Thérapie sur Vice TV : ce que nous réserve la saison 2

Nous vous en parlions en long et en large : courant automne, le site Vice a produit et réalisé une mini-série intitulée Thérapie, qui met des artistes face à un psychanalyste, le réputé Fernando de Amorim, pour qu’ils se livrent et fassent part de leurs émotions. Forte de son succès, la mini-série est déjà de retour avec une saison 2 au casting différent, mais toujours aussi intéressant.

Si la saison 1 proposait des rappeurs très connus tels qu’Isha ou Guizmo, cette fois-ci, ce sont globalement des artistes au succès plus confidentiel qui sont mis en avant. Ainsi, Kitsuné Kendra, Soso Maness, MC Jean Gab’1, Jacques, et Kalash Criminel dialoguent avec Fernando de Amorim. Ils se confient comme jamais, nous permettant de mieux les (re)découvrir et les comprendre. Thérapie conserve son format initial, c’est-à-dire un artiste par épisode, et chacun de ceux-ci dure en moyenne 45mn.

La saison 2 de Thérapie sera diffusée à partir du 19 mars, à 22h sur Vice TV.

Kitsune

Kitsuné Kendra

Dans le premier épisode, l’artiste nous fait part de son parcours, de ses ambitions et de sa place de femme dans le monde du rap.

En tant que dame racisée, Kitsuné Kendra se doit d’avoir un plan de carrière millimétré afin d’entreprendre la vie qu’elle a souhaitée. En évoquant ses différentes intentions qui dépassent les frontières de la musique, on s’aperçoit que la rappeuse fait preuve d’une ambition hors pair. Elle explique que sa consommation de cannabis qui l’aide à se focaliser sur ses objectifs lui est vitale, tout en dénonçant la mainmise néfaste qu’a la drogue douce sur son train de vie. À la limite de l’avant-gardisme, la rappeuse a failli mettre un terme rapide à sa jeune carrière, tant la musique qu’elle confectionnait s’apparentait à quelque chose d’encore jamais vu.

Ce sera l’effervescence de nouvelles sonorités qui lui permettront de trouver son univers définitif. Ainsi, elle narre les rencontres avec les personnes qui lui ont permis de se relancer lors de son cheminement à multiples rebondissements, et l’importance d’un entourage bienveillant. Cependant, Kitsuné Kendra n’hésite pas à s’exprimer avec rage lorsqu’elle évoque le manque de crédibilité auquel elle peut faire face en tant que rappeuse.

Face à Fernando De Amorim, l’artiste excentrique dégage une force issue de sa confrontation aux hommes qui la poussent à se dépasser, ainsi qu’une humilité due à sa foi en un monde plus juste. Un exemple pour les minorités.

soso maness

Soso Maness

Soso Maness vient des quartiers nord de Marseille, où la violence règne. Il refuse d’être catalogué uniquement comme un rappeur, il préfère le terme artiste urbain, car selon lui les rappeurs actuels doivent être capable d’endosser plusieurs rôles : tantôt écrivain, tantôt acteur dans les clips, puis musicien, etc. Il explique avoir été plongé très tôt dans la musique, déjà à 10 ans il rappait. Après quoi il a arrêté devenant adolescent, et afin de financer un voyage de ski, il est tombé dans la vie de rue, et a gravi les échelons dans la vente de drogue. Ce n’est que quelques années plus tard, alors qu’il avait la vingtaine et qu’il tenait un terrain, qu’il a recommencé à écrire des textes dans le but de faire passer le temps. Sa vie et sa carrière de rappeur étaient faites de hauts et de bas, ainsi il est passé plusieurs fois par la case prison, où il en a profité pour s’instruire, pour travailler et donner l’argent récolté aux Restos du Cœur.

Il affirme que sa femme et sa mère lui ont été d’une grande aide afin de se sortir de l’engrenage de la vie de rue. Maintenant, il est marié et père de famille, en plus d’avoir une belle carrière musicale devant lui. Il prend donc énormément de recul sur les activités qu’il faisait étant plus jeune, et même s’il raconte ne pas aimer la nostalgie, car celle-ci empêche de se projeter dans le futur et d’avancer, il ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue et les larmes aux yeux en parlant de tous ses proches qu’il a vus disparaître au fil des années. C’est aussi pour cette raison qu’il se fait porteur d’un message : Soso Maness veut encourager les plus jeunes à plutôt choisir la voie des études que la voie de la rue. Il conclut humblement en disant que s’il réussit, c’est pour mieux servir sa communauté.

MC Jean Gab’1

En ayant participé à pas moins de 8 films, et confectionné 2 albums, 2 livres ainsi que de 2 scénarios et 1 long métrage, Jean GAB’1 fait parti de ceux qui sont impossibles à glisser dans une catégorie. Tout au long de l’épisode, l’artiste aux multiples facettes nous fait part de sa haine viscérale : “Je lui aurais bien mis 4 balles dans la bouche”.

D’une enfance douloureuse qui dépasse notre imagination à son passé criminel qui lui fera goûter la prison, Jean Gab’1 a des raisons particulières de se montrer pessimiste. Ainsi, l’artiste partage sa large vision de la société actuelle : une morale abusive dans laquelle il se sent piégé, qui tend davantage à uniformiser ses acteurs plutôt que de s’y adapter. Il évoque également la mesquinerie de l’être humain, nourrie de préjugé et de jalousie. À 52 ans, le problème majeur de l’artiste est sa peine à tirer un trait sur son passé et sa fureur que celui-ci a engendré.

En revanche, malgré cette négativité abondante, Jean Gab’1 déclare être sur la voie de l’épanouissement. Il sait qu’il évacuera sa colère en comptant sur sa famille. Après des décennies à avoir tutoyé l’obscurité, l’artiste s’apprête enfin à goûter à la joie de vivre.

Jacques

Artiste, musicien, performeur, Jacques n’est pas l’artiste le plus simple à définir. Cet épisode se distingue donc directement des autres grâce à l’originalité du style de Jacques qui n’est semblable à aucun autre artiste dans cette saison. On distingue rapidement le point de vue du personnage lorsqu’il s’introduit à Fernando de Amorim, vision simpliste de la vie, en quête du bonheur permanent, Jacques n’aime pas se prendre la tête et on le comprend très vite !

C’est un personnage jovial qui nous parle sans filtre de sa vie, de sa musique, mais aussi de vortex (qu’il décrit comme « des tourbillons qui s’alimentent d’eux-mêmes »), sujet pour lequel il est passionné. Durant tout l’épisode, on n’écoute pas simplement son histoire, on se l’approprie à l’aide d’exemples et d’anecdotes marquantes qui nous captivent instantanément. Si vous aimez la série, cet épisode vous plaira à coup sûr.

En 40 minutes d’interview, on en apprend beaucoup plus que nulle part ailleurs sur cet artiste atypique.

Kalash Criminel

Le célèbre rappeur cagoulé a accepté de faire partie de cette deuxième édition. Sans trop de surprises, on découvre lors de son entretien avec Fernando de Amorim une personne simple, et fidèle à son art.

Kalash raconte sa naissance au Congo-Kinshasa jusqu’à la guerre civile qui a ébranlé son pays et son départ précipité en France. Il brosse ensuite le portrait type du jeune de cité qu’il a incarné autrefois : de mauvaises fréquentations, un « 9 millimètres » qu’il ramena à la maison à 15 ans et un abandon progressif des cours. Il évoque également la rage accumulée par le fait d’être albinos, de subir le rejet des autres et d’avoir changé de foyer de nombreuses fois dans sa jeunesse. Cela lui a ainsi permis la détermination nécessaire pour mener ses projets à bien et s’extirper de la pauvreté.

« Je suis quelqu’un de bien », nous dit-il au cas où son personnage cagoulé induirait l’inverse. En effet, on s’en rend compte à mesure que les 45 minutes d’entretien passent: le rappeur aime rire et est profondément jovial. Ce qui, encore une fois, ne lui empêche pas d’avoir la maturité et le recul nécessaires sur son propre parcours et la vie d’artiste. Ainsi, il revendique le port de la cagoule comme ce qui sépare son personnage de l’être humain derrière. « C’est comme les Daft Punk, ils peuvent sortir faire leurs courses et personne ne les reconnaît ».

Ayant atteint aujourd’hui ses objectifs financiers et se décrivant comme « heureux » dans sa vie, Kalash Criminel termine son entretien en évoquant naturellement sa famille, et sa volonté de rester fidèle aux siens et de suffisamment se consacrer à ses enfants.

De la même façon que ses modèles comme Thomas Sankara, il évoque aussi son envie de se faire porte-parole pour les immigrés africains et jeunes de banlieue comme lui, grâce au rap. À l’image du personnage, un entretien sincère et entier.

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