Passé d’un succès confidentiel pour public initié à un virage dans le rap quasi-mainstream, Alkpote a réussi un coup de force assez rare dans le rap français. Même si le succès n’est pas encore total (ventes d’albums et passages en radio encore perfectibles), la progression est conséquente et quasi-inédite. Festivals, featurings, concerts remplis, projets attendus par une grosse partie des auditeurs de rap, succès critique (fans et pairs), tout semble sourire à l’Empereur de la Crasserie.
Loin d’être due au hasard, cette réussite est le fait d’une convergence d’évènements.
Un personnage détonnant et hors-norme
Loin d’être un MC interchangeable, Alkpote fait partie de ces rappeurs avec une identité propre, reconnaissables dès les premières secondes. Il y a une raison à cela : cela fait une dizaine d’années que le rappeur d’Évry a depuis cultivé un style bien particulier, à mi-chemin entre le gore, le sexuel, le cafardeux et l’outrance. Provocateur, ALK n’a aucun tabou, se tourne en dérision « j’éjacule vite, je suis si rapide » et multiplie les bons mots. Ses légendaires gimmicks y sont également pour quelque chose et rendent son style bien identifiable. Pute, double pute, triple pute, quadruple pute, octuple pute, nano pute, le MC compte et démultiplie les putes, et ses légendaires « Salope, salope ! » utilisées très souvent en adlibs, sonnent à la manière d’une ponctuation.
Ses interviews légendaires ont également contribué à façonner sa légende, une répartie et un humour grinçant qu’on trouve assez rarement chez les rappeurs français, trop habitués à répondre platement et sérieusement aux questions (parfois très stupides) des interviewers. La métaphore du plateau de fromage chez Street Live ou celle de la branlette chez SURL sont à juste titre considérées comme des classiques.
Ajoutons à cela ses multiples surnoms : ALK, le Chauve obsédé, L’empereur de la Crasserie, Le grand aigle, Jonathan H, A.L.K.P.O.T.E, La ténébreuse mitraillette, L’aigle royal de Carthage et son alter ego : Serge Gainsbeur.
Le facteur DJ Weedim
La collaboration prolifique entre DJ Weedim et Alkpote fut également un tournant. Tout d’abord parce qu’on assistait à un relifting musical de l’univers d’Alkpote, plus orienté vers la trap et donc plus actuel et plus susceptible de plaire. Et ensuite parce que ces deux personnages sont surproductifs dans leurs domaines respectifs. DJ Weedim a su insuffler une direction artistique attrayante, proposant une nouvelle couleur musicale et l’alchimie naturelle qui se dégage de leur collaboration est séduisante, le flow d’Alkpote se lovant aux productions sophistiquées de Weedim.
Alkpote : un monstre de technicité
Alkpote est l’un des rappeurs français les plus techniques. Sa maitrise des rimes multisyllabiques est tout bonnement impressionnante et chacun de ses morceaux contient son lot de quotables. C’est également ce qui contribue à en faire un MC si singulier, sa faculté à faire rimer Jules Verne et Jus de Verge, Périscope et Pénis Propre, constitue un véritable délice auditif, dans un contexte où la technicité est peu courante. ALK tranche violemment avec ce fait établi et chacun de ses projets est un véritable festival de rimes complexes.
La science du featuring
Alkpote aime se mélanger, on en avait déjà eu plusieurs aperçus notamment des morceaux regroupant énormément d’invités, comme On crève à petit feu sur l’album l’Empereur, les tapes La crème du 91 et La crème de l’Ile de France, qui regroupaient des dizaines d’MCs, ou bien le remix de Mongoldorak sur l’Orgasmixtape, d’une durée de plus de 9 minutes qui regroupait une dizaine d’invités.
Cette tendance s’est accentuée et disciplinée avec Les Marches de l’Empereur saison 2. C’est sur cet album que l’on aperçoit clairement l’influence et l’aura qu’a dégagé Alkpote sur le rap français. Initialement prévu comme une série de clips, Alkpote invite un ou plusieurs rappeurs sur chaque épisode. Contrairement aux cas précédents, cette fois-ci les invités sont principalement de la nouvelle génération. En faisant ceci, ALK accroit sa popularité en touchant la fanbase des rappeurs qu’il invite et qui n’étaient pas forcément coutumier d’ALK.
Admiré par beaucoup et père illégitime de nombreux rappeurs, Alkpote ne fait finalement que récupérer son dû, 10 ans après. Reste à voir si le dédommagement est à la hauteur du préjudice.