Une tête de plus que les autres, une carrure d’armoire à glace, une voix calme et posée, ainsi que des textes survoltés. Ashe 22 est l’ovni du collectif Lyonzon depuis 2018. Il est aujourd’hui en passe de devenir incontournable sur une scène émergente dans l’Hexagone. Entre violence, no melody et masque, retour sur la discographie et le parcours du natif de Bad El Oued (Algérie), futur porte-étendard de la drill française.
Un DZ chez LZ
Ashe 22 se lance dans le rap en 2018, après 3 ans de prison. C’est à sa sortie qu’il rencontre Gouap, membre de Lyonzon, qui va très vite l’intégrer aux sessions freestyle de la maisonnette (son appartement). Ashe, qui a alors 21 ans, va compenser ses débuts tardifs par l’hyperproduction : 4 projets solos en 2 ans, en plus de ceux de son collectif.
Cela lui permet de poser les bases de son univers. Les prods, souvent de GG (Lyonzon) et Gouap, sont des « no melody beats » (des lignes de percussions et une basse pour seul fond sonore). Avec ses lyrics sombres, l’artiste masqué survole ces sonorités 808 et autres saturations. Drogue, sexe, violence, intimidations, shout out à ses camarades… Les ingrédients de l’égotrip sont tous réunis, mais là n’est pas l’objectif du rappeur de la Guillotière.
Au fil des écoutes, il est possible de ressentir la froideur et la réalité de ce qui est raconté, à travers la voix sombre du rappeur. Sans prendre de pincettes, le rap d’Ashe fait passer son message, il dépeint sans artifice son quotidien lyonnais. Si les thèmes autour desquels il gravite sont quasiment mainstream aujourd’hui, la manière avec laquelle ils sont présentés l’est moins. Le vécu se fait ressentir à travers une honnêteté et une banalisation déconcertante de la violence. Preuve de la véracité de ses propos, il a été condamné pour trafic international de stupéfiants et association de malfaiteurs. Dans Flamengo de Lyonzon, Ashe affirme l’idée qu’il n’est pas là pour incarner un personnage :
« J’m’inspire de moi-même, dans c’rap jeu, y a qu’des putains d’sosies »
Drill, tous les rappeurs veulent s’y mettre
Masques, drogues, lames acérées, lean, bandes menaçantes : les visuels marquants des clips prennent une autre dimension, celle de l’UK drill. Mais avant de s’ouvrir à ce style, Ashe, inspiré de Splurge, fait du no melody son style principal. Que ce soit sur ses tapes solos ou avec Lyonzon, la quasi-totalité de ses morceaux (qu’il mixe lui-même) s’inscrit dans cette esthétique. Les deux styles n’étant pas incompatibles, il fait un premier essai hybride entre le no melody et la drill, avec Drill en 2019. Mais c’est seulement en 2020 qu’il va connaître plus de visibilité avec ses morceaux et ses feats.
Et c’est une collaboration qui fera exploser Ashe aux yeux du public français.
Alors que la connexion entre Lyonzon et le 667 est déjà forte, Freeze Corleone et Ashe envoient Scellé Pt.2, en août dernier. Sorti sous forme de single clippé en guise de promotion de l’album de Freeze, c’est aujourd’hui l’un des morceaux les plus écoutés de LMF. Et à la vue de la performance proposée, c’est vite compréhensible. Une prod drill de Flem et M.O.I brûlée par les deux artistes, qui reprennent des gimmicks de leur premier feat. Aujourd’hui, Scellé Pt.2 culmine à plus de 3 millions de vues sur YouTube et 7,5 millions d’écoutes sur Spotify.
Confirmation attendue
Sa punchline « Drill, tous les rappeurs veulent s’y mettre » est devenue un moyen d’illustrer l’exaspération d’un certain public dès qu’un artiste sort un son pour s’inscrire dans la mode naissante. Mais comment reprocher à des rappeurs de vouloir s’inscrire dans un mouvement artistique qui commence tout juste à se développer en France ? Ashe lui-même en est un pionnier. Il a compris qu’il excelle dans ce style, et compte exploiter son potentiel.
Ashe 22 incarne l’univers drill sans filtre, là où rap et réalité ne font qu’un, exempt d’entertainment. Alors que Lyonzon est signé chez AWA, Ashe reste indépendant pour ses projets solos. Aujourd’hui, le rappeur de Lyon se voit confronté à un défi de taille : porter la FR drill en indé.
