L’étrange activité du pharaon Ateyaba

Le 22 janvier dernier, Ateyaba (anciennement Joke) sortait le morceau « Solitaires » en collaboration avec SahBabii. Futuristes, multisyllabiques, ambitieuses : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier les rimes du Montpelliérain. Malgré un succès annoncé en 2015, celui-ci a fait le choix de se murer dans un silence médiatique vécu comme un attente interminable par ses fans. Retour sur le parcours musical énigmatique d’Ateyaba. 

Un exil marqué de retours incessants 

Ateyaba est l’un des rappeurs français les plus attendus. Son album Ultraviolet représente, pour beaucoup, un Detox français. Cet album, maintes fois annoncé sur les réseaux sociaux, fait l’objet de nombreuses spéculations. Et ceci d’autant plus que le rappeur n’a sorti aucun projet depuis 2015. 

Delorean Music, le dernier EP sorti sous le pseudonyme Joke, symbolise un adieu réservé à ses fans. Le rappeur a opposé une forme de discrétion face à l’engouement médiatique, tout en ménageant la hype autour de ses projets. Ainsi, depuis 2015, il n’a livré que 8 morceaux à sa communauté. Chaque son laisse alors les fans se déchirer sur l’évolution musicale du rappeur et sur un possible retour. Cette attente est d’autant plus grande que le talent de l’artiste impressionne.

De l’ombre à la lumière 

Ateyaba a préparé l’arrivée de Space Pack. L’EP a été précédé du morceau Moonwalk, sorti le 11 décembre, soit une dizaine de jours avant la sortie du projet

Ce single, loin de déboussoler ses fans, s’appuie sur les bases stylistiques habituelles d’Ateyaba : 

  • Des anglicismes donnant un style « international » au rappeur (« Hold up, bad bitches », « Moonwalk »)
  • Des termes moyenâgeux pour l’auteur du morceau Louis XIV (« jeunes courtisanes »)
  • Le luxe (« j’rentre chez Goyard, j’fais peau neuve », « suite la plus chère, j’suis au Four Seasons »)
  • De nombreuses femmes aux mœurs légères (« elle a l’feu au cul, j’l’appelle Khaleesi », « elle suce sur du PARTYNEXTDOOR »)
  • et du name-dropping (« Obscur, conscient comme Morpheus, or pur toi t’es mon horcruxe ») 

Le rappeur semble alors revenir à la lumière avec deux phases en corrélation, pouvant passer inaperçues à la première écoute : 

« J’sors de l’asile renoi (…) Renoi, y a des éclairés qui sont à l’asile ». 

Les fans les plus attentifs auront sûrement remarqué le rapport intime de l’artiste avec la lumière. Il indiquait déjà dans Vision : « Laisse la lumière passer cousin ». Cette lumière, symbole de connaissance, s’est alors développée lors du repli médiatique du rappeur. 

Ainsi, Moonwalk marque le retour d’Ateyaba sur le devant de la scène après une période de discrétion. 

Space Pack à la croisée des chemins 

Certains projets génèrent une attente tellement importante que leur sortie peut décevoir un bon nombre de fans. D’autres au contraire, se montrent rassurants grâce à leur nouvelle musicalité. Space Pack fait clairement partie de cette seconde catégorie. 

Malgré l’ancienneté hétérogène des morceaux de l’EP, ceci n’altère en rien l’impression de cohérence. Ateyaba assure ses bases stylistiques déjà énoncées précédemment, en y ajoutant des références égyptiennes ou togolaises, logique pour celui qui se surnomme « Nouveau Pharaon ». Une chose frappe d’emblée à la première écoute : la constance d’Ateyaba. Il faut rappeler que le rappeur n’a sorti aucun projet depuis 6 ans et bien que son style ait pu évoluer depuis Tokyo, son niveau n’a pas décru. 

Cependant, certains de ces morceaux ont été révélés en 2019, et peuvent donc biaiser le niveau actuel du rappeur. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des morceaux de l’EP représente un ensemble cohérent, fluide, ancrant Ateyaba dans une forme de style « néo-futuriste » tel qu’il avait pu le faire dans le morceau Vision.

Space Pack débute, dans un premier temps, sur le majestueux LGBIRI. Dès la première écoute, le morceau le plus ancien du projet rassure énormément tant il s’inscrit dans la continuité stylistique du rappeur. S’ouvrent ensuite le lunaire Droptop ainsi que Av President Kennedy. Le fond du message ne révolutionne pas le rap français, les thématiques sont connues. Cependant, la forme permet à Ateyaba de distancer très nettement la concurrence. Cette différence s’exprime clairement sur le morceau PDRB

« J’pull up sur Saint Honoré, j’sors une grosse liasse colorée

Ma p’tite sent comme Saint Laurent, Rolls Royce et j’la ken dedans

J’attaque, j’mets jamais de gants, tu fais que chauffer le banc »

Ce passage demeure assez révélateur du style perfectionniste d’Ateyaba. Sur le fond, il y a l’ensemble des éléments stylistiques du rappeur : 

  • Le luxe ( « Saint-Honoré », « grosse liasse colorée », « Saint Laurent, Rolls Royce »)
  • Les femmes (« Ma p’tite », « j’la ken »)
  • L’egotrip (« J’attaque, j’mets jamais de gants, tu fais que chauffer le banc »)

Cependant, ces mesures demeurent un exemple du talent pléthorique du rappeur. Chacune d’entre elles est un heptasyllabe (vers composé de 7 syllabes) donnant un respect métrique et une fluidité naturelle au morceau. Des mesures comme celles-ci, Ateyaba en dissémine des dizaines au fil des quelques morceaux compactés dans le Space Pack. 

Solitaires : le symbole d’un retour probable

Cette reconquête médiatique s’achève par le single Solitaires en featuring avec le rappeur de Chicago SahBabii. Morceau maintes fois teasé, il a fallu attendre 2021 pour pouvoir entendre cette connexion franco-américaine. Malgré une courte vidéo publiée en 2019, le morceau ne comporte pas de clip mais uniquement une cover représentant un pharaon. 

cover du morceau "solitaires" d'Ateyaba ft Sahbabii

Cette connexion est frappante, par la concordance des deux rappeurs tant dans le message que dans le flow adopté. Encore une fois, Ateyaba semble perdurer son ascension stylistique avec un couplet au flow rapide, marqué par de nombreuses rimes multiples. Le couplet du Français dénote alors avec celui de SahBabii, orienté sur un rythme plus saccadé. 

Il en résulte néanmoins un musicalité singulière dans le rap français, à une époque où les featurings franco-américain se raréfient dans les tracklists. Quoi qu’il en soit, la mystérieuse dynamique d’Ateyaba a pour effet de produire de nouvelles spéculations concernant la sortie d’Ultraviolet

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