INTERVIEW

En apprendre plus sur un média rap actuel – Interview avec Alvaro, fondateur de Raplume

N’importe quel passionné de rap ayant un compte Twitter connaît Raplume, ce compte qui cumule presque 400 000 followers. Cet engouement s’explique par le fait que ce nouveau média a su adopter la recette idéale pour se constituer une communauté fidèle : du contenu qui plaît et qui rassemble. Avec de tels atouts, Raplume a vite pris une place importante dans le paysage rap. Cela s’est traduit par la création d’un site internet avec des articles, des interviews ou encore plusieurs concours sur les réseaux sociaux.

Les internautes sont au rendez-vous et attentifs au contenu proposé, c’est pour cela notamment que le média use de son influence pour essayer d’être un tremplin pour de jeunes artistes peu connus. A ce jour, le plus gros projet reste l’album Le chant des Oiseaux qui a rassemblé une dizaine d’artistes plus ou moins connus et qui a été bien reçu par le public, curieux de voir le résultat de cette démarche ambitieuse. En clair, beaucoup de personnes connaissent ce que propose Raplume, mais très peu savent ce qu’il se passe dans les coulisses de ce média.

Pour essayer d’en apprendre un peu plus, Thésaurap s’est entretenu avec Alvaro, le fondateur de Raplume. Il nous raconte l’histoire de sa structure et son fonctionnement, se livre sur les responsabilités qu’il doit endosser, et nous expose ses ambitions.


RuthSir : Tout d’abord, présente-toi pour ceux qui ne te connaissent pas.

Alvaro : Je m’appelle Alvaro, j’ai 21 ans et je viens de Montpellier, là où j’ai obtenu mon bachelor à MBS (Montpellier Business School).

R : Les gens connaissent ton média mais pas vraiment l’homme qui travaille dans l’ombre, pourquoi ne connaissons-nous pas davantage Alvaro de Raplume ?

A : Il y a comme une envie de rester discret. Je n’aime pas trop me montrer. Par exemple pour notre chaîne YouTube, j’ai recruté des personnes compétentes étant à l’aise devant la caméra. Être reconnu ne m’intéresse pas forcément, l’objectif c’est que mon média soit connu, pas moi !

R : Depuis quand es-tu passionné de rap et quand est venue cette idée de créer ton média ?

A : Je dirais que je suis passionné de rap depuis environ 2011 avec un morceau qui m’a marqué (que mon grand-frère m’a fait écouter) : Dans ta ré-ssoi de Nekfeu ft. Alpha Wann. Cependant je baignais déjà dans le rap avant cette période grâce à mon grand-frère encore une fois, qui écoutait beaucoup de 50 Cent notamment.

Ensuite, l’idée de créer mon truc m’est venue au lycée lorsque j’ai commencé à faire le lien, grâce à mes cours de Français, entre les textes qu’on étudiait en cours et les textes de rap. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte de la profondeur et la qualité d’écriture qu’on retrouve dans le rap français, ça m’a tout de suite passionné. J’ai donc ensuite décidé de créer un compte Twitter où je postais des phrases et punchlines que je trouvais sympas. Il n’y avait pas cette dimension média au début. Mais de fil en aiguille, avec l’engouement, elle est apparue.

R : Tu as débuté l’aventure seul ou tu as été directement accompagné ?

A : J’ai débuté seul, mais j’ai vite recruté des pigistes, bénévoles à l’époque. Maintenant c’est cool, je peux me permettre de rémunérer certaines personnes qui travaillent pour moi (pour des articles, ou autres projets comme la chaîne YouTube qui arrive notamment).
Actuellement, évidemment que je suis entouré. J’ai des personnes de confiance et talentueuses autour de moi. L’équipe, en plus de moi, est composée de Roxane qui est photographe, Kidhao , réalisateur de clip qui s’occupe donc de la partie audiovisuelle (qui va travailler sur les projets YouTube notamment), Célia, qui va incarner le visage du média sur les premiers formats vidéo et nos journalistes pigistes (JS, Logan, Mohamed, Flavie…). Célia m’aide aussi beaucoup sur pas mal d’aspects back-office comme la gestion du site, le business plan etc.

R : Maintenant que tu as une équipe derrière toi, qu’est-ce que tu gères de ton côté ?

A : Tout (rires) ! J’ai un problème : je n’aime pas déléguer. J’ai envie d’avoir un œil sur tout, malgré la confiance que j’accorde à mes collaborateurs. C’est pourquoi je gère les réseaux, je gère la compta, le site etc. Je redoute d’ailleurs le moment où je serai obligé de déléguer sans avoir à jeter un coup d’œil. J’essaie de travailler là-dessus.

R : Gérer un média implique beaucoup de travail et de responsabilités, de plus tu viens de nous avouer que tu gères encore quasiment tout ; est-ce que cela te fait stresser ?

A : Je suis quelqu’un de posé, qui stresse peu, car en fait j’ai une vision pessimiste des choses ; c’est-à-dire que je suis toujours prêt au pire pour ne pas être déçu, et au mieux je suis très content.

R : Est-ce qu’un jour tu aurais pensé que ton média aurait une telle influence ? Quelle est ta vision par rapport à cela ?

A : Évidemment que je n’aurais jamais pensé en arriver là, je n’arrive toujours pas à réaliser ! Cependant je commence petit à petit à me rendre compte de notre impact car de plus en plus, les artistes m’interpellent sur l’évolution de leur chiffre, après être passé sur Raplume. Je m’amuse même à aller voir les courbes sur « Spotify for Artists » avant et après un Tweet de Raplume ! Ma vision par rapport à tout cela, c’est qu’évidemment j’en suis fier, mais pour moi je n’ai encore rien fait, ce n’est que le début !

R : Avec ton projet qui connaît une belle ascension, penses-tu que ta vie a changé ?

A : Professionnellement, forcément, j’ai arrêté les cours et je me consacre dans un métier qui comprend ma passion, mais pour moi la vie ne se résume pas au travail. Cela change des choses en soi, mais je n’ai pas changé en tant que personne et c’est ce qui compte pour moi. Ma vie aura changé le jour où j’observerai un changement majeur au niveau de ma vie personnelle.

R : Où te vois-tu après tes études ? Tu aimerais vivre de ce que tu fais ?

A : Pour être honnête, j’ai été diplômé d’un bachelor en école de commerce il y a quelques mois. Le projet était de continuer jusqu’au master mais en ayant obtenu mon diplôme, je me suis rendu compte qu’en trois ans je n’ai pas appris grand-chose, du moins dans le domaine dans lequel je souhaite travailler ; j’ai donc arrêté pour me consacrer 100% à Raplume. Maintenant est-ce que j’aimerais vivre de Raplume ? Oui forcément, j’aime ce que je fais, et pour être transparent, je pourrais très bien en vivre dès à présent ; je suis déclaré en tant qu’auto-entrepreneur, tout est structuré légalement d’ailleurs. Cependant pour le moment je me contente de réinvestir ce que je gagne pour faire grandir le projet.

R : Le poids qu’a Raplume permet donc de générer des revenus. Mais il permet aussi de donner de la visibilité à des artistes peu connus. Cette démarche est un peu votre marque de fabrique d’ailleurs. Peux-tu nous donner quelques artistes que tu aimerais voir percer ?

A : En réfléchissant, je dirais Ben PLG (son intro « Cœur propre et mains sales » m’a mis une claque !) ; HZY ; Leith ; Ave Purple ; Doni M ; Bakary. Allez streamer tout ça !

R : En plus du contenu « classique » d’un média (articles, interviews etc.), Raplume s’est lancé sur YouTube il y a quelques jours ; quel est ton sentiment vis-à-vis de ce nouveau projet ?

A : Je suis très content, j’avais seulement peur des retours, si les gens allaient apprécier ou non. Je ne portais aucune espérance sur les vues notamment, étant donné que c’est un début. Au final, je suis très content sur les deux aspects, les retours et les chiffres !

R : Parlons un peu de l’album, Le chant des oiseaux, qui est peut-être le plus gros projet de Raplume et qui a été plutôt une réussite. Comment l’idée d’être à l’initiative d’un tel projet est-elle venue ?

A : D’abord il faut savoir que Raplume avait déjà sorti un projet musical, sous un format compilation, qui s’intitulait Plume. Ce projet était un premier essai, un apprentissage.
Ensuite, à la suite du décès de mon grand-père qui était passionné d’ornithologie, j’avais écrit une note dans mon téléphone « le chant des oiseaux » et très vite l’idée de créer un projet musical autour de cette phrase a émergée. S’en est suivi, les liens entre les oiseaux et la plume, ainsi que le fil conducteur de l’album qui est en fait un storytelling sur les différentes phases d’une relation amoureuse.

R : Combien de temps avez-vous eu besoin pour concrétiser un tel projet et quels moyens ont été mis en place ?

A : Du moment où j’ai eu l’idée jusqu’au moment où le projet est sorti, il s’est écoulé environ 1 an et demi voire 2 ans. Des moyens financiers ont été nécessaires évidemment, mais on a eu besoin de beaucoup plus de temps que d’argent !

R : Comment s’est passé le choix des artistes ?

A : Assez naturellement en fait, car on connaissait la plupart des artistes et/ou leurs managers par exemple. Tous les artistes sondés ont répondu présent avec plaisir, le processus a été fluide. Pour vous dire, l’artiste avec qui cela s’est fait le plus facilement, c’est Jok’air, un des artistes les plus réputés du projet !

R : La cover est magnifique. Qui l’a réalisée, et que signifie-t-elle ?

A : C’est Igniseum qui a réalisé la cover. Je suis tombé sur son instagram où il avait fait une sorte de cover pour PNL, qui mettait en avant leur singe Mowgli, où on peut retrouver un univers de jungle. Et c’est cet univers là que je voulais ; ça a été très bien retranscrit sur la cover. Pour la signification, rien de compliqué, on retrouve donc l’univers jungle que je souhaitais, un cœur pour illustrer le thème de l’album : l’amour, et enfin, les oiseaux pour faire référence au titre tout simplement.

R : Les ventes ne reflètent évidemment pas la qualité d’un projet, mais est-ce que vous aviez fixé un objectif de vente ?

A : Pas du tout ! On n’a jamais pensé aux chiffres. La preuve, à l’heure actuelle, je ne sais rien sur les ventes. J’ai juste été agréablement surpris de voir que le projet s’est hissé dans le top 200 SNEP à un certain moment.

R : Quelle est la plus grande fierté de Raplume liée à ce projet ?

A : Je dirais que c’est l’hommage magnifique que l’on a fait à mon grand-père. Les membres de ma famille vivant en Espagne ont écouté l’album et m’ont envoyé des messages disant qu’ils avaient beaucoup aimé.

R : Est-ce qu’on peut imaginer voir d’autres projets affiliés Raplume à l’avenir ?

A : Bien-sûr. Pour être honnête c’est dans un coin de ma tête. J’ai déjà une idée, un thème qui se dessine et une liste d’artistes que j’aimerais voir sur le projet. Rien n’est fait, tout peut encore changer. Je me concentrerai là-dessus une fois que notre projet YouTube sera bien en place.

R : Pour finir, que pouvons-nous souhaiter à Raplume et toi-même pour la suite ?

A : Pour Raplume, que ce média soit un média référence, au-delà de Twitter. Pour moi, que je continue à travailler dans le rap, que je fasse de belles rencontres dans ce milieu, et… que j’arrive à interviewer PNL ! (rires).