Némir – Nemir

Critique

Après des années d’attente, Némir a enfin sorti son album éponyme, qui varie entre le moyen et le très bon.

Prendre son temps

Après deux premiers EP intitulés Next Level 1 et 2, l’artiste a commencé à réellement faire parler de lui avec son troisième EP, Ailleurs, publié en 2012, dont certains singles ont dépassé les frontières du rap underground, on pense notamment au single Ailleurs en feat avec Deen Burbigo, ou encore Wake Up en compagnie d’Alpha Wann.

Et alors que son premier album était attendu, silence radio. La raison ? Le rappeur de Perpignan souffre d’une espèce de burn-out dû à son perfectionnisme. Il ne parvient plus à concilier les tournées et la création musicale, il ne parvient plus à se satisfaire de son travail et surtout il souffre d’anxiété. Cette accumulation et la fatigue lui ont donné envie de prendre une pause. Chose qu’il a faite. Ainsi, pendant plusieurs années, il s’est fait rare. Sans jamais être complètement absent, puisqu’on peut encore l’entendre poser dans des featurings, notamment avec celui qui est passé d’étoile montante à numéro 1 du rap niveau ventes : son ami Nekfeu (Némir est présent sur les 3 albums du parisien).

Soudain, Némir réapparaît seul en 2018, avec plusieurs clips. Toujours pas de long format mais bien un EP intitulé Hors-Série, qui lui permet de prendre la température, voir la réaction du public quant à son changement de style. Car oui, bien qu’il se soit absenté un long moment, il a continué de travailler et de peaufiner sa palette artistique. En a résulté beaucoup plus de versatilité et de chant. Une véritable évolution. Il avait ouvert une brèche avec son dernier EP, et s’est complètement engouffré dedans avec son premier album.

Une pochette très personnelle

Si la première partie de cette chronique était réservée au parcours de Némir, c’est tout simplement car le faire était nécessaire pour parler de l’album et de sa cover. Celle-ci est simple, mais très personnelle, et elle retrace les moments-clés de l’évolution de l’artiste. On peut y apercevoir beaucoup de clins d’œil à ce qu’il était et ce qu’il est devenu : son enfance (photo de lui enfant), sa ville Perpignan (« Saint-Jacques » qu’on peut apercevoir sur un bout de carte est le quartier dans lequel il a grandi), son emménagement à Paris (symbolisé par le ticket à gauche), son disque qui a été repoussé plusieurs fois (Premier album : 2013, => date de sortie : 2015, 2019), etc. Mais il y a surtout écrit « prod : En’Zoo », il s’agit du producteur attitré de Némir, qui avait entièrement produit les EP Ailleurs et Hors-Série, et qui a donc également entièrement produit ce premier album. La cover quant à elle a été faite par l’excellent Raegular.

Un album assez inégal…

Némir a commencé sa carrière en étant un rappeur-kickeur, avec un flow acéré et des textes axés sur la technique. Comme lors de son EP sorti précédemment, dans « Nemir », le perpignanais se laisse aller et s’essaye à différents styles, allant de la trap à une ballade guitare-voix. Et paradoxalement, dans cet album, les morceaux (t)rap sont les moins bons. Cela ne veut pas dire qu’ils sont mauvais, mais bien qu’ils possèdent un replay-value beaucoup moins important que les morceaux chantés. Némir est doté d’une voix exceptionnelle, l’une des plus belles du hip-hop français, et c’est quand il chante qu’il en tire pleinement parti. Ainsi, Favela, qui se veut être une espèce de banger trap, est banale, tant musicalement que lyricalement. De plus, la prod fait vraiment cheap, il y a un côté type beat, et elle est trop envahissante. Sans doute la moins bonne du projet. Habibi, qui est un peu du même style, est largement plus efficace grâce à son refrain entêtant, mais ce n’est pas un chef-d’œuvre non plus. Les chansons les plus marquantes sont celles où Némir parvient à allier musicalité et bon texte, comme dans le single Ça Sert. Mais le meilleur exemple de cette symbiose entre la forme et le fond est Loin devant, qu’il a dédiée à sa mère. Le refrain est magique et les couplets sont plutôt bien écrits.

Lors de la création de ce CD, Némir a fait les choses en famille : il a invité que des artistes avec lesquels il avait déjà collaboré par le passé. Du producteur aux rappeurs. Mais ce qui peut sembler être un manque d’originalité est facilement comblé par le fait que ces artistes sont poussés à sortir de leur zone de confort. Ainsi, S.Pri Noir, Nekfeu et surtout Alpha Wann (pour ne citer qu’eux) sont emmenés dans un univers complètement différent du leur. L’auditeur peut être surpris, mais agréablement. D’ailleurs, pour l’anecdote, la fin de Sur Ma Vie avec Alpha Wann est un clin d’œil à Wake Up, premier feat qu’ils ont fait ensemble il y a de ça des années.

Mais riche !

La grande force de ce projet est sa richesse musicale et lyricale. Les thèmes abordés sont très diversifiés (relation amoureuse, enfance, famille…) Et même s’il habite à Paris dorénavant, il n’oublie pas d’où il vient, et beaucoup d’éléments font penser au Sud, de Perpignan (Saint-Jacques) à l’Algérie (Chant sacré). Cet album fait donc bouger la tête de l’auditeur, mais surtout, le fait voyager. On entre dans l’intimité du rappeur, et il nous témoigne sa sensibilité. Les morceaux prennent souvent des allures d’expérimentations, cela ne fonctionne pas tout le temps mais globalement le CD est touchant et réussi. Pari remporté pour Nemir.

Rotka
Rotka
Life's a bitch and then you die
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