Médine – Médine France

Critique

À quelques jours de la composition d’un nouveau gouvernement, suite au second mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, le futur challenger d’Edouard Philippe a sorti Médine France. Avec pour seul programme, la promesse d’avoir zéro featuring dessus. Surprise qu’il n’avait plus tenu depuis son EP Démineur en 2015.

Dans le but de s’essayer seul, à différents styles ou rester aussi authentique que sur sa pochette ? C’est-à-dire un face-à-face avec bon nombre de gens, sans artifice et en dévoilant son état-civil. Ce neuvième long format est une nouvelle fois le moyen de nous démontrer l’adaptation cyclique de Médine. Les temps changent, mais le constat est identique, du meilleur, comme le pire, de la France au reste du monde. 


Est-ce que l’État nous protège ou l’État se protège de nous ? [Médine France]


L’intégration sociale reste la toile de fond de sa musique. Il a beau enfoncer continuellement des portes ouvertes, il le fait toujours avec joie. L’avantage de sa part, c’est que tout le monde y passe, avec une vision moins manichéenne que par le passé. À se demander si le monde tourne mal ou si Médine passe son temps à tourner autour, afin de scruter le moindre défaut.

Au même titre qu’un Soprano, une filiation qui date de l’époque Din Records / Streets Skillz, Médine use toujours à l’excès du namedropping. Particularité présente dès l’entrée dans l’album et bien entendu tout le long. Il arrive parfois discrètement, avec un clin d’œil à Despo Rutti sans le citer : chaque fois que je prends position, je perds des proches

Sa volonté de ne pas avoir d’invités donne quelques morceaux creux (Allons zenfants, L’école 2 la vie), même si on ressent l’envie d’être polyvalent, l’objectif n’est pas atteint. C’est systématique lorsqu’il essaye d’alléger ses propos, en s’adressant aux plus jeunes, sans convaincre. Par contre, il réussit son coup en décrivant leur quotidien dans Ratata [produit par Le Motif et Redzol]. Chaque producteur fait la différence, en conservant une cohérence collective.


Entre un élu LR un élu RN je préfère voter pour un caddie Lidl [Saint Modeste]


L’enchaînement des titres est un sans-faute, aucun malaise auditif, malgré des productions ordinaires. À moitié surpris d’entendre la signature sonore d’un Junior Alaprod (La puissance du port d’Havre), tant la volonté des artistes est la sortie de leur zone de confort. Si le rappeur du 76 excelle sur ce genre de morceau, il n’oublie pas d’être démesuré : ici on n’aime tellement pas les balances qu’on ne veut pas être témoin de mariage… 

Comme ailleurs, il y a du bon et de l’anecdotique chez Médine. Le meilleur exemple est Perles d’insta [Kaonefi], une mise au point dispensable. À travers ce qu’il partage sur le réseau, son statut d’influenceur se retourne contre lui et offre du grain à moudre pour ses basheurs. On peut comprendre l’intérêt personnel de leur répondre, mais un post ou plusieurs auraient suffi. Ce n’était pas nécessaire de s’y attarder longuement en musique.

Sur Médicis [ME6], il arrive à critiquer le monde du rap actuel, tout en reprenant à son compte, les codes pointés du doigt. Un titre réussi par sa durée (2:03) et le concentré de rap face au miroir. Sorte d’entrée avant le plat de résistance. Médine parsème son humour par des images grossières, mais bien emmenées.


Je leur pisserais même pas dans l’oreille si leur mémoire prenait feu [La France au rap français]


Il continue de régler ses comptes, notamment avec les chaînes d’infos en continu, en gardant le mérite de s’accrocher à ses idéaux. Avec moins de namedropping, en conservant l’utilisation des têtes d’affiche (Freeze, Niska, Naps) via leurs adlibs, le titre serait aussi subtil que la phase : bat les couilles de ta subvention / mets-la dans le budget de la Santé / toute façon les prières sont plus sincères à l’hôpital qu’à la mosquée. Tout est dit, ce trait de caractère peut correspondre à n’importe quel religieux. Bien entendu, un lieu de culte différent peut être remplacé à souhait. Un sentiment purement humain au final.

Dix-huit ans de carrière plus tard, il peut se permettre de faire le tri dans son Grenier à seum [Redzol]. Il en profite pour partager une expérience en maison de disques qui n’a pas abouti, sans la citer, alors qu’il passe son temps à faire des mentions. C’est un Médine plus mitigé sur la forme, car il est dans la lamentation.

Heureusement que les couplets purement rap restent au-dessus des refrains chantés. En référence à « Demain c’est loin », il revient encore sur son parcours (Hier c’est proche) et nous jette les défauts de certaines grandes figures de l’Histoire. Sorte de justification sur les erreurs que lui-même peut commettre et pour lesquelles il ne faudrait pas lui jeter la pierre. Médine est le thème principal de son propre album, loin d’une thématique trop ambitieuse qui écraserait sa musique. Il se définit comme une icône, à l’image de ses dernières pochettes.


Le luxe ce n’est pas le contraire de misère c’est le contraire de vulgaire c’est tout ce que je ne veux plus être : grossier dans ma façon d’être [Hier c’est proche]


Si le chaleureux Houri [Redzol] part d’un bon sentiment, car dédié à son épouse et abouti, M. Zaouiche ne peut s’empêcher de retomber dans ses travers, via un placement de produit ou une éventuelle annonce littéraire à venir (Perles d’insta). Tout comme le rappel de sa présence dans les livres d’histoire (Grenier à seum). Ce ne sont pas les faits qui lui sont reprochés, mais la manière dont il les partage.

Cela manque souvent de finesse, mais c’est ainsi qu’il s’est construit en tant que rappeur. D’ailleurs, la touche de Proof (critiqué par le passé) manque cruellement sur un son comme Gènéric [Éric Neveux]. Leur symbiose reste, à ce jour, remarquable. Médine donne une suite à l’un de ses premiers titres via L’école 2 la vie [Général et Tiers – pas là par hasard] son chant s’accorde à ce qu’il a pu entendre plus jeune, en guise de variété. Désormais, c’est ce qui correspond à un style de rap et mit en avant. Une preuve de plus, qu’il s’adapte, mais reste plus performant dans sa forme d’origine.

L’intitulé final Heureux comme un arabe en France [Make A Meal et Kaonefy] est osé, mais n’a pas de traitement particulier. Il le termine même en se justifiant. On peut ressentir quelques longueurs à partir de la dixième track, notamment à cause des instrus qui ne marquent pas. Le début de l’album est un quasi sans faute majeure. Médine est extrême uniquement dans ses précisions, ce qui n’est plus nécessaire. Avec le recul, bien qu’il soit rappeur, il renvoie contre son gré, une image faussement modeste. Fort heureusement, depuis qu’il est moins académique, une bonne partie de ses textes reste au-dessus de la mêlée. Un alliage perfectible du son et de l’écrit.


Aujourd’hui je supporte 95 kg de contradiction [Saint Modeste]


 

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