La discographie de Booba, classée

Il y a 25 ans, un jeune homme de 17 ans répondant au nom d’Élie Yaffa commençait tout juste à faire parler de lui. Gravitant à l’époque autour des Sages Poètes de la Rue et du Beat de Boul, celui qu’on appelle désormais Booba arrivait dans le rap un peu par hasard, sous l’impulsion d’Egosyst de La Cliqua, qui l’aura presque forcé à rapper. Heureusement. Mais Booba doute de sa voix et de son écriture. Il faudra qu’Egosyst lui écrive un texte pour que le jeune Élie s’essaie véritablement au rap. Il formera très vite avec « Daddy Ali » le groupe underground « Lunatic ».

Le succès continu des apparitions du jeune B2O fait boule de neige et sa popularité est devenue si forte qu’une guerre d’enchères entre différents labels sur le nouveau roi du rap s’est ensuivie. Niet. Booba souhaite rester indépendant. Ses débuts en solo, ses titres « Ma définition » ou « Avant de partir », lui ont permis de monter en flèche dans les charts. Depuis lors, le magnat du hip-hop n’a cessé d’évoluer : enchainant les certifications, le respect de ses pairs et créant sa propre ligne de vêtements.

Tel le roc, Booba semble ne pas subir l’épreuve du temps. Sa discographie est même sur la pente ascendante en termes de popularité. La recette ? Un état d’esprit combattif impressionnant, un refus de la léthargie et un choix de veille constante, à l’affut de la moindre évolution. Voici l’évaluation des meilleurs albums de Booba, du pire au meilleur, proposée par les rédactions de 1863, Raplume et Thésaurap.

9. Trône

Trone, 9eme meilleur album de Booba

Producteurs : Arengers, Keezy Beatz, Heezy Lee, Twinsmatic, Dany Synthé, AFOX Beats, Jack Flaag, Sidiki Diabaté, 7L’s & DJ Easy, X-Plosive, DavBeatz, Jack Flaag
Featurings : Gato Da Bato, Sidiki Diabaté, Niska, Damso

Trône est l’album le moins réussi de Booba. Il faut dire qu’être le catalyseur de toutes les attentes n’aide pas. Surtout lorsque ces attentes extrêmement élevées sont revendiquées par l’artiste lui-même. L’impériale introduction Centurion agit en trompe-l’œil et n’est pas à l’image de l’album dans sa globalité, qui est beaucoup plus hétérogène et diminué.

Avec ses 15 titres, Trône comporte des hauts et des bas. Nougat, Terrain ou 113 satisferont les fans à la recherche de rap pur et dur, mais il faut reconnaitre que ce ne sont pas les meilleures performances rappées que nous ayant entendues de la part de Booba. L’album donne l’impression d’être un gigantesque terrain de jeu, avec des moments forts pas assez forts pour être considérés comme de nouveaux sommets ajoutés à l’impressionnant catalogue de Booba. Il n’y a pas de morceau de la trempe d’un 92i Veyron ou d’un Tallac sur Trône. Le niveau général semble s’être abaissé, les lines devenant plus génériques et les coups d’éclat plus discrets.

Si l’album est loin des aspirations guerrières que son titre laissait présager, c’est en grande partie à cause de son contenu. Booba donne une impression de laisser-aller, de zone de confort de laquelle il refuse de sortir. Trône est un album qui ne se réécoute que très peu au fil des années, et qu’il est difficile à classer à une autre place que bon dernier dans la discographie de Booba. Attention, car à trop dormir sur le Trône, on risque le coup d’état.

8. 0.9

0.9, 8eme meilleur album de Booba

Producteurs : DJ Medi Med, Therapy, Phrequincy, Animalsons, Oneshot, Dream Touch, BKS, Haze, Street Fabulous
Featurings : Bram’s, Mala, Rock City, Djé, Demarco, Naadei

0.9 est l’album le plus clivant de Booba. Une mise en contexte s’impose. Après 3 énormes réussites en solo (Temps Mort, Panthéon, Ouest Side), 0.9 arrive comme un OVNI. En 2008 l’autotune n’est pas répandue, surtout en France. Booba est un précurseur, mais quand on découvre, quand on est le premier, on peut faire des erreurs. L’album a des points faibles, des morceaux pas maîtrisés. 0.9 est peut être le projet le plus important de sa seconde carrière; celui qui va amorcer le reste du nouveau Booba mais aussi un de ses moins bons albums. Les productions, qui pour l’époque sont novatrices, sont maintenant vieillottes.

Booba dicte ce qui va se faire dans les années à suivre. 0.9 est un album de général conquérant, et le futur l’a consacré comme roi seul et unique malgré des pertes sur le champ de bataille. L’avenir appartient aux visionnaires, Booba en était un. Mais si l’on prend 0.9, et que l’on enlève son influence et son avant-gardisme, cela devient l’un des moins bons albums du DUC, celui avec le plus de déchets. Une des moins bonnes intro, le morceau Soldats est un loupé, une autotune encore poussive, bref des choses à revoir. Finalement 0.9 reste un bon album mais pas de la trempe de Booba.

7. D.U.C

D.U.C, 7eme meilleur album de Booba

Producteurs : X-Plosive, Richie Beats, The Angels, DSTprod, HiStakes, Joe Mike, 1712 Beatz, SuperStaar Beat, HiStakes, Wealstarr, DJ Easy, Le Motif, Chris.B, Mem’s, Soulayman Beats
Featurings : Future, Jeremih, 40000 Gang, Bridjahting, Gato, Farrukho, Mavado, Lino

L’année 2015 est considérée unanimement comme une année charnière pour le rap français. Nécessairement, ce doit être une année importante pour celui qui a marqué de son empreinte 15 ans de rap français. Et 2015 a en effet été une année à part. D.U.C est un album bâtard. Il n’est pas le brouillon de Nero Nemesis, ce à quoi on le résume trop souvent. Mais il faut reconnaitre qu’il est difficile de voir où Booba allait.

Enchainement de sons à la cohérence relative, au point qu’on compte presque autant de producteurs que de morceaux, on ne sait jamais sur quel pied danser. Sur D.U.C, Booba vide son chargeur dans toutes les directions, conscient probablement des changements en cours mais sans avoir réussi à le canaliser dans un projet – il le fera quelques mois plus tard. On le trouve à surfer sur le répertoire qu’il a imposé post-Futur 2.0. Et puis voilà qu’il tente sa chance sur de l’extra autotuné. Il ajoute encore de l’agressivité à son flow puis en cherche un nouveau avec des tentatives hyper remarquables comme 3G ou Tony Sosa. Il tente cette nouvelle construction où les phrases sont encore réduites, où l’autotune devient un élément de flow (et plus un simple créateur de mélodies) et où les punchlines doivent devenir des memes.

Et là…Temps Mort 2.0. Surprise et extase du côté des fans de la vieille école, d’autant plus que le Duc s’accompagne de Lino. Échec pour certains, rencontre au sommet pour d’autres, la seule chose certaine est que les deux MCs se la donnent avec la hargne des anciens. Pourtant quelle est la pertinence d’un tel son sur un album de Booba en 2015 ? On l’aurait bien plus vu sur le Requiem de Lino sorti la même année. C’est tout le paradoxe de D.U.C. À qui Booba cherche t-il à s’adresser ? Que cherche-t-il esthétiquement ? D.U.C aurait dû être une mixtape. On y trouve des brouillons de génie et des moments de grâce clairsemés dans une forêt impénétrable. Sur D.U.C, Booba vient faire une démonstration. Pas encore prêt à changer d’ère, il parvient cependant à rappeler qu’il n’est pas mort, loin de là.

Il est impossible de dire que Booba est mauvais sur D.U.C. Ses performances sont au niveau et il est en maitrise pleine et totale de ce qu’il fait – à part sur quelques tentatives qui nécessitent encore du travail. On le sent hargneux comme Tyson en deuxième reprise, déçu de ne pas avoir laissé son adversaire à terre. Et D.U.C pue la hargne, ce qui en fait un album hyper remarquable, bien plus même que 0.9. Un album bâtard qu’on vous disait…

Et puis tout le monde sait ce qui a suivi. Tyson a étalé la concurrence une fois encore.

6. Lunatic

Lunatic, 6eme meilleur album de Booba

Producteurs : Haze, Therapy, X-plosive, Martians Productions, J-FASE, Nick BZ, S2keyz, Sammy Bagdad, Animalsons, Ryan Leslie
Featurings : Diddy, Akon, Bram’s, Mala, Dosseh, T-Pain, Ryan Leslie

Culotté de nommer son album comme le groupe qui l’a vu naitre. Le culot et l’arrogance sont les deux termes qui dirigent Lunatic. Dix ans tout juste après son arrivée dans la lumière, Booba écrase sa semelle sur la concurrence. Alors que le rap est un champ de bataille sur fond de crise du disque, Booba l’américain sort la tête haute. Sur 0.9, Booba cherchait déjà à s’éloigner de l’esthétique du rap de rue des années 2000 par le biais du vocoder, pour un résultat encore décrié. Sur Lunatic, il va directement puiser dans la trap d’Atlanta alors en train de déferler sur les US. Il s’entoure pour ça d’un pool de producteurs avec en maitres d’œuvres les gars de Therapy, véritables architectes du son trap et drill en France au début de la décennie, et Haze.

Si d’autres s‘étaient déjà essayé au son d’Atlanta, il faut reconnaitre que c’est Lunatic qui l’impose. L’album est long. Booba s’essaie à toutes les vibes d’outre atlantique, plus chanté (Killer), plus club (Abracadabra), pur gang trap (Saddam Hauts-de-Seine)… Sur le plan des flows aussi, Lunatic est un tournant. C’est là que Booba perfectionne son travail de punchline. Il réduit au minimum ses phrases, lie les mots entre eux sans plus chercher de schémas de rimes complexes. L’objectif est d’imposer une claque à chaque mesure. Plus que d’autres, Booba avait déjà cet art de la phrase cisaillée, concise et il lui a suffi de poursuivre sur cette voie pour entrer dans la nouvelle décennie. Lyricalement, Lunatic est la seconde naissance de Booba. S’il parvient encore à faire part de ses sentiments, il devient la montagne de muscle ultra-hétéro et violente qu’on connait aujourd’hui. Le thème de l’album est l’ego du Duc, rien d’autre. Poussant au maximum le curseur sur les métaphores sans queue ni tête qui n’ont d’autre objet que de créer une image monumentale.

Lunatic est un aboutissement et un point de bascule. Booba a toujours voulu être américain. Les années 2000 sont remplies d’expériences allant dans ce sens (Boulbi en tête, 0.9…). Pourtant, c’est dans Lunatic que Booba arrive enfin à prendre une tendance encore naissante pour s’y intégrer organiquement. Lunatic est un album de trap pur. On ressent encore le rap français qui perle entre deux lyrics mais l’essentiel est là : Booba vit à Miami, il est loin de cette scène qui l’a tour à tour méprisé puis idôlatré. C’est à partir de Lunatic que Booba consolide son personnage de gangster entrepreneur inaccessible. C’est aussi à partir de ce moment qu’il écrase sans conteste tous ceux qui se dressent sur son chemin. Lunatic peut se réumer à un seul phénomène. Alors qu’on ne trouve évidemment aucun feat avec Ali, le son éponyme est en featuring avec Akon. Le passé est mort. Booba est le Duc, il vit à Miami, il domine, seul mais victorieux. Veni, Vidi, Vici…

5. Futur

Futur, 5eme meilleur album de Booba

Producteurs : Therapy, Young Chop, MdL, Thomas Join-Lambert, Thomas Broussard, Vader, Melomayne
Featurings : 2Chainz, Rick Ross, Kaaris, Mala, Maitre Gims, Gato

Autoproclamé boss du rap game, le Duc réédite son Futur paru en 2012 avec une version 2.0 truffée d’inédits. A l’heure où les rééditions sont trop souvent des stratégies commerciales destinées à générer davantage d’argent, Futur 2.0 fait figure de parfait contre-exemple. Avec ses neuf titres inédits dont les tubes AC Milan, Parlons Peu et Turfu ainsi qu’un featuring avec Maitre Gims, la version deluxe de Futur joue impeccablement son rôle de cadeau de Noël rapologique 2013. Avec des grosses prods de hip-hop contemporain accompagnées de punchlines furieuses, l’album d’origine offrait également quelques jolis featurings d’Outre-Atlantique (Rick Ross et 2 Chainz) sans oublier Mala, Gato da Bato et un show d’anthologie signé Kaaris sur Kalash.

Avec une pluie de fléchettes lancées dans les torses de ses ennemis et des acrobaties verbales comme il en a le secret, le prince de Boulbi soignait ce sixième album histoire de rappeler qu’il restait sur le trône… Toutefois, pour ceux qui suivaient déjà le MC boulonnais sous Lunatic, Futur et sa version deluxe marque un tournant. D’une part, par l’apport de Therapy Music qui amènera par la suite la trap kaarisienne à son paroxysme sur Or Noir. En effet, le travail de Therapy sur les instrus était voué à influencer le reste du rap français pour les années à venir. D’autre part, l’absence d’une véritable direction artistique se fait pourtant ressentir. On se retrouve face à quelques fautes de goût surprenantes. Il y a ce recours systématique voire trop récurrent à l’autotune. Si Future l’a réinventé, Booba semble encore prisonnier de l’utilisation qu’on en faisait auparavant. C’est lorsqu’on lui met un jeune comme Kaaris dans les pattes que le Duc est poussé dans ses retranchements. Le rappeur est en effet arrivé au bout du chemin qu’il avait emprunté en 2008 avec 0.9. Booba a su modifier la forme pour mieux rebondir. Et c’est ce qui a pu le sauver du combat de trop, et ses ratpis de l’ennui.

4. Panthéon

Panthéon, 4eme meilleur album de Booba

Producteurs : Skread, Medi Med, Kore & Scalp, Animalsons, Medeline, Four Track
Featurings : Mala, Sir Doum’s, Nessbeal, Wayne Wonder, Issaka, Bram’s, Léya Masry

Sur le site internet du Panthéon, on peut lire que le monument parisien possède une crypte contenant les grandes personnalités inhumées, qui dessinent le visage de notre identité nationale. Une présentation permanente résume la vie et l’œuvre de ceux qui y reposent. Parmi les œuvres d’Élie Yaffa, tout laisse à penser que si un jour il venait à être enterré sur la Montagne Sainte-Geneviève à Paris, ce deuxième album figurerait comme celui des plus importants. Cela va bien au-delà du titre de l’album. On sent une volonté de dépassement de soi tout au long de l’écoute. Le fait d’être sorti de son propre label monté en indépendant pour rejoindre une major. Ça a de quoi laisser sceptique tout fan de la première heure. Panthéon rassure les plus fidèles.

Booba passe son temps à rapper ce qu’il vit. Que ce soit en termes de carrière, d’évolution et de statut. Il reste un produit de son environnement. Un décor qu’il a su modeler au fil des sorties musicales depuis Le Pont de Sèvres. Tallac est la première piste qui d’entrée prend à contrepied les railleries des 30 millions d’ennemis de son auteur, en utilisant la voix off du dessin animé Bouba. A partir de là, l’ambiance est donnée. L’atmosphère est lourde et synthétique. Comme le démontrent les notes hypnotisantes de Kore & Skalp sur Le mal par le mal. C’est par dépit qu’il se défend pour faire face à ses ennemis. On reste dans la tendance car le duo de producteurs remet les couverts sur Commis d’office feat Mala, complice de cette déferlante de lyrics de destruction massive. Les succès coup sur coup (On sort un skeud et ça se bouscule) font naître des détracteurs (Je sais que t’aimerais me descendre).

Que des n° 10 dans ma team scande t-il sur une composition d’Animalsons digne d’une soirée de Champions League pour l’ex membre de Lunatic. Il y a Sir Doum’s le méritant qui accompagne son capitaine, face à toute la République A Peur car même pas en rêve Nicolas a calmé la banlieue. Ce duo de Dealeur de rimes / Killer de mc s’attaque ouvertement aux wack mc’s. Nessbeal fait figure d’ailier droit sur Baby, un feat d’étonnant qui traite de la romance des gueules bizarres. Un son interdit aux ados pour les ni putes ni soumises qui ont peut être dansé sur La Fièvre et Ma Benz. Même sur un sujet léger et dévalorisant une catégorie de personnes, la composition musicale de Skread reste impeccable. L’armée des six se conclut par la présence d’Issaka et Brams qui jouent en défense sur Pazalaza Pour Sazamuzer. Un style de jeu plus brut et sans équivoque : Au pied du mur les miens entendent murmurer la mort / Moi et les miens on deale la mort pour se nourrir / Ici c’est moi le gangster et je met tout le monde d’accord. Medeline est au poste de contrôle avec cette instru qui sonne comme une alarme.

Même en solo, Booba ne paraît pas totalement seul. Par exemple sur Hors Saison, on pourrait croire à un passe-passe tant son flow pourrait se confondre avec NE2S. Il reste persuadé d’avoir encore beaucoup de choses à rapper, comme un besoin de prouver encore plus son autonomie depuis la séparation avec Ali. On peut dire qu’il est convaincant. Il nous gratifie même d’une suite indirecte à La Lettre avec Bâtiment C que l’on croirait accompagné d’un orgue. Cet album est certes plus court que le précédent, il n’en reste pas moins solide et paré à la critique.

Sur La Faucheuse, premier extrait de l’album qui en a surpris plus d’un, c’est un Booba désenchanté qui témoigne de ses actions, qui semble plus peser pour lui que ses paroles : On ne sait pas jouer à part avec le feu ou encore J’aimerais remercier mon premier EP / Nique sa mère mon BEP. La plus parlante, Je te jure / J’ai vu les juges et les jurés / Vouloir épuré le budget. Son univers hardcore lui permet juste de mettre tout ça en musique. L’humour n’en reste pas moins présent : Ce matin un lapin a fumé un keuf ou sur La Faucheuse, Tu suces mal mais t’as du goût ou encore J’ai tué Calimero / D’une bastos dans la coquille sur la bonne tentative Dancehall avec Alter Ego feat Wayne Wonder, un toaster-crooner jamaïcain.

En effet, il n’y a pas que le régiment 92i à l’appel parmi les invités. On a droit à deux crossovers sur Panthéon. Avant de partir feat Leya Masry en est le deuxième et clôt bien l’album. La précédente collaboration de Booba avec Kanye Samet a laissé des traces. Ne vous fiez pas à la participation de cette voix féminine, les paroles de B2O pendant près d’une minute trente non stop restent hardcore. C’est l’harmonie du titre que l’on salue sur une production aux élans de musique électronique de Four Tracks. Sur un sample de Toto, il nous rappelle aussi que son Son reste déconseillé au moins de seize.

Il faudra plusieurs écoutes pour digérer ce second album de Booba tant par sa signature musicale que son contenu lyrical. Panthéon reste un album percutant et intemporel. C’est l’addition des choix des producteurs voués à son auteur qui font la réussite de cette œuvre du patrimoine français.

3. Nero Nemesis

Nero Nemesis, 7eme meilleur album de Booba

Producteurs : Zewone, Twinsmatic, Soulayman Beats, Baille Broliker Production, X-Plosive, Histakes, Nix Music, Bone Collector, CashMoneyAp, Ozhora Miyagi, Richie Beats, 1712 Beatz, Grant Decouto, Mr Punisher
Featurings : Siboy, Benash, Twinsmatic, Damso, Gato

2015. Une année productive pour le rap français, et Booba ne déroge pas à la règle. Quelques mois après D.U.C, certains craignaient que B2O tombe dans la zumba avec la sortie du titre Validée. Que nenni, avec Nero Nemesis, le Duc nous offre un album affuté. Significatif de sa carrière, NN est un sans faute pour nous. On retrouve Booba au sommet de son art et de son ego-trip dans un univers sombre tout droit venu des lymbes de son imagination. Il ne cesse de nous le rappeler, “Noir c’est noir, ont-ils dit”, dans 92i Veyron qui s’est placé en morceau référence de l’album. Étonnant sachant que c’est l’un des seuls morceaux chanté et autotuné du projet. La force de cet album réside dans sa vision. Il était en avance sur tout le monde. Ces sons n’ont pas pris une ride, 92i Veyron pourrait sortir l’année prochaine, ça ne choquerait personne et encore mieux que ça, ce serait le même succès.

Nero Nemesis s’inscrit parfaitement dans la continuité de la carrière de Booba, de son second souffle amorcé par 0.9 et confirmé par Futur. Booba n’est pas fini, et il nous le fait savoir à travers un album maîtrisé de bout en bout, une oeuvre d’art aux sonorités différentes et avant-gardiste. Génération Assassin est le parfait exemple de la prise de risques qu’a voulu réaliser Booba. Avec NN, Booba appuie sa place de patron du rap français, il découpe et n’épargne personne. Sa place sur le trône est désormais incontestable et incontestée.

2. Temps Mort

Temps Mort, 2eme meilleur album de Booba

Producteurs : Fred Dudouet, Géraldo, Animalsons, Julien Dicano, Full Moon
Featurings : LIM, Moussa Seck, Nessbeal, Malekal Morte, Sir Doum’s, Mala, Ali

A la sortie du clip de Repose en paix, impossible d’ignorer le message d’un Booba reconverti en fossoyeur du hip-hop français, pointant du doigt la concurrence qu’il s’applique à mettre dans le rétroviseur de manière chirurgicale. « Du shit sous un ongle », son entreprise de démolition commence donc par-là : devenir le meilleur MC en solo de l’histoire du rap hexagonal, après avoir trainé son ombre aux côtés d’Ali au sein du groupe Lunatic. Balayant d’un revers de glock 45 les critiques sceptiques, Booba réitère et développe sur Temps Mort des performances qui depuis Beat 2 Boul et les freestyles Time Bomb l’avaient déjà élevé au rang de mythe.

Construit sur un champ de mines, ce mythe, justement, c’est celui d’un mec qui s’abreuve du sang des ennemis à terre, dans un élan perpétuel de mise à l’amende collective. Alors dans cette discographie ensanglantée, Temps Mort lorgne souvent, à juste titre diront certains, la première place. Presque 20 ans plus tard, impossible en effet de renier l’impact monumental qu’aura eu l’album sur l’ensemble du rap français. Alors, le « temps mort » que Booba demande en introduction du projet semble depuis s’éterniser, comme si toute sa carrière solo ricochait sur les fondations de son tout premier album. « On est pas backs dans les bacs parce qu’on est jamais parti » dira-t-il ainsi sur Inédit, morceau issu de la réédition sortie quelques mois plus tard. Force est de constater qu’en 2020, Booba est effectivement toujours là.

Impressionnant à tout point de vue, Temps Mort marque avant tout les esprits par le télescopage du bitume du 92 avec la plume de celui qui le rappe. Du haut de ses « 423 ans » (Ecoute bien), Booba récite sur les instrumentales d’Animalsons et Fred Dudouet des mantras déguisés en punchlines, prophétisant une carrière qui sera marquée sous le sceau du 100-8 zoo et des collaborations répétées avec l’excellence. Tous les ingrédients de son parcours futur sont exposés au grand jour, épousant le « puzzle de mots et de pensées » sanguinolent qui suinte le vécu d’Elie Yaffa.

Capable à la fois d’expédier la concurrence dans les cordes au détour de quelques mots (« Tu veux mon cash négro ça va être long », Strass & paillettes ft Ali), Booba signifie surtout l’impact de ces derniers sur sa jeunesse esquintée par le banc de touche et ceux de l’école (« J’voulais savoir pourquoi l’Afrique vit malement, du CP à la seconde ils me parlent de la Joconde et des Allemands », Ma définition). C’est donc à cette affirmation naturelle du statut de mâle dominant que Booba s’exerce sur Temps Mort, jusqu’à devenir le dernier maillon de la chaine alimentaire du 92, et du rap français dans son ensemble.

Temps Mort pourrait donc aisément revendiquer la première place au sein de la galaxie musicale Booba. Des instrumentales à la rime du DUC, d’aucuns pourraient même signifier qu’il s’agit là de la plus grande performance solo de l’histoire du rap français. Seulement, dans cette quête d’excellence, Booba, qui a pour seule concurrence Elie, peut prétendre à s’être lui-même surpassé quatre années plus tard, avec un autre projet à l’envergure débordante : Ouest Side. « Leur dernière vision sera un gun et un chauve ». Pour Booba, ce sera celle du panthéon auquel il a inscrit son nom, haut perché sur sa branche d’aigle.

1. Ouest Side

Ouest Side, 1er meilleur album de Booba

Producteurs : Yvan Jacquemet, Animalsons, Jaynaz, Phrequincy, Greg Dubuis, Kore, D. Bennett, N. Staff, W. Morris, Phrequincy, DJ Mehdi, Gallegos
Featurings : Malekal Morte, Mac Tyer, Kennedy, Trade Union, Rudy, Akon, Intouchable

Février 2006, sortie du 3ème album solo de Booba et c’est la planète rap entière qui s’arrête. Annoncé par l’extrait éponyme présent sur le premier volet d’Autopsie, cet album est aux yeux de beaucoup celui de la confirmation, de la maturité pour le Duc. La pochette est iconique, avec une référence à Malcolm X, la liste des feats l’est tout autant :
Le groupe Intouchable, Mac Tyer, Malekal Morte, Kennedy, Trade Union mais aussi Akon. Le premier disque de platine de KOPP comporte certains de ses morceaux les plus iconiques, les plus intemporels et témoigne aussi de sa polyvalence.

Boulbi a retourné les clubs et les soirées en France mais aussi à l’international, « Gun In Hand » a quant à lui démocratisé les featurings avec les artistes venus des États-Unis. Pour le public mainstream, Ouest Side a été l’occasion de voir Booba se démocratiser, tout d’abord avec « Au bout des rêves » en featuring avec Trade Union (qui finira même par être interprété sur le Prime de la Star Academy) mais aussi avec Couleur Ébène, qui avec ses sonorités proches du Rock alternatif sonne toujours aussi avant-gardiste. Le public de la première heure, qui a découvert Booba au sein du tandem Lunatic n’est pas en reste non plus dans cet album où plume aiguisée, egotrip et punchlines se succèdent pendant presque 1h.

Cet album est novateur pour Booba de part le changement de statut qu’il lui offre premièrement, l’accueil réservé à ce projet est unanime, atteignant vite la première place du Top Album. Rimes caustiques (« A l’affût du moindre écu; mon frère si y avait des bites par terre y en a qui marcherait sur le cul »), egotrip où il s’attaque à ses concurrents (« le rap français a trouvé son flow par terre », « j’organise un casting pour tous les rappeurs pour faire un film de boule), punchlines historiques (« les n*gros ont la haine j’ai le prix d’une Clio sur le poignet »), mais aussi une vraie introspection qui semble montrer davantage ce que pense le Duc sous la carapace qu’il s’est construit.

À travers « Mauvais Garçon » et « Boite vocale », Booba laisse vraiment parler son dédain de l’être humain. « Je me souviens », « Au fond de la classe » ou encore « Au bout des rêves » résonnent différemment. Les métagores et les figures de styles se mettent en retrait des textes de KOPP pour laisser la place à des constats sur sa vie passée et présente. L’outro est elle aussi dans la même lignée vu que son auteur nous apprend que « […] faire du rap j’en ai jamais rêvé, je prends le MIC c’est la Bosnie »; cette image fait écho avec l’ouverture du morceau de ce projet, celui qui a réussi à synthétiser le mieux les univers et messages de l’oeuvre. Dans « Pitbull », Booba véhicule toujours l’idée que c’est davantage le rap qui l’a choisi et non l’inverse (« venu extraire Excalibur de son enclume, en 6.45 j’suis le bitume avec une plume »).

Comme Arthur, Booba fait office d’Élu, une place qu’il véhicule jusqu’à maintenant, le refrain quant à lui nous met face à la pensée de son auteur. « […] je veux pas mourir sur scène », puis l’aveu de blessures cachées (« […] on saigne sous nos cagoules ») finissant sur une ouverture aux allures de question rhétorique « Comment ne pas être un Pitbull quand la vie est une chienne ? ». Chef d’oeuvre même dans une discographie aussi riche que celle de B20, Ouest Side n’a certes pas révolutionné le(s) style(s) de son auteur comme « 0.9 » ou encore « Futur » mais il est sans conteste possible le meilleur exemple de la richesse thématique du Duc de Boulogne. Ouest Side est encore aujourd’hui un classique du Rap français pour les fans comme pour les détracteurs du Météore.