Travailleur et méritant, Ratu$ emprunte les chemins souterrains pour s’infiltrer petit à petit dans la métropole du rap français. Le rap « lessguill » se fait rapidement une place en apportant authenticité et technicité.
Une avancée légère mais certaine
Découvert par le grand public avec le morceau Velux sur la Don dada mixtape (sortie le 18 décembre 2020), Ratu$ est dans le rap depuis plusieurs années. Originaire du 93, de Pierrefitte-sur-Seine, il débute sa carrière au sein d’un groupe, sous le nom de Sekel. Les chemins des rappeurs finissent rapidement par se séparer et il décide alors de prendre une pause. C’est en 2012 qu’il choisit de se remettre dans la musique. Toutefois, à cette époque, le jeune rappeur multiplie les morceaux sans pour autant être satisfait de son travail. Cette exigence explique la raison pour laquelle aucun morceau ne sortira sur les plateformes.
Finalement, il attendra 2019 pour faire son retour, en feat avec 3010 et OG L’enf sur le titre Yamoussoukro, mais aussi en solo avec le titre Couille de loup. Celui-ci marque également le début d’une assez longue série, puisqu’il en sortira sept autres, le dernier Couille de loup VII datant de septembre 2020. Plutôt fan de ce format-là, il a d’ailleurs commencé une série de titres intitulés Grillade. « Peut-être que je vais en faire cinq, peut-être que je vais en faire six, on ne sait pas encore. On ne se prend pas la tête, c’est “lessguill”. On ne réfléchit pas, on fait et on prend. ».
Cette philosophie épicurienne et spontanée devient une réelle devise dans la vie de l’artiste. Elle explique énormément de choses, dont son nom de scène, ou encore son entourage musical. En effet, s’il a tranché pour le nom de Ratu$, ce n’est évidemment pas pour l’image repoussante du rongeur, mais essentiellement pour son caractère. Bien loin d’aimer ce rongeur intelligent et sournois, il parvient à s’y identifier. « C’était une définition assez rapide par rapport à l’homme que je suis dans la vie de tous les jours. J’ai l’habitude de dire que Ratu$ c’est moi, et moi, je suis Ratu$. Ça veut dire plein de choses en même temps, c’est vraiment moi. On fonce et on ne se pose pas de questions, comme un rat. »
La liberté d’un chemin musical discret et bien entouré
« Rattus norvegicus, le rat d’égout. Ils disposent d’un gigantesque réseau de conduites et de tuyaux qui leur permet de voyager à leur guise et de sortir où ils veulent et quand ils veulent. » (Intro du morceau ENTRETIEN)
La liberté qui semble l’accompagner au quotidien est notamment présente dans son entourage musical. Artiste depuis deux ans au sein du label Saboteur Records, fondé par Deen Burbigo et Eff Gee, il explique que tout part d’un groupe d’amis : « J’étais là avant que le label soit créé et je faisais partie du label. Avant d’être un label de musique, c’est une équipe de potes. ». Tout s’est fait naturellement, sans prise de tête. La collaboration avec Alpha Wann sur la Don dada mixtape s’avérait être la suite logique. « On se connaît tous, que ce soit l’Entourage ou tous les autres de l’équipe. On ne s’est pas posé de questions, c’était un projet fait en équipe. Alpha Wann a mis du temps à le faire et il n’y a pas un mec qui ne fait pas partie du groupe. Velux a été le dernier morceau enregistré et je l’ai fait en une heure. On était entre nous, on kiffait, tout s’est enchaîné directement. ».
Sa discrétion et ses apparitions modérées, par exemple sur le projet de 2zer ou sur le clip du morceau Immunité diplomatique de Deen Burbigo, reflètent aussi sa perception de la musique. « Il ne faut pas aimer quelqu’un parce qu’il fait partie d’un groupe, mais parce qu’il rappe bien. Ça ne sert à rien de s’afficher partout. Quand t’es un artiste, que tu crois en ton art et que tu t’appliques dans ce que tu fais, je pense que ta musique parle beaucoup pour toi. Se montrer juste pour se montrer ce n’est pas ce qui m’attire. ».
L’empreinte du rap lessguill
Permettant de confirmer ses ambitions, son projet Tout travail mérite salaire, sorti le 21 mai 2021, est le reflet de son attrayant savoir-faire. Les sept titres marquent bien la singularité du rappeur, tant au niveau de sa plume que des instrumentales choisies. Tout est centré autour de valeurs morales essentielles pour le rappeur, comme l’amitié, la confiance, la liberté. Le projet est travaillé et réfléchi depuis plusieurs années. « Tout travail mérite salaire est une réflexion depuis que j’ai repris le rap en 2013. Je savais déjà comment je voulais que ça se passe et comment je veux que ça se passe pour deux-trois ans. J’ai un planning. Tout était déjà préparé, ensuite, j’ai approfondi le délire pour que les gens se l’approprient et comprennent le message. ».
Pur amateur de rap français, l’influence de Salif, le Rat Luciano et Despo Rutti, a façonné son identité musicale. Très peu chantonnée, elle se caractérise davantage par un kickage cru et maîtrisé. « Je le qualifierais de lessguill. C’est du rap lessguill. Ça veut dire beaucoup de choses. Il n’y a que moi qui fait ça et personne d’autre. ». Plus qu’une simple plume ou empreinte musicale, la musique proposée par Ratu$ devient le miroir de sa philosophie, de son état d’esprit. La liberté artistique qu’il s’accorde n’a pas de limites, ce qui lui permet notamment de modeler ses performances, en proposant des morceaux plus planants comme NOUVEAU POSTE.
Plusieurs artistes se sont d’ailleurs joints à lui sur cet EP : Olazermi, Crones, Alpha Wann, Infinit’, KSA et OG L’enf. Ces collaborations se présentaient comme une évidence, tous faisant partie de l’entourage proche de Ratu$. « Les feats ont été faits en famille. On s’est retrouvé au studio ensemble et on a fait un feat. ». L’alchimie est manifeste, elle contribue même à la qualité apparente et constante du projet.
Pour la suite, il faudra rester sur ses gardes, car une nouvelle mixture devrait bientôt faire son apparition. Le plan que le rappeur s’était imaginé continue dans sa lancée : « Tout est en train de s’aligner comme je le voulais. Si tout se passe bien, tout sortira bientôt et ce sera régulier. ».
