelques affiches collées en ville. Pas la moindre interview à se mettre sous la dent non plus. La cover semble faite à la va-vite, avec une police d’écriture datée. Le premier single Shenron est un morceau de plug où le mixage de la voix du MC est volontairement bâclé afin de la rendre digitale et renforcer sa nonchalance. Ce single a été bien choisi puisqu’il est l’incarnation parfaite de ce qu’est l’album.

Partisan du moindre effort

Dans La vie en Violet, Ateyaba surfe sur des tendances déjà établies dans la nouvelle vague du rap français ces dernières années (plug, dmv flow, mumble rap, morceaux d’une durée moyenne de 2 minutes…). Ainsi, celui qui se voulait innovant et influent est devenu un suiveur parmi d’autres. L’artiste privilégie désormais largement la forme au fond. Il cherche à rendre ses morceaux entêtants, au point de sacrifier ses textes.

Les productions, majoritairement assurées par FREAKEY!, Variedy, KLOUDBWWOY… sont bonnes sans être originales et n’ont pas l’air d’être faites sur mesure. Les boucles se veulent courtes et répétitives, ce qui confère un aspect redondant aux morceaux, malgré leur bref durée. D’autant plus qu’il n’y a pas de beat switch ou d’évolution au sein des titres. C’est simple : 10 secondes pourraient suffire pour connaître l’ensemble de chaque instrumentale. Seule StarTrak diffère l’espace d’un instant en toute fin. La production ne serait pas problématique s’il s’agissait d’un autre rappeur, sauf qu’il s’agit d’Ateyaba, un artiste habitué à prendre des risques, à poser sur des productions évolutives et parfois même enrichies d’instruments organiques (Diamant & Cigarios, Niamtougou, Pharaon, Delorean Music, Job…)

(Re)frein à la réussite

Si les productions sonnent assez communes et répétitives, il en est de même des refrains. Cela n’a jamais été une force du rappeur, mais cette fois c’est une véritable faiblesse. En témoigne le refrain de Murakami, qui ne fait pas honneur à sa production :

J’fais qu’des Murakami (Oh, ohh)
J’fais qu’des Murakami, oh, ohh
J’fais qu’des Murakami, hein, heein
J’fais qu’des Murakami, hein, heein

De même que celui de Cookies part. II :

J’me réveille avec du cookie
J’me rendors avec du cookie, Pharaoh
J’me réveille avec du cookie (Oui, bitch)
J’m’endors avec du cookie (Oh-oh-ohh), cookie

Ce n’est là que deux exemples parmi d’autres. Rares sont les refrains bien écrits (777) ou posés de façon différente, voire chantée (Aureole). Cela fait également partie du nœud du problème : l’artiste use d’un flow et d’une intonation qu’il peine à varier au cours des 17 titres. De quoi donner l’impression que l’album est trop long et que peu d’éléments justifient les 45 minutes d’écoute. Il aurait certainement gagné à être plus court, afin de ne garder que les meilleurs morceaux et éviter la redondance.

Écriture clichée et lisse

C’est simple : malgré des années d’absence et contrairement à ce que laissent croire certains de ses tweets polémiques, Ateyaba n’a rien à raconter. Cela se ressent dans la structure de l’album ; les ponts, pré-refrains, refrains, post-refrains sont légion. Les couplets quant à eux sont rares (plusieurs morceaux n’en comportent qu’un seul) et paraissent bien maigres (généralement 8 mesures). L’album est sorti un 14 juillet, jour de la fête nationale française, pourtant la date semble choisie au hasard tant le rappeur ne fait aucune revendication. Elle est loin l’époque de Majeur en l’air

Wax hollandais pour mon ensemble, baise le rap français dans son ensemble
L’État français, j’lui fais sa fête, nique sa grand-mère le 14 Juillet
Négro, pour enculer Marianne, faut juste les papiers pour s’essuyer

Dans LVEV, il est très difficile de sortir des punchlines marquantes alors qu’elles faisaient la force de l’artiste lors de son épopée nommée Joke. Ici, il traite inlassablement des mêmes thématiques -drogues, femmes, argent- avec le même angle : son point de vue. Lui qui aimait tant raconter des histoires auparavant (Fin de journée, Menace, Faubourg Saint Honoré…) ne le fait plus du tout. De même pour les textes et phases introspectifs qu’il disséminait dans ses morceaux. Ateyaba reste en surface, ne se confie pas. Ce manque de contenu -couplé à une forme répétitive- rend l’album très rapidement lassant.

Eclaircie dans le ciel gris

Le seul morceau qui sort vraiment du lot et qui est digne du talent de son auteur est Soler. Sur une production aux inspirations drumless (signée Jaycee), Ateyaba profite de la place qu’on lui offre pour vider son sac, délivrer des punchlines intéressantes, diversifier son flow et distribuer les phases techniques.

C’est bien le seul titre qui peut rivaliser avec ses anciens, c’est bien le seul qui laisse penser que son interprète est encore capable de faire bien mieux que ce qu’il propose dans ce disque. Son public ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque Soler est le morceau le plus populaire de l’album, tant sur les plateformes de streaming que sur les réseaux sociaux.

Qu’on ne s’y trompe pas : l’album est écoutable dans son ensemble (à l’exception du morceau Pokeball). Il souffre principalement du contraste face au reste de la discographie de son auteur. Avec La vie en Violet, Ateyaba délivre un projet passable mais surtout oubliable. Se voulant entêtant, l’album pourrait gagner en qualité à long terme, encore faut-il y revenir… En attendant, le jeune prince qui rêvait des pharaons n’est pas devenu roi.

Rotka
Rotka
Life's a bitch and then you die
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