Luidji : l’art de romancer (des souvenirs)

Après son plus gros projet « Tristesse Business : saison 1 » sorti il y a 1 an et demi, Luidji fait son retour avec « Boscolo Exedra ». Le projet est composé de cinq morceaux pour une durée totale de quinze minutes, et le titre fait référence à un hôtel niçois qui fut le théâtre d’une relation tumultueuse qu’a vécue le rappeur durant l’été.

En un quart d’heure, Luidji arrive à nous transporter sur la Côte d’Azur et à nous raconter cette histoire, qui l’a visiblement marqué.

Un format idéal

Quinze minutes pour un projet musical, c’est relativement court. Mais ici, c’est volontaire. Ce format exprime la durée de la relation entre Luidji et la femme concernée, qui a été une sorte d’amourette estivale. Logiquement, par rapport à une longue relation, il y a eu moins de moments partagés, donc moins de choses à raconter.

Cependant, court ne veut pas dire pauvre. Cet EP est pensé comme un album, il y a une construction logique où Luidji joue avec la chronologie de la relation pendant les quatre premiers morceaux. Sur Sirène, il évoque les prémices, où elle et lui flirtaient avant d’être à Nice « J’en peux plus du Vapiano de porte de Bercy, est-ce que tu connais le Boscolo ? ». Sur Le Rouge, il revient en arrière, où il était encore avec cette femme « T’aimerais qu’on s’empresse de, passer à la phase deux ». Sur ce même morceau, il parle au présent en se remémorant les moments passés avec l’expression « je me souviens ».

Au sein de ces quatre titres, il y a donc chaque étape de la relation : avant, pendant, après. Boscolo Exedra est très bien conclu grâce au cinquième titre éponyme, car Luidji réalise une sorte de bilan post-rupture « je l’aimais bien mais j’ai horreur de faire le domestique, donc elle repart avec un demi-smic », « je sais qu’elle ne m’oubliera pas ».

Le format du projet est donc en adéquation avec ce qu’a vécu le rappeur. L’histoire fut courte, quelques minutes ont donc suffi pour exprimer ce que Luidji avait sur le cœur.

De plus, le choix de la qualité plutôt que de la quantité a été fait, pour le plus grand bonheur des fans. Ce projet de quinze minutes s’écoute et se réécoute sans problème et aucun son n’est à jeter puisqu’ils font tous partie intégrante du storytelling.

La sincérité comme maître-mot

Dans la continuité de son précédent projet, Luidji a tenu à rester lui-même. Il met en musique seulement ce qu’il vit ou ce qu’il a vécu, notamment avec la gente féminine. C’est une réelle volonté de la part de l’artiste dans son processus créatif, et c’est pour cela d’ailleurs que sa discographie compte peu de featurings. Cette vision permet aux auditeurs de visualiser parfaitement les moments racontés, puis de s’y reconnaître.

Sur ce nouveau projet, cette vision est encore présente. D’abord via le titre du projet, qui est un lieu réel où Luidji a vécu des moments qui ont compté pour lui. Puis, il raconte des moments très personnels et très contextuels. Sur Manège par exemple, il raconte un moment précis mais qui peut résonner chez tout le monde. « Bien assise, elle expire la fumée en rapide, on rit comme deux démons dans la suite ».

A de maintes reprises et sur chaque morceau, il s’adresse directement à la personne concernée, comme sur le morceau Boscolo Exedra « Quand tu répètes partout que tu me connais baby ça me vexe ». En clair, cette sincérité dont fait preuve Luidji est le gros point fort de sa musique. Comme il le dit si bien dans Le Rouge « je ne mens jamais dans mes chansons ». Il se contente de partager des moments très intimes de son existence, et chaque auditeur se sent privilégié, comme mis dans la confidence.

Les états d’âme d’un homme

Chaque individu prend conscience à un moment ou un autre, de ce qu’il est en train de vivre ou de ce qu’il a vécu. C’est ce qu’on appelle les états d’âme. Avoir des états d’âme est quelque chose d’humain, et avant d’être un artiste, Luidji est un homme. La relation qu’il a eue reste dans son esprit et le fait beaucoup réfléchir. Il prend conscience de beaucoup de choses. D’abord, le rappeur s’est rendu compte que cette histoire n’est finalement pas anodine. Cela compte pour lui, il a tenu à réaliser un projet pour extérioriser tout ce qu’il ressent.

C’est comme si Luidji avait réalisé ce projet dans le but de revivre une relation et de repartir sur de bonnes bases. En effet, certaines paroles font penser à une déclaration d’amour comme « Tellement douce baby, même tes photos sentent bon ». Il y a beaucoup d’efforts et d’attention alors que la relation est terminée. Ce paradoxe fait donc émerger certains remords.

Ces remords lui font aussi prendre conscience de son attitude envers les femmes. Il sait qu’il peut les faire souffrir. Cela s’exprime surtout dans le premier morceau Mauvaise Nouvelle, titre qui indique que si Luidji rentre dans la vie d’une femme, c’est une mauvaise nouvelle pour elle… « J’arrive dans sa vie je fous le bordel ». La prise de conscience est telle, qu’il va même jusqu’à se comparer au diable : « Le diable s’habille en Prada, baby j’ai beaucoup de Prada ».

Après s’être rendu compte qu’il tenait encore à cette femme et qu’il devait changer d’attitude, Luidji a essayé de revenir vers elle pour recoller les morceaux, mais cette dernière a refusé. « J’ai essayé de revenir mais tu m’as barré, Dieu merci ». Dans la phrase qui suit, il indique qu’il n’a « ni haine ni regrets ».

Avec le recul, Luidji a des remords donc, car il a pris conscience de ses mauvais agissements, mais pas de regrets, sur la relation qu’il a eue. Il reste malgré tout un peu tourmenté à cause de l’amour et le démontre clairement à la fin du dernier morceau où il déclare « Je peux m’appliquer, respirer, j’ai toujours les mêmes problèmes, les mêmes histoires, les mêmes symptômes ».

Du soleil pour l’automne

Sur ce projet, le fond, rempli de paroles sincères et poétiques, est d’une grande qualité. La forme l’est tout autant. Premièrement, Luidji a réussi à créer un univers grâce au titre du projet qui porte le nom d’un hôtel niçois et la cover qui est une photo prise sur un balcon de ce même hôtel, sans doute au crépuscule. Avec ces éléments, l’auditeur fait un bond dans l’espace-temps et arrive à Nice sur le balcon d’un hôtel cinq étoiles en plein été, au coucher du soleil.

Ensuite, le plus dur pour l’artiste, est de garder l’auditeur dans cet univers tout au long du projet, mais il y arrive très bien en proposant des sons mélodieux grâce à sa voix charismatique ou en utilisant des sonorités douces, qui collent très bien avec l’ambiance apaisante que dégage la cover. En effet, les percussions ne sonnent pas trap ; ce sont celles souvent utilisées dans la variété ou la pop. De plus, le BPM est assez lent sur chaque instrumentale pour amener un sentiment de relaxation que l’on ressent en vacances.
Produit par le très talentueux Ryan Koffi, le projet parvient à matérialiser plusieurs ambiances, tout en tenant les critères énoncés précédemment dans le but de maintenir l’auditeur dans son univers. Certains morceaux sont plus mélancoliques comme Mauvaise Nouvelle et Le rouge et d’autres sont plus « chill » comme Sirène ou Boscolo Exedra.

Dans tous les cas, Luidji sera resté fidèle à lui-même en racontant des histoires qu’il a vécues et qui le suivent encore aujourd’hui. Il aura aussi réussi à faire voyager ses auditeurs en été et au soleil, le temps de quelques instants ; des instants qui s’avèrent précieux lorsque l’automne bat son plein, synonyme de pluie et de froid.

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