Lesram – Wesh Enfoiré

Critique

Presque 2 ans après avoir sorti son premier projet G-31, Lesram revient avec une mixtape qui lui ressemble et qui porte le nom de son incontournable gimmick Wesh Enfoiré. Le rappeur originaire de Pré-Saint-Gervais en Seine-Saint-Denis est un électron libre, reconnu pour son art du freestyle et du kickage. Au-delà du fait que le 93 soit un haut lieu historique du rap français, Lesram raconte la réalité de son bitume et le fait bien. 

Rester discret mais savoir piquer quand il est temps

1 mois s’est écoulé entre l’annonce de la mixtape et sa sortie. Comme à son habitude, Lesram fait très peu de promo, pour ne pas dire aucune. Seule la force de son entourage et celle de sa voix à travers le freestyle éponyme ont annoncé la sortie du projet. Depuis 2020, le rappeur du Panama Bende se fait moins rare, plus ambitieux et plus exigeant que jamais. Alors que les membres du groupe décident de se consacrer temporairement à leur carrière solo à la suite de l’album ADN en 2017, Lesram continue de s’inspirer du quotidien de son quartier et de son vécu. Il les retranscrit notamment lors de son apparition sur la Don Dada Mixtape Vol.1 comme sur le projet Classico Organisé. Il débute ensuite sa série de freestyles « Wesh Enfoiré » (comptant cinq clips) et élargit peu à peu son public. 

L’art et la manière

Depuis quelques années, le rap fait face à une évolution de la structure des morceaux. Des années 90 à 2010, le format à trois couplets prédominait dans la construction et l’écriture des morceaux. Aujourd’hui, le genre tend vers un format à deux couplets, parfois plus léger et mélodieux. Sur les 10 tracks de sa mixtape, Lesram ne se cantonne pas à une seule structure et n’a pas peur de montrer que quelles que soient les prods, il sait manier les flows comme les mots. L’évolution des tendances structurelles depuis les années 2010 montre que le troisième couplet n’est (presque) plus qu’un lointain souvenir. Pour autant, ce dernier favorise la narration et reste l’une des marques de fabrique de Lesram, qui aime l’écriture ainsi que la spontanéité dans sa musique.

« Quand j’écris c’est précis comme Jordan au panier »

Intro

Impossible de passer à côté du couplet unique sur Wesh Enfoiré, des deux parties sur Rotation en featuring avec Alpha Wann. De même que du couplet sur les morceaux Intro, Le cris des mômes et Avec le temps en featuring avec PLK

Orateur des rues de sa ville

En 2014, sur une instrumentale de boom-bap, Lesram écrit le morceau East Side. Là encore, 3 couplets sans véritable refrain, où il évoque déjà son rapport à la musique comme exutoire : «  Et si j’veux parler de mon seum, je sais que mon cro-mi l’traduira ». 

La banlieue Nord Est de Paris et ses ruelles sont au cœur du projet. Véritable reporter de la rue dans le morceau, Lesram la dévoile sous toutes ses formes avec l’authenticité de son phrasé à la fois tranchant et nonchalant. L’ancienne école du rap français se fait ressentir dans ses influences aussi bien techniques que culturelles. 

« J’me rappelle, j’écoutais plus Salif que ma daronne »

Survivant

Le MC de Pré-Saint-Gervais se veut porte-parole des siens, de son environnement mais aussi de sa musique pour laquelle il pose avec intensité, richesse et surtout avec passion. Les instrumentales favorisent l’immersion imagée dans son univers où se confrontent un quotidien insipide rempli d’embrouilles, le désordre lié à la drogue, la solitude et son envie d’évasion.  

La musique comme unique moyen de communication

Nombreux sont ceux qui s’accordent sur le fait que le rappeur ne soit pas encore assez sous la lumière des projecteurs. Bien que la mixtape soit appréciée d’un grand nombre d’amateurs et amatrices de rap, une question se pose pour celui qui découpe les prods depuis près d’une décennie : l’irrégularité et la discrétion de Lesram doivent-elles être considérées comme un frein ou comme un tremplin ? 

Avec la précision d’un sniper, Lesram sait poser sur toutes sortes de prods, fait preuve d’une grande adaptabilité et ses confrères savent qu’ils peuvent compter sur lui sans problème quand il s’agit de se prêter à l’exercice. Pendant les 34 minutes d’écoute, technique, flow, narration et égotrip s’enchaînent, de quoi satisfaire les auditeurs de la première heure du freestyler comme les nouveaux arrivants. À chaque retour, Lesram choisit de s’exprimer et de briller uniquement par le biais de son rap, tel un diamant brut dont les rayons lumineux annoncent « la tempête après un long silence » (Survivant).

Presque 2 ans après avoir sorti son premier projet G-31, Lesram revient avec une mixtape qui lui ressemble et qui porte le nom de son incontournable gimmick Wesh Enfoiré. Le rappeur originaire de Pré-Saint-Gervais en Seine-Saint-Denis est un électron libre, reconnu pour son art...Lesram - Wesh Enfoiré