En s’imposant une productivité loin d’être nécessaire, Trippie Redd ralentit sa progression et ne parvient pas à franchir le cap de l’album.
Hommage à « ? », dernier album que XXXTentacion a réalisé de son vivant , « ! » est également une abréviation pour « Immortal ». Un sentiment d’invulnérabilité chez Trippie Redd qui a suivi le destin tragique et les déboires judiciaires de ses sparring-partners XXXTentacion et 6ix9ine. Dernier survivant de ce trio infernal qui a alimenté les réseaux sociaux des mois durant, Trippie Redd ne réussit pas à faire de ce destin une ressource créative suffisante et ne parvient pas non plus à en tirer profit commercialement. Conséquence d’un essoufflement naissant chez l’artiste.
Un début de carrière très productif
Il faut dire que depuis son explosion en mai 2017 avec « A Love Letter To You », Trippie Redd ne rechigne pas à gâter ses fans avec de nombreuses sorties. « ! » est son cinquième projet majeur sur une période d’environ deux ans et le rappeur a déjà annoncé la suite avec la mixtape Mobile Pussy Suit prévue pour fin 2019. Une hyper-productivité qui sied à l’époque mais qui semble surtout ne plus servir la musique de Trippie Redd à ce stade de sa carrière. Si l’enchaînement de ses premières mixtapes lui a permis de s’imposer rapidement comme une valeur sûre de la nouvelle scène, elles ont aussi démontré que Trippie Redd avait les moyens de créer une musique plus ambitieuse et moins éphémère que celle de ses compères. Seulement à condition de s’en donner les moyens et d’y consacrer le temps nécessaire.
En parallèle de ce défaut d’omniprésence, la musique de Trippie Redd commence sérieusement à tourner en rond sur cet album. Il retente d’abord la petite excursion EDM en collaborant avec Diplo sur le titre éponyme. Coutumier du fait – on pense à son featuring avec Alison Wonderland, mais surtout à « Wish » le premier titre qu’il avait fait avec Diplo – Trippie Redd se noie cette fois sur un morceau qui rappelle les plus mauvaises tentatives de mélange entre EDM et Rap. « Mac 10 », autre single, a beau être un plutôt bon morceau, il est on ne peut plus générique avec les apparitions de Lil Baby et Duke et ne rend pas hommage à la versatilité de Trippie Redd. « Under Ennemy Arms » et ses cuivres victorieux rappelle « Dark Knight Dummo » qui avait lui aussi lancé la promotion du précédent album avec une démarche artistique et visuelle similaire. « Throw It Away » symbolise parfaitement un manque d’idée et fait partie des love songs typiques de Trippie, cette fois sans aucune saveur et avec une écriture des plus limitées.
Un manque de maturité ?
Trippie Redd semble refuser d’évoluer et fuir la maturité artistique. Autre défaut de maturité – personnelle cette fois – quand il lâche « And if you can’t, on God, nigga kill yourself » sur « Be Yourself » alors qu’il venait tout juste de lancer un appel contre le suicide sur le morceau précédent. Trippie Redd est plein de contradictions et joue à l’emo-rappeur par intermittence. Il nuit aussi à la lisibilité de son album quand il décide d’en supprimer le morceau avec Playboi Carti, l’un des meilleurs de l’album, quelques jours après la sortie. Il réussit par la même occasion à se rendre détestable aux yeux de tous ceux qui ne sont pas acquis à sa cause ou à sa musique.
On peut facilement en conclure qu’après Life’s A Trip l’an dernier, Trippie Redd ne parvient toujours pas à nous offrir le grand album tant attendu. On pourra toujours en apprécier sa volonté de sincérité, lui qui l’a qualifié comme étant « le meilleur album qu’il ait jamais fait » et affirmant y avoir mis tout « son cœur et son âme ». Trippie Redd demeure un artiste à fort potentiel avec une réelle vision artistique et des capacités vocales incroyables. Sa versatilité est un véritable atout et ne se limite pas à citer des noms d’artistes punk/rock en interview, il sait rapper et respecte ses aînés. Le morceau qu’il décide d’intituler en hommage à l’une de ses plus grandes influences – Lil Wayne – et celui où il invite The Game vont dans ce sens et sont sans conteste les meilleurs passages du projet.