Bien souvent, le rap du Nord de la France est associé à Gradur ou plus récemment ZKR. Pourtant, cette région regorge de talents encore peu connus du grand public, comme BEN plg.
Le rappeur de 30 ans est très actif depuis fin 2020. Il a sorti 2 albums (Dans Nos Yeux & Parcours Accidenté) un EP (Réalité Rap Musique Vol.1) des clips dont des longs-métrages, une web-série documentaire intitulée “Tout plg”… Mais ce n’est pas tout. Dans le même temps, il multiplie les concerts et les apparitions dans divers médias comme la chaîne YouTube Red Binks ou encore très récemment dans la série Netflix “nouvelle école” qui lui permet de briller davantage.
BEN plg est indéniablement sur une bonne dynamique et il l’a très bien compris. Hors de question donc, de s’arrêter en si bon chemin. L’artiste originaire de Tourcoing enchaîne avec un nouveau projet “Réalité Rap Musique vol.2” qui sortira le 24 juin prochain.
À cette occasion, BEN plg a accepté notre invitation, juste avant son concert parisien aux Trois Baudets pour répondre à nos questions. Il revient sur ses débuts, sa passion pour l’aspect visuel de son travail, sa productivité, sa famille, etc. Différents sujets importants qui ont construit cet artiste émergent… au parcours accidenté.
Comment es-tu arrivé dans le rap et comment es-tu resté dans ce milieu où il n’est pas simple de se faire une place ?
À la base je ne suis qu’un auditeur. Le rap est vraiment une musique qui me fait trop kiffer. J’ai toujours été à fond, à écouter plein de rappeurs et un jour, de manière naturelle, je me suis dit “pourquoi pas moi ?”. C’était une évidence, le rap est une partie de moi.
Cela fait 10 ans que tu fais du rap. Ta manière de travailler a-t-elle évolué ?
Oh oui ! Évidemment, il y a beaucoup de tâtonnements, d’évolutions. Par exemple, à mes débuts, l’autotune n’était pas répandue et maintenant oui. Donc forcément on est obligés de changer nos habitudes. Puis avant je rappais pour obtenir la meilleure technicité, le meilleur flow, etc. Au final maintenant je suis plus concentré sur la transmission des émotions et je vois le rap comme une manière de sortir ce que j’ai dans le ventre. Et cet aspect émotion me convient, je trouve que c’est là où je suis le plus pertinent.
Depuis l’album “Dans Nos Yeux”, on sent que tu t’es vraiment trouvé en tant qu’artiste. Comment décrirais-tu ta proposition ?
C’est simple, c’est réalité rap musique hein ! Il n’y a pas d’autres mots. Je rappe ce que j’ai en moi à un instant T, mon état d’esprit, comment je ressens les choses. Et ça évolue tout le temps donc c’est parfait car je n’ai pas envie de proposer deux fois le même projet ou le même morceau.
Tu racontes ce que tu vois, ce que tu ressens et à côté de ça tu es très actif. Redoutes-tu la panne d’inspiration ?
Non du tout. En fait c’est pas grave les pannes d’inspiration. Si ça arrive c’est que je dois remplir mon sac. Je dois regarder autour de moi et réfléchir. Puis ça fait partie du parcours d’un artiste, il ne faut pas paniquer ; ça sortira quand ça voudra sortir et c’est ça qui est beau ! À ce sujet, j’aime bien citer Gandhi (devenu G.A.N, ndlr), un rappeur belge que j’écoutais beaucoup quand j’étais petit. Dans un son il a dit : » “quand mon coeur passe aux aveux je découvre mes textes en même temps que vous”.
Dans tes morceaux, tu parles de pleurs et de pleurer à maintes reprises. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?
C’est une très bonne question. Déjà moi, je ne pleure pas souvent et j’aimerais bien savoir pourquoi (rires). Cela ne m’empêche évidemment pas de ressentir des choses, d’être triste, etc. Je pense que c’est le côté carapace difficile à enlever qui me freine. Par contre, je trouve que c’est beau quelqu’un qui pleure, c’est quelqu’un qui ose se lâcher, qui t’offre l’émotion la plus pure qu’il ressent.
En tant qu’artiste, ce que tu veux avant tout c’est transmettre des émotions. Pour ce faire, tu passes beaucoup par l’aspect visuel avec des clips, des longs-métrages… D’autres projets du genre verront-ils le jour ?
Oui c’est sûr. Globalement j’aime être inventif pour qu’il se passe quelque chose du côté auditeur. Du coup, aucun intérêt de sortir un clip bâclé. Je profite de ce canal pour raconter d’autres choses, tenter des trucs, être ambitieux et pour le moment j’adore ce qu’on a sorti ; c’est beau et cohérent. Mais à l’avenir j’ai envie d’aller encore plus loin, au risque de tourner en rond dans le domaine de la fiction sociale qui est lié à ma musique ; j’ai envie de surprendre.
Si le côté visuel te plaît autant, peut- on imaginer te voir dans le 7ème art ?
Clairement oui ! Je prends de plus en plus de plaisir à faire de l’acting comme on le voit dans le dernier clip “Réalité Rap Musique” ou dans les clips “Mon frérot”, “parcours accidenté”. En plus je suis plein d’idées donc acting ou réalisation, ce serait mortel. En tout cas, il y a un temps pour tout et il y aura un moment pour ça. On n’y est pas encore.
Autre élément important pour toi : la scène. Nous échangeons d’ailleurs ensemble en direct de Paris car tu performes en live après notre entretien. Quel est le meilleur concert que tu aies donné ?
Oh, je ne peux pas répondre. Chaque concert est une émotion différente. Un live c’est un moment privilégié où le public me voit réellement et où il n’y a pas de filtre. Et ce n’est pas le lieu qui fait tout. Par exemple, à Nantes pendant la tournée d’écoute de “parcours accidenté” la session d’écoute a fini en concert avec 150 personnes alors qu’on était dans un bar avec des conditions techniques moindres mais.. il y avait une communion de malade !
Tu adores la scène, c’est indéniable. À choisir tu ne ferais que de la scène ou que du studio ?
Je ne peux pas choisir. L’un ne va pas pas sans l’autre. Mais s’il faut vraiment choisir je prends le studio car sans studio je n’existe pas (rires). Attention par contre, la scène c’est important pour moi. Je vois ça comme une récompense de mon travail. Et c’est un moment spécial, magique… je ne connais personne qui n’a pas le trac avant de monter sur scène. C’est un honneur de pouvoir monter sur scène, des gens payent pour venir te voir alors la moindre des choses c’est de leur rendre.
Pour parler actus à présent : en 1 an et demi tu as sorti 3 projets dont 2 qui sont espacés de 5 mois. Par ailleurs, un nouveau projet arrive en juin, à peine 3 mois après le dernier en date. Comment expliques-tu cette productivité ?
C’est simple. Je venais de finir “parcours accidenté” et j’avais encore des choses à raconter. Avec mon manager Ludo, on a senti qu’on était dans une bonne dynamique et on est partis sur un arc de 3 EPs car il fallait délivrer ! Donc avril c’était “Realité Rap Musique Vol.1” et juin c’est “Réalité Rap Musique Vol.2” que j’ai d’ailleurs rafalé (rires) ! J’avoue que ça marche en ce moment, on a fait beaucoup de sons donc tant mieux ; la musique est toujours sincère, je la kiffe donc let’s go c’est juste le bon moment pour envoyer.
Je pense que le format EP aide aussi. Tu peux être beaucoup plus rapide en fait. C’est pour ça que maintenant je produis en flux tendu et j’adore ça ! Par exemple, à l’heure où on se parle, le projet sort dans un mois et je viens de finir des morceaux qui paraîtront dessus.
SCH a vendu son projet Rooftop comme un moyen de bien patienter entre Julius 1 et 2. Tes EPs “Réalité Rap Musique” suivent-ils le même schéma ?
Non, vraiment. “Réalité Rap Musique” c’est juste l’étape d’après. Chaque projet est plus incroyable que le précédent, chaque morceau est une frappe, un morceau que j’offre à mon public et que j’aime comme mon enfant (que je n’ai pas encore) ; il n’y pas de calcul ni de stratégie.
Parler d’enfants permet de faire la transition parfaite sur un autre thème qui revient souvent dans tes morceaux : la famille. Ta famille t’a-t-elle aidé à devenir l’artiste que tu es aujourd’hui ?
Elle m’a plus qu’aidé ; elle a fait de moi la personne que je suis maintenant et vu que ma musique c’est réalité rap musique… il n’y a aucune différence entre la personne et l’artiste. Cependant je n’arrive pas encore à dire à quel point, je n’ai pas fini ma réflexion là-dessus mais pas grave, ça m’aidera à faire d’autres morceaux (rires) !
Plus jeune tu voulais devenir journaliste, notamment grâce à ton grand-père qui l’était. Qu’est-ce que ça fait de se retrouver de l’autre côté pendant une interview ?
En effet, très belle anecdote, vous régalez. Pour répondre, il faut savoir que je n’ai jamais été journaliste donc je n’ai connu qu’un côté finalement. A ce propos, je n’ai aucun mal à me dire que je suis un artiste, que c’est moi qu’on écoute, comme je le dis dans un morceau. Mais ça n’a pas toujours été le cas ; je ne me sentais pas légitime de m’exprimer en tant qu’artiste. Maintenant je l’ai un peu plus compris.
“Plg” veut dire “pour la gloire”. Fais-tu du rap pour la gloire ?
Oui et non. Il faut juste bien comprendre ce que j’entends par gloire. Pour la gloire c’est pour la beauté du geste, le symbole, pour se faire de beaux souvenirs. La panenka de Zidane en 2006 c’est pour la gloire, il aurait pu tirer fort au milieu (rires). Pour la gloire c’est faire des choses qui ont du sens et dont on se rappellera, aucun rapport avec l’argent.
“Pour la gloire”, c’est également le nom de ton label. Quelles sont les ambitions pour le futur ?
Bonne question, le temps nous le dira. En tout cas, je ne souhaite absolument pas m’éparpiller. Il y a encore BEN plg à bien développer ; on grandit doucement, on a des propositions, on essaie de faire placer nos producteurs par ci par là, etc. bref on est concentrés sur le présent, le reste on verra bien.
La seule question à long terme que j’aime me poser tous sujets confondus est : qu’est-ce qui me rendrait heureux là maintenant ? Et quand j’y avais réfléchi, indépendamment de ma famille, ma copine, mes amis, mon travail.. je m’étais dit que ce serait de retourner au Vietnam (BEN plg y est allé lorsqu’il était éducateur pour enfants en situation de handicap, ndlr). Je trouve que c’est important de se poser cette question, car c’est important de kiffer la vie tout simplement !
Pour le public qui ne te connaît pas encore, peux-tu nous faire un top 5 des morceaux à absolument écouter pour te découvrir ?
C’est dur, ça change tout le temps. Mais je vais jouer le jeu :
- Vivre et mourir à Dunkerque
- Wesh
- Quand les lumières s’éteignent
- Mauvaise nouvelle (single sorti il y a quelques jours pour promouvoir Réalité Rap Musique Vol.2 et rebondir sur l’apparition dans la série Netflix “Nouvelle École”, ndlr)
- Mon frérot