Booba – ULTRA

Critique

Il n’y a pas grand chose à dire sur ULTRA qui n’ait déjà été dit sur Trône, son précédent album. Pour un artiste si désireux d’asseoir sa domination, si déterminé à prouver son statut de superstar dans une industrie moribonde, Booba ne prend étonnamment aucun risque pour faire quelque chose de réellement différent.

Une recette arrivée à saturation

Booba se refuse à sortir de sa zone de confort. Largement conforté par ses chiffres de ventes, il n’a rien à y gagner. C’est pourquoi Booba propose ici si peu de choses qui ne se retrouvent pas déjà sur son précédent album.

Mais y a t-il quelque chose de plus ennuyeux au monde que de se retrouver coincé avec une personne racontant inlassablement la même histoire ? Sur les 4 dernières années, Booba a dangereusement flirté avec cet écueil. Sur ULTRA, la glace se fissure et Booba nous plonge la tête la première dans les profondeurs glacées de l’ennui et du désespoir alors que les 14 morceaux de l’album vont et viennent avec les mêmes facilités et les mêmes productions monochromes.

Et si auparavant, chaque morceau de Booba en solo se suffisait à lui-même, les apparitions d’invités sont à présent une bouffée d’air frais, ainsi qu’une bénédiction déguisée. Le couplet de SDM, arrogant et incisif, tranche violemment avec un Booba léthargique et à bout de souffle. Bramsito insuffle l’amplitude manquante à Dernière Fois et Elia, si juste, démontre (par ricochets) sur Grain de sable les grossières erreurs de notes et de placement de Booba.

Qu’il s’agisse de l’écriture ou du chant, Booba n’a plus de réels points forts. Ses interventions sont tâtonnées, du mieux qu’il le peut, sans jamais donner l’impression de réellement maîtriser son sujet. Il n’est plus capable d’écrire des lignes mémorables et s’acharne à le prouver, tout au long de l’album. Booba partage ses nouvelles préoccupations (réseaux sociaux, environnement, GAFA…) sans réellement parvenir à susciter un quelconque intérêt. Trouver une phrase marquante s’apparente désormais à chercher une aiguille dans une botte de foin, et assez tristement, les phrases que l’on retient le plus sont celles qui sont gratuitement outrageantes.

La technique en prend également un coup. Inutile de s’époumoner à chercher des multisyllabiques, ici où faux lover rime avec followers. En réduisant drastiquement la longueur de ses mesures et de ses morceaux, Booba se compresse dans ce format streaming qu’il affectionne si bien, au détriment de sa propre écriture.

Une obsession pour le chant à double tranchant

Booba a longtemps brouillé la frontière entre rap et chant, au point que ce dernier prévaut sur cet album. Son flow conserve la plupart du temps sa cadence post-PGP, ainsi que sa part de punchlines ringardes (« Avec des scies, on coupe du bois, avec des Omar Sy aussi »; « Niquez-vos-grands-mères.fr, tiens, c’est le lien »), mais il n’apporte pas grand-chose de nouveau ou de surprenant. Le timide sursaut d’orgueil que constitue l’introduction GP fera, à ce titre, office d’exception.

La faiblesse de conception des mélodies d’ULTRA se fait d’autant plus ressentir que celles-ci constituent la majorité des morceaux de l’album. Booba ne parvient pas à composer de mélodies efficaces, et se contente désormais de 2/3 notes dissymétriques assemblées paresseusement et fredonnées tout le long du morceau (VVV, Vue sur la mer, 31).

Des productions étonnamment faibles

Plus surprenant cette fois-ci, l’étonnante fadeur des productions. Ici, Booba a fait le choix de laisser la place à plusieurs producteurs peu connus du grand public. Si ce choix a pu s’avérer payant par le passé, ici, le résultat est beaucoup plus terne. Plus proches du type beat que d’un véritable travail soigné de production, la faiblesse musicale des beats, souvent armés d’une structure binaire, ou loopée sur 3 notes (L’olivier, Azerty, 31), s’éloigne radicalement du maximalisme d’un PGP ou de la mélodique savoureuse d’un 113.

Ici, pas d’élément particulier savoureux, en dépit de quelques coups audacieux réussis (le switching de Dernière Fois, le sample du morceau éponyme), mais qui restent beaucoup trop minoritaires et rares. La surreprésentation du piano/voix, sans réel pattern de notes différenciant n’aide pas.

Bien sûr, Booba pourrait faire mieux. Mais pourquoi le devrait-il ? Sa recette aura marché jusqu’au bout : à sa sortie, ULTRA a immédiatement dominé les charts de streaming. Et Booba semble habiter un monde où le succès commercial l’emporte sur tout. Le fait que ce ne soit pas un indicateur de qualité semble toutefois encore lui échapper.

Tibbar
Tibbar
Do you fools listen to music or do you just skim through it ?
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