XXXTentacion – 17

Critique

17, premier album du rappeur XXXTentacion, est assourdi et engourdi par la douleur, les traumatismes et la controverse.

Pour comprendre à quel point 17 était surprenant par bien des aspects, il faut recontextualiser la période précédant sa sortie. XXXTENTACION faisait beaucoup parler de lui dans les médias, et pas toujours pour les bonnes raisons : sortie de prison, bagarre lors de ses concerts, beefs avec d’autres rappeurs dont Drake qui a été accusé de plagiat, Cypher XXL très étrange…

X était très présent dans la sphère médiatique, détesté par les uns, adoré par les autres, le personnage était clivant, mais son talent pour la musique était une évidence. Été 2017, il annonce que la sortie de son album aurait lieu le 25 août de la même année. Ce projet était donc fortement attendu.

Un album qui prend à contrepied le public

Alors que X s’était fait connaître grâce à du boom-bap, du black métal, du rock aussi mais surtout de la trap, notamment grâce à sa musique « Look At Me », qui lui a permis d’exploser véritablement aux Etats-Unis et de manière internationale, sur ce projet il a étonné puisqu’il s’est dirigé vers un style qu’on n’attendait pas : des ballades piano/guitare acoustique. Il aurait pu surfer sur le buzz de son hit nerveux Look At Me, mais il a choisi de se tourner vers un style diamétralement opposé, et beaucoup plus sombre.

Conscient que les auditeurs ne s’attendaient pas forcément à ça, il explique ce choix dans The Explanation, l’intro du projet :

« By listening to this album, you are literally, and I cannot stress this enough, literally entering my mind
And if you are not willing to accept my emotion and hear my words fully, do not listen
I do not value your money
I value your acceptance and loyalty
Here is my pain and thoughts put into words
I put my all into this, in the hopes that it will help cure or at least numb your depression
I love you
Thank you for listening
Enjoy »

Celle-ci permet directement de mettre en garde l’auditeur : l’album est très sombre, et il vaut mieux s’y préparer et l’accepter. La voix du rappeur est nonchalante, enrouée, presque tremblante. Ces éléments, bien qu’ils puissent paraître anodins, laissent supposer que X est honnête, et authentique. Ce qui est très important, surtout quand il s’agit d’aborder des thèmes comme la dépression ou le suicide.

Les bruits de souffles et le micro de mauvaise qualité quant à eux laissent penser que l’introduction a été faite en une seule prise et pas en studio, donc rajoutent un peu plus d’authenticité. La première chanson du projet est sans doute la plus profonde, et celle qui tenait le plus à cœur au chanteur : Jocelyn Flores, sur un sample de Shiloh Dynasty, X rap sa tristesse au sujet du suicide de son amie Jocelyn Flores. Il fait également part de ses regrets, et s’en veut de ne pas avoir pu/su l’aider à vaincre sa dépression, à s’en sortir :

I’m in pain, wanna put ten shots in my brain
I’ve been trippin’ ’bout some things, can’t change
Suicidal, same time I’m tame
Picture this, in bed, get a phone call
Girl that you fucked with killed herself
That was this summer when nobody helped
And ever since then, man, I hate myself

Il raconte également que ce suicide rappelle en lui des souvenirs douloureux, comme le suicide de son oncle par exemple.

Fuckin’ sickenin’; at the same time
Memories surface through the grapevine
‘Bout my uncle playin’ with a slip knot

Dans Depression & Obsession, il chante son malheur sur un fond de guitare acoustique. Il parle de sa dépression, causée en partie par l’amour de sa vie Geneva Ayala, avec qui ça s’est très mal fini. Ce n’est pas la seule fois où il fait référence à cette fille, en fait cet album est en grande partie consacré au chagrin amoureux laissé par leur rupture. X en a été énormément affecté, son échappatoire à la douleur et la dépression fût la musique. L’outro du projet, Ayala -qui est le nom de son ex- sert à exprimer à quel point X a été blessé par leur relation, et a des remords d’en avoir eu une avec cette fille, tant cette relation a été nocive.

Dans Everybody Dies in their Nightmares, qui est le morceau le plus rappé de l’album, X parle des conséquences directes de cette rupture : il redoute de s’attacher à nouveau à une fille, car sa précédente relation l’a anéanti et l’a fait déprimer. Sur Dead Inside, il laisse entendre que son ex l’a trompé, et qu’à ses yeux l’amour est désormais mort, ce qui confirme qu’il ne veut plus tomber amoureux à nouveau. L’album aborde plusieurs causes de la dépression que le chanteur a traversé, le tout sur des productions minimalistes qui dégagent une vraie cohésion.

Au niveau des featurings, il y a juste Shiloh Dynasty qui a été samplé à plusieurs reprises (on peut entendre sa voix sur Jocelyn Flores, Everybody Dies in Their Nightmares et Carry On, dans laquelle X déclare autant aimer que détester Geneva Ayala). Le seul vrai featuring est Trippie Redd (rappeur qui est très proche musicalement et lyricalement de X) sur la musique Fuck Love, qui est rapidement devenue virale, permettant à l’album de gagner en visibilité.

C’est la seule musique qui est vraiment différente du reste puisque c’est de la trap. Bien que plus légère, elle colle bien à l’ambiance pesante de l’album. Les deux artistes se complètent parfaitement et dégagent une magnifique alchimie. La seule musique qui était sortie assez longtemps avant l’album et qui faisait office de single est Revenge (publiée précédemment sous le nom « Garette’s Revenge ») sinon tout le reste était inédit et donc plutôt inattendu.

Sur Save Me, il fait part de son envie d’être aidé, de sa solitude, de ses envies suicidaires et confie qu’il n’a personne à qui parler, abordant le thème de l’amitié, et l’importance de celle-ci pour vaincre la dépression. Dans Orlando, il aborde les mêmes thèmes (amitié, solitude, la mort) en chantant sur des notes de piano aussi graves que les thématiques de la musique.

Le principal point négatif qu’il est possible d’exprimer au sujet de cet album, c’est sa courte durée : 21 minutes, ce qui lui confère des allures d’EP bien que ce soit de grande qualité. Et on regrette encore plus cette courte durée depuis que l’artiste est mort, on aurait aimé en avoir eu plus de sa part. La seule chose qu’on peut lui souhaiter maintenant, c’est d’avoir enfin trouvé la paix, et d’être en compagnie de ses proches qui sont eux aussi partis trop tôt.

Rotka
Rotka
Life's a bitch and then you die