Médine annule le Bataclan : les rappeurs français ont-il perdu leurs couilles ?

Ça y est. Il a fini par céder. Après avoir été dans l’œil du cyclone médiatico-politique pendant de nombreuses semaines, Médine fait finalement marche arrière et annule ses dates prévues au Bataclan. Et ce n’est que la dernière d’une longue série de débâcles infligées au rap français.

Genèse du scandale

En 2002, Médine sort l’album intitulé Jihad, le plus grand combat est contre soi-même, un album de bonne facture, avec notamment le titre du Panjshir à Harlem, storytelling poignant qui établit un parallèle entre la vie du commandant Massoud et celle de Malcolm X.

En 2015, il sort le morceau Don’t Laïk, duquel sont extraites les paroles suivantes : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha / Le polygame vaut bien mieux que l’ami Strauss-Kahn. »

C’est en annonçant deux concerts prévus pour fin octobre 2018 au Bataclan, que Médine va déchaîner les foules. Le point de départ est l’extrême-droite, qui à grands coups de relais de tweets, d’interpellations de députés sur Twitter et de trending topics, enflamme la mèche. Cela sera par la suite récupéré par les médias TV et les politiques, tous bords confondus.

Médine résiste à la tempête médiatique et affirme à l’époque « Va t-on laisser l’extrême droite dicter la programmation de nos salles ? ». Les programmateurs de la salle, inflexibles, contribuent à fatiguer l’extrême-droite qui espérait une attaque coup-de-poing avec annulation des organisateurs à la clé, comme ce fût le cas pour Black M. Le soufflet finit par retomber après plusieurs semaines de polémiques.

Puis le 21 septembre 2018…

L’Arabian Panther se couche

Medine annule le Bataclan

Après avoir tenu et alors même que le souffle était clairement retombé, la nouvelle tombe le 21 septembre. « Par respect pour les familles » Médine annule le Bataclan et jouera à la place au Zénith de Paris. Pour un personnage qui a toujours aimé la provocation, cette manière de faire profil bas face à l’extrême-droite a de quoi étonner.

Comme expliquer que le rap, genre musical subversif par excellence soit à ce point sensible à la pression extérieure ? Il faut rappeler que le rap est un genre musical un peu autiste, qui évolue en toute autonomie avec ses structures, ses codes, ses journalistes et ses initiés. C’est justement la raison pour laquelle il est si peu sensible à la pression extérieure.

Le groupe Sniper a maintenu ses concerts contre vent et marrées après avoir publié le très sulfureux « La France ». Ils étaient pourtant dans les mêmes circonstances que Médine : attaques de l’UMP et du FN, déferlement médiatique, rassemblements de nazis devant leurs concerts, menaces de mort…

Alors, pourquoi ?

Le rap : un genre musical qui s’édulcore de plus en plus

Une telle débâcle s’explique par un facteur essentiel : celui de la gentrification.

Le fait que le rap devienne une musique de plus en plus grand public (dans les charts, dans les télés, dans les radios, dans la presse) pousse ses auteurs à lutter contre le moindre dérapage et à protéger leur image, afin d’être toujours bankable.

Il y a dorénavant trop de risques à sortir des clous, trop d’argent en jeu, et imaginer en 2018 un groupe, un peu à la manière de La Rumeur, critiquer ouvertement et frontalement l’Etat policier, est inimaginable. Si auparavant, il était plus facile d’être dans une optique d’assumer ses propos et de continuer contre vents et marrées, l’optique a changé de nos jours. Les rappeurs sont désormais dans un calcul coût/avantage. Combien cela va me coûter en termes d’image, de partenariats, de risques et combien cela me rapporte en termes d’avantages ?

Si Médine courbe l’échine, c’est parce qu’il sait que faire effectivement cette date au Bataclan serait beaucoup trop dommageable pour son image. Si Black M poste une photo de son grand-père tirailleur et affiche son amour de la République (cette même république qui l’a interdit de concert) en réaction à son annulation de concert à Verdun, c’est également pour ça. Sauver les meubles et préserver une bonne image, quitte à se victimiser un peu. Car le cyclone médiatique intervient avant l’événement, pendant mais également après.

Ils sont devenus sages nos rappeurs maintenant.

Tibbar
Tibbar
Do you fools listen to music or do you just skim through it ?

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