5 morceaux sous-côtés de Kanye West

On a un peu trop tendance, de nos jours, à oublier le producteur et créateur génial qu’est Kanye Omari West, ainsi que l’héritage que sa musique a laissé sur le Hip-Hop mondial. Et vu la quantité de bourdes, de faux pas et de conneries que ce dernier a pu laisser derrière lui cette décennie (devenant par la même occasion une des personnalités les plus haïes d’Amérique et du globe), c’est limite normal, on vous en voudra pas.

Toutefois, il serait temps de rendre justice à l’intéressé ; et par ces 5 titres relativement méconnus qui correspondent chacun à une période différente de sa carrière, essayons de prouver au reste du monde que non, Kanye West n’est pas qu’un abruti fini tout juste bon à l’ouvrir de temps en temps sur son Twitter et à inonder l’Internet de déclarations au mieux fantaisistes, au pire carrément stupides. Croyez-le ou non, mais il vaut mieux que ça.

« School Spirit » (The College Dropout, 2004).

Un jeune Kanye West n’ayant pas encore prouvé à la Terre entière à quel point il était fou, avec la hargne et l’ambition des débuts, une ambiance rappelant les campus à l’américaine et les teen movies, et un sample d’Aretha Franklin accompagné de chœurs gospel, il n’en fallait pas plus pour rendre ce titre mémorable. Dans la droite lignée de ce que proposait Kanye au début des années 2000, le morceau s’intègre parfaitement au sein de son premier album The College Dropout, grâce auquel il a évolué de producteur en vogue à rappeur et tête d’affiche.

« Celebration » (Late Registration, 2005).

Un an après, Kanye est de retour avec son second opus Late Registration, qui vise à confirmer son talent et à l’installer durablement sur le devant de la scène. Ainsi, on le voit pour la première fois s’ouvrir à des collaborations beaucoup plus Pop (comme Adam Levine, le chanteur des Maroon 5, ou Jamie Foxx) en complément de ses influences de l’époque portées vers la scène Rap consciente underground (Common, Lupe Fiasco, Consequence) et la Soul samplée, pitchée et remise au goût du jour.

Son album est une sorte de crossover, une combinaison classieuse et efficace de tous ces facteurs dont Celebration est à l’image. A cheval entre deux mondes et deux étapes de la carrière de son auteur, le titre fait cohabiter une Soul des plus smooths, des harmonies gospel pitchées ainsi que des touches Pop et électroniques, et réussit son pari de nous emmener droit vers les cieux.

« Coldest Winter » (808s & Heartbreak, 2008).

Sans aucun doute, Kanye West amorce en 2008 avec son quatrième album le plus gros virage de sa carrière, un à 180° qui le fera passer définitivement au statut de rock star des temps modernes et d’icône excentrique. Malgré des ambitions toujours plus Pop et mainstream, la nouvelle égérie Louis Vuitton n’en perd rien pour autant de sa diversité artistique, la preuve avec le bien nommé 808s & Heartbreak, album mélancolique et autotuné rendant aussi bien hommage aux années 80 et à la célèbre boîte à rythmes Roland 808 qu’allant chercher du côté du R’nB’ contemporain et des sonorités tribales.

Un gros lâcher-prise artistique servant de catharsis à Kanye pour soigner ses problèmes d’ego (lesquels ne tarderont pas à revenir) et de cœur, avec notamment la perte de sa mère Donda West qui a été sa première inspiratrice. Égaré parmi des tubes comme Heartless ou Love Lockdown, Coldest Winter n’a pourtant rien à leur envier et faisait même figure de gros single potentiel, puisque Kanye a daigné lui offrir un clip. Doté d’une mélodie envoûtante, d’une ambiance grise et apocalyptique et de grosses percussions tribales encadrant le tout, le titre est encore plus désespéré que le reste de l’album et demeure un ovni dans la discographie du rappeur le plus mégalomane au monde.

« Guilt Trip » feat. Kid Cudi (Yeezus, 2013).

Avec Yeezus (le titre est un acronyme entre le surnom de Kanye « Yeezy » et le Christ en personne), beaucoup ont considéré que le point de non-retour avait été atteint, et que la carrière de Kanye West à partir de ce moment-là ne se résumait plus qu’à une vaste parodie de lui-même et à un concentré de branlette pseudo-artistique. D’autres (et même de grands noms comme Lou Reed) ont décrété au contraire que le rappeur de Chicago surpassait toute la production musicale de son époque et était, de toute évidence, trop haut pour nous.

Ce qui est sûr, c’est qu’encore aujourd’hui Yeezus s’impose comme un album à part qui n’a pas fini de diviser, d’émerveiller d’un côté comme de faire hurler de l’autre. Pourtant, à condition qu’on parvienne à se frayer un chemin jusqu’à la huitième track et qu’on n’ait pas été trop rebuté par les sonorités agressives, les longues complaintes autotunées et les hurlements de Kanye, on arrive sur le titre Guilt Trip qui est une vraie petite surprise.

En compagnie du fidèle Kid Cudi, et avec une production léchée co-signée par un tout jeune Travis Scott, Guilt Trip répand une ambiance à la fois tribale (avec le « refrain » martelé par une voix d’outre-tombe), spatiale avec l’instru nous plongeant dans un remake de La Guerre des Étoiles et psychédélique. Un mojo assez dingue finit par émaner de ce morceau dont on dirait qu’il est un concentré du meilleur de Kanye West, quand il est bien entouré et qu’on ne le laisse pas en roue libre ; la preuve en est que la track suivante, Send It Up, est un des plus gros ratés de sa carrière avec son sample d’alarme assourdissant. Comme quoi, la frontière entre le génie et le grotesque tient souvent à peu de choses.

« No More Parties in L.A. » feat. Kendrick Lamar (The Life of Pablo, 2016).

Le septième projet solo de Kanye, The Life of Pablo, teasé à l’époque en grandes pompes et présenté par son auteur comme « le meilleur album de tous les temps » (je vous avais dit qu’il n’en avait pas fini avec ses problèmes d’ego), s’est avéré sous la couverture être un retour aux sources, une reconnexion avec son passé nécessaire pour un artiste en manque d’inspiration, fatigué de ses multiples casquettes (producteur pour d’autres, icône musicale, personnalité du show business à temps plein depuis son mariage avec Kim Kardashian, star des réseaux sociaux, égérie et créateur de mode) et frôlant le burn-out, ce qu’on apprendra un peu plus tard lorsqu’il pétera littéralement un plomb à un concert, accusant Jay-Z d’avoir engagé des assassins à ses trousses et insultant ses fans sur scène, puis se fera admettre le lendemain en hôpital psychiatrique pour surmenage.

Une dure descente aux enfers pour une année 2016 qui avait plutôt bien commencé, puisque sur le modèle des GOOD Fridays de 2010 (pour annoncer à l’époque son album My Beautiful Dark Twisted Fantasy), Kanye avait balancé chaque vendredi du mois de janvier un nouvel extrait de The Life of Pablo sur son site. Parmi ces extraits, No More Parties in L.A. avait marqué à peu près tout le monde avec la présence du génial Madlib sur l’instru qui rappelait l’époque 2003-2005, et une sorte de battle improvisée à l’ancienne, longue de 6 minutes entre Kanye et le King de la nouvelle génération Kendrick Lamar.

A l’issue de ce match, Kanye West l’emporte après un couplet de folie où on l’a rarement entendu plus en forme. Malheureusement ce titre fut noyé, lors de la sortie de l’album, par les gros singles comme Fade ou Famous, et a fini (à tort) un peu oublié. C’est le moment de montrer à nouveau que Kanye, quand il le veut, peut très bien kicker sur une instru old-school, et n’a pas perdu ses classiques en route.

MattMartians
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