Après une courte retraite et plusieurs mois de silence radio, le producteur Metro Boomin signe son retour avec son premier album solo, Not All Heroes Wear Capes.
Un projet étonnamment diversifié dans ses influences
La première chose qui étonne à l’écoute de l’album, c’est sa diversité. On pouvait légitimement croire que Boomin allait se cantonner à ce qui a fait son succès : la trap. Finalement il n’en est rien, les influences sont très diversifiées et l’on sent que Metro cherche finalement à se débarrasser de cette étiquette de porte-étendard d’Atlanta. Ce processus d’émancipation est donc pleinement acté avec Not All Heroes Wear Capes, même si l’on pouvait déjà en apercevoir les prémices sur Who’s Stopping Me, Congratulations ou Go Legend.
A ce titre, le morceau 10AM/Save The World est une bonne introduction en la matière. Le violon d’introduction, que l’on entendra pendant de trop courtes secondes, bordera finalement en looping tout le long du morceau. Accompagné d’un Gucci Mane nonchalant, le morceau se terminera en apothéose avec un sample du groupe gospel The Loving Sisters, pitché à son paroxysme. Metro Boomin fait l’étalage de ses influences, sans se perdre dans tous les sens et parvient même à donner une cohérence et une ligne directrice à la couleur musicale de son album.
Si les apparitions de Travis Scott sont elles, plus anecdotiques et moins marquantes, on ne peut lui ôter sa capacité à imposer son univers. Il va délivrer sa meilleure performance de l’album sur Only 1, courte interlude d’1 minute 20. Cette ballade post-808’s & Heartbreak, soutenue par un doux piano est d’une rare élégance. Cet album marque d’ailleurs le retour des transitions parfaites entre morceaux, duquel Boomin est coutumier.
Après My Choppa Hate Niggas/Nightmare qui en avait traumatisé plus d’un sur l’album Without Warning, Metro Boomin remet ça avec Overdue/Don’t Come Out the House et Only 1/Lesbian, autre temps fort de l’album, porté par un Young Thug des grands jours. De manière générale, on ressent un effort de la part de l’ensemble des invités, ce qui est assez rare pour être souligné sur un album de producteur, qui va souvent récolter les fonds de poubelle au niveau couplets. Là, on sent une bonne volonté générale et il n’y a pas véritablement de morceau déchet. Transition parfaite et smooth, l’ambiance de Lesbian se fait beaucoup plus douce, mélodieuse et chantée.
Sur la fin, cela se complique. Metro Boomin cherchant le hit radio à tout prix, la qualité va décroitre. Borrowed Love et Only You sont des morceaux typiquement formatés pour le succès radio, sans grosse qualité de production, assez génériques et plats. WizKid n’arrange rien à cela, au contraire. Il y avait néanmoins une tentative intéressante avec le loop de guitare électrique sur la fin de Borrowed Love, mais c’est très mal agencé et ça tombe comme un cheveu sur la soupe. Swae Lee est d’ailleurs inutile sur les morceaux sur lesquels il apparait (celui-ci et Dreamcatcher).
21 Savage – Metro Boomin : la combinaison gagnante
Il est très rare de nos jours d’entendre une telle osmose entre un rappeur et un producteur. Mais 21 Savage est indéniablement le grand artisan de l’album. Il module et joue avec les productions de Metro Boomin et démontre une aisance impressionnante. Sur Don’t Come Out The House, morceau effrayant dans la digne lignée de Without Warning, 21 Savage est au summum de son art.
21 chuchote son passé douloureux, entre manquements financiers et amis décédés (de manière violente) trop tôt, rendant son delivering encore plus immersif. « We was broke so all we ate was rice, nigga », « All these bodies, I can’t sleep at night, nigga ». Avec un piano tout droit sorti d’un film d’horreur, Metro rythme le récit de 21, la partie chuchotée étant uniquement soutenue par un hi-hat répété et des basses assourdissantes, comme pour mieux compartimenter le morceau en plusieurs chapitres.
10 Freaky Girls est encore mieux rappé mais la production est un peu moins marquante, malgré les trompettes grandiloquentes et l’intro. Ce morceau illustre d’ailleurs à la perfection un point négatif global dans la production de Metro Boomin : il se contente d’accumuler les samples mais il ne joue pas avec. Il n’a pas incorporé le moindre de ses samples à la production, il s’est contenté de les apposer en début ou en fin de morceau. Le résultat est forcément moins impressionnant. C’est bon élève mais pas grandiose. Et cela sert parfois de cache-misère (Borrowed Love).
Le choix des MCs aurait également pu être amélioré, la géniale prod de 10AM ne méritait par exemple pas une telle perf de Gucci Mane. Réutiliser 5 fois Travis Scott sur un album 13 titres n’était peut-être pas la meilleure chose à faire également.
Contrairement à Travis Scott, qui est au final présent sur beaucoup plus de tracks pour un rendu assez moyen et similaire/interchangeable avec ce que l’on a déjà pu entendre de lui, 21 Savage s’impose en leader naturel en seulement 3 apparitions. Gunna est le 2e guest le plus intéressant de l’album, les morceaux Space Cadet et Lesbian étant de très bonne facture.
Malgré quelques points gênants, Metro Boomin peut se targuer d’avoir signé avec NOT ALL HEROES WEAR CAPES un projet solide et cohésif du début à la presque fin.