Nous sommes en 1998, lorsque sort Sachons Dire Non. Parmi tous les artistes réunis à la demande de Monsieur R, il y en a un qui va tirer son épingle du jeu. Il s’agit de Tema avec le morceau « Français, Française ». C’est avec la participation des artistes cités, que nous allons replonger dans cette époque.
Aux frontières du réel
Il y a des titres réussis sur le projet, mais celui-ci est différent. Tema n’utilisait pas de vocoder, mais travaillait sa voix pour rapper comme si elle était truquée, d’où la mention plus tard de L’Alien à son nom de scène. Il possédait une voix aiguë au micro, mais audible qui ne correspondait à personne d’autres. Passé cet avantage, il déploie son style en toute décontraction sur une instru de K.Lif et Off, taillée sur-mesure.
La piste débute par un dialogue en Fon (dialecte béninois) entre Saddam (producteur du rappeur) et Tema. Le premier somme au second, de dire au public visé, que la nouvelle génération de français n’est pas prête à quitter l’Hexagone. Ce qui la met en position de défi face à une partie de l’ancienne génération.
Cet échange, qui paraît anodin, va servir d’élément déclencheur sur le beat et pousser Tema à commencer son morceau par : « Toi aussi / T’en as marre de te faire baiser / Par des gens soi-disant qui sont aisés / Je les ai analysé pendant des années / Ils aiment pas les noirs ni les basanés ».
Étant métis, on peut comprendre la position non-avantageuse dans laquelle il se retrouve. Le contenu est simple et énumère la situation que certains vivent. C’est au cours du premier couplet qu’il cite les accusés, qui sont les électeurs du Front National (désormais en majorité au Rassemblement National).
Mes chers compatriotes
Sur le refrain, il s’adresse à l’audience tel un chef d’état face à sa patrie, « Français, Française / Recevez ce rap dans vos enceintes / C’est toujours les mêmes qu’on baise / Et c’est en leur nom que je porte plainte ». Au-delà même du costume endossé, il fait figure de haut-parleur.
L’extrait le plus célèbre de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 est cité en ouverture du second couplet : « J’ai lu dans vos livres / Et putain ça me laisse froid / Que les hommes naissent libres et égaux en droit / Faut me dire à quel endroit / Que j’y courre / Que j’y vole / Allons tous à Vitrolles ». Cette ville fut l’un des symboles du FN en 1995, lorsque le couple Mégret (qui créera son propre parti par la suite) y gagna les élections municipales et obtiendra deux mandats successifs.
Tema dépeint une époque sociale et politique difficile, avec la montée des voix pour l’extrême droite. Tout en rappelant une certaine hypocrisie chez les personnes persuadées de leur pureté et filiation nationale. Il termine en démontant rapidement à sa manière, les idées reçues et le manque d’information, notamment historique de son panel, mais aussi de leur satisfaction déplacée.
Cette diatribe est lancée avec un rythme millimétré. C’est ce qui donne un intérêt particulier à l’harmonie de la chanson, avec des chœurs bien accordés, qui clôturent par « FN tu rimes avec Haine », ce nom est même répété à la fin.
Non Non Non
L’objet de la compilation était de refuser l’aversion qui était ressentie dans l’atmosphère électorale. Elle était avant tout municipale (Toulon, Orange) mais marquait un tournant important dans le quotidien des résidents français et étrangers. Parmi les événements tragiques, il y a le décès par balle d’un jeune de 17 ans, le 21 Février 1995, tué par un colleur d’affiches du FN à Marseille.
L’avocat des amis de la victime, se nomme Gilbert Collard, fera condamner l’accusé d’une peine de quinze ans en 1998. Depuis 2012, il a rejoint avec succès l’extrême droite et ce qui est aujourd’hui le RN. Vingt-six ans après, l’avenue où se sont déroulés les faits, portera désormais le nom d’Ibrahim Ali, en hommage au disparu.
Sachons Dire Non n’est pas le seul enregistrement collectif et contestataire de l’époque, mais sûrement le plus connu. À différentes périodes, le cas de la droite extrême a été traité et continue de l’être aujourd’hui sous d’autres formes. Il y a même eu avec le temps, des propositions portées plus sur l’aspect sentimental et physique, mais qui restent exceptionnelles pour ce type de sujet.
Ce fut le cas de Diam’s sur « Marine » [Ma Vie Mon Live – 2004] Le Pen, Sofiane avec « Marion Maréchal » [Bandit Saleté – 2017], qui sont respectivement la fille et la petite-fille de Jean-Marie Le Pen (membre fondateur du FN). Ces morceaux interpellent sur le traitement qui doit être accordé à des faits de société. Cela n’est pas un jugement de valeur, mais une critique au niveau du positionnement choisi.
En effet, sur SDN où apparaît déjà Mélanie avec son féroce « Extrême Miné », il y a une romance fictive de Sinistre, « Est-ce que ça vaut la peine ». Le rappeur du groupe La Malédiction du Nord, illustre en musique, une histoire d’amour compliquée avec Marianne, issue d’une famille d’extrémistes. Le ressenti ne peut pas être le même, car la différence porte sur l’utilisation d’une personnalité contemporaine considérée comme ambiguë et une prétendue anonyme au prénom symbolique.
Sans rémission
En 2021, il existe encore un rap positionné sur le militantisme. Par exemple, il y a eu fin décembre 2020 un titre collectif « 13’12 contre les violences policières » en référence au plus connu dans ce format, « 11’30 contres les lois racistes » [1997]. Des lois sur l’immigration en France, présentées par les Ministres de l’Intérieur, qui étaient Charles Pasqua [1993] puis Jean-Louis Debré [1997] du RPR.
La grande différence entre les deux titres ? Le traitement médiatique et la participation des acteurs du mouvement. Il s’agit pour le dernier en date, de rappeurs uniquement issus de l’underground. Là où son aîné rassemblait des têtes d’affiche avec des collaborateurs plus confidentiels.
Sachons Dire Non a apporté de la lumière sur des artistes quasiment inconnus. On a pu mettre des voix sur des noms qui émergeaient. Tema fut parmi les espoirs à suivre, car il était singulier dans sa démarche artistique. Thésaurap a contacté Monsieur R et L’Alien pour avoir leur ressenti autour de « Français, Française ». Un échange actuel sur le passé et l’avenir du rap français dans tous ses domaines. Place à l’interview effectuée séparément.
En dehors de Facebook et YouTube, tu n’es pas très présent sur les réseaux, mais pour autant, il y a quelques mentions sur Twitter et Insta concernant « Français, Française ».
Tema : Les gens m’identifient souvent avec ce morceau. Quand ils me disent ah, tu faisais du rap avant, je leur dis ouais, quand c’est des anciens ou les petits frères qui font du son, ah oui, je m’en souviens. C’est resté un petit peu dans les mémoires des anciens, le fait d’aimer les compils de cette époque-là.
Comment tu as atterri sur SDN ?
T : Si je me souviens bien, Saddam, mon producteur et ami d’enfance connaissait Monsieur R, par rapport au groupe 3 Coups et à des amis en commun. On se voyait souvent, tapait des délires ensemble. Un jour, il dit à Saddam, qui a monté le label Mind’As (où j’avais signé), j’ai une compilation, ça te dit de faire poser Tema dessus. Parce que j’étais parti de Resk-p [Off, Papson, K.Lif, Degy, Djo L’As, J Poups, Mass, Djah Fuss].
Saddam me dit vas-y il y a un plan avec R, si tu veux, tu le fais. La veille, j’entends ça, et je crois qu’il fallait poser très rapidement parce qu’on était les derniers sur le tracklisting. Du coup, j’ai écrit le jour même vite fait. Vraiment, c’était inattendu, mon frère [K.Lif] et Off me proposent un son qui sonnait bien. Sachons dire non, correspondait à un thème qui me parlait et je suis parti comme ça dans l’écriture. Je crois le lendemain ou surlendemain, on a enregistré.
Ils t’avaient proposé plusieurs prod ?
T : Oui comme d’hab, un panel de prods. J’écoute et ce son-là, je le trouvais différent parce que un petit peu aérien. Il était comme ce que je faisais avant, où je cherchais des ambiances. J’ai vu que celle-ci n’était pas planante mais différente.
On ne se rend pas compte, mais les années filent comme tout le monde le sait. Quand tu calcules 1998, ça remonte et se souvenir, situer dans le temps, des fois, c’est dur. J’ai 45 ans maintenant et je me dis, ah oui j’avais fait ça ! Après pour confirmer, j’ai juste à appeler Saddam.
Quels étaient les retours ?
T : On était au studio Chauve-Souris (Ivry-Sur-Seine) et me disait t’es un ouf en fait. Les gens avaient l’impression depuis Resk-p que ma voix était transformée. Ce n’était pas mon délire, mais plutôt de passer mes cordes vocales de l’intérieur avec un truc que je m’étais fait dans la gorge, et de kiffer là-dessus.
Les gens pensaient que c’était une machine.
Rockin Squat était là et m’a dit, ce que tu fais avec ta voix, moi, je le fais avec des machines, faudrait qu’on fasse un feat ensemble. Les retours que j’avais, c’est que c’était différent. Quand j’ai regardé les commentaires, une fois que les réseaux sociaux sont venus, les abonnés me disaient la même chose.
Il y avait B-Real de Cypress Hill, qui était marqué au niveau de sa voix.
T : Ouais, carrément mes influences.
Même s’il avait une voix plutôt nasillarde alors que toi, ça ne semblait pas réel.
T : D’où le jeu de mots avec L’Alien. Tema, c’est un nom que j’avais depuis petit, dans mon quartier, je n’arrêtais pas de dire ce mot-là : tema ceci, tema la meuf, tema le graff, tema le kisdé ! Un jour pour rigoler mes potes m’ont dit hé y a Tema ! Tu connais, les surnoms, ce sont les gens qui te les attribuent. Alien ça veut dire étranger en anglais, et moi je suis martiniquais algérien et du coup je trouvais ça marrant, de jouer avec alien la voix, le côté étrange, les origines.
Pour les influences, il y a eu un basculement dans le rap, vers les années 92, à l’arrivée de la new school. Dans le délire qu’on écoutait, il y a avait les Souls Of Mischief, avec des voix incroyables. Je me suis dit, pourquoi faire du rap comme tout le monde, alors que je sais très bien que je vais me noyer dans la masse. Autant prendre une voix de ouf.
Lorsqu’on était en studio, je rappe et un moment donné, prends une voix aigue. J’avais foiré une note ou mal pris la piste. Papy, qui est décédé, membre de notre groupe Resk-p, me dit, tu devrais rapper comme ça. On écoutait du Boot Camp Click, il y avait du flow, de la voix, plein de styles différents. Il m’a dit, garde ce délire-là. En 1994, je crois avoir gardé pour la première fois, cette voix-là. Les mc’s qui avaient des voix aigus, je restais scotché dessus, en me disant, ça, c’est un bon délire. On m’a comparé avec des TTC, après le public a besoin de t’identifier à quelque chose.
J’imagine que « Français, Française » est un morceau qui revient souvent lorsqu’on te parle de ta carrière.
T : Ouais, tout le temps. C’est un peu, une carte de visite.
Paire d’as
Quelle a été la suite pour toi après ce titre ?
T : À partir de SDN, j’étais uniquement avec Off, on a formé le duo 16/9 pour Hostile 2. Du coup, je me suis dit que je pouvais avoir une identité tout seul. On est parti avec Saddam sur l’EP. Ça m’a ouvert les voies à ce que je pouvais donner en solo. Pour retourner dans des groupes après, tu connais…
La sortie de ton EP était bien couverte au niveau promo, mais dans les bacs, c’était compliqué pour l’obtenir.
T : On était dans la démarche d’enchaîner avec l’EP, avec la création du label Mind’As par Saddam. À l’époque des compilations Night & Day, on avait fait du dépôt vente dans les Fnac. Tu déposais une quantité de CD, s’ils étaient intéressés, tu prenais un bif dessus, eux gardaient le reste. C’était très compliqué, vraiment au coup par coup, selon les magasins.
On avait essayé d’aller sur le label Atlantis, je crois, un gars qui s’appelait Lyon qui gérait ça [il hésite]. Il voulait reprendre les bandes pour remixer soi-disant et ressortir, histoire de contrat, avoir les droits dessus. On a dit non, va tout faire nous-mêmes. Nous étions des artisans, c’est pour ça que c’était dur à trouver. Dans des éditions super limitées, tout à la transpiration. Pour la promotion, on n’avait pas fait beaucoup de scène. Princess Anies et Bob de Générations, nous avaient fait une petite place dans la radio. On était venu défendre notre produit. Les dj’s ne me passaient pas spécialement dans leurs playlists.
Les gens ont toujours eu du respect pour moi, j’ai eu des bons échos de ce que je faisais, ils m’ont dit ouais t’es un ancien. Par exemple, on se côtoyait beaucoup avec le Saïan Supa Crew. Il y avait ce respect-là, mais la reconnaissance n’est pas venue, je n’ai pas été surexposé. Du coup, c’est bien et non, parce que finalement, ça veut dire que c’était prévu comme ça. Artisan et à la sueur, d’où la non-exposition.
Un autre temps. L’indépendance n’était pas aussi payante qu’elle a pu l’être par la suite. Peut être aussi au niveau du propos.
T : Oui. Je te raconte ma life, je suis né en 1975.
Comme Monsieur R.
T : Quand je le dis moi-même des fois, je n’y crois pas. 1975 ça veut dire, j’ai été nourri par des sons de la variété française par ma mère. Le beau-père écoutait du Earth Wind & Fire, Stevie Wonder tout ça, de la vrai musique. Après le Hip Hop est arrivé, on a pris une gifle. J’étais tout petit, j’ai fait woaw, c’est un truc de ouf, je ne pensais pas que ça allait arriver en français.
Donc on a cet héritage-là, Grandmaster Flash, etc. Au début, c’était que pour les soirées, les breakbeats, on connaît l’histoire. Après, quand j’ai vu la revendication et en tant que banlieusard comme tout le monde, on avait envie de l’exprimer. On a grandi avec l’essence de cet art et l’a construit même. J’ai vu les grands rapper, dans mon cas, c’était woaw c’est ça que je veux faire dans ma vie ! Du coup, on avait cette démarche sociale, l’écriture ne pouvait pas être autrement. L’évolution fait que ce n’est plus la même chose.
Déjà, il y a une déficience au niveau de la culture.
Un déracinement, pour certains banlieusards, français ou pas. Ils sont de la deuxième ou troisième génération de l’immigration de leurs parents. Ils se sentent français, mais pas vraiment, ne savent pas où ils en sont, écoutent, ont un rapport avec la télé et les réseaux sociaux. Bref, génération creuse. Du coup, leurs textes pour la plupart vont avec, mais des fois, ce n’est pas de leur faute. Ils ont besoin de kiffer, consommer vite et le reste, ils en ont rien à foutre. Et dedans, t’as toujours deux, trois génies.
Un gars comme Dinos, j’ai écouté ce qu’il a fait, je trouve le gars chanmé. Tu écoutes son projet et fais ah ! T’as l’essence du rap dans de la nouveauté, le gars prend sa génération et fait quelque chose de bien. Les textes parlent, mais dans la plupart des cas c’est triste. À l’époque, on ne voyait pas autre chose. Le rap, correspondait à un moment, où tu racontais ton vécu et il fallait que ce soit social, même pas parce que tu l’avais choisi, mais c’était ton adn. J’ai grandi avec cette culture du Hip Hop.
Plus tard, t’as sorti un autre projet, qui est disponible sur YouTube.
T : Qui n’a pas fonctionné du tout. Je l’ai enregistré en 2007 et sorti en 2008. En mode téléchargement, mais ça n’a pas pris.
Qu’est-ce qui s’est passé entre tout ce laps de temps ?
T : On grandit, la famille, les enfants. T’as un détachement avec la musique. Tu veux être dedans, mais le temps qui te reste par rapport à ta vie de tous les jours, c’est plus compliqué. Tu le fais, peu importe ce qui se passe, mais t’as pas autant de temps.
La singularité pour mot d’ordre
Quel regard tu portes sur SDN ? Une compilation militante, qui contenait différents genres (Rap, R&B, Ragga) et si tu devais la comparer à aujourd’hui.
T : Une partie charnière. Les années fin 90, c’était dans l’expérimentation. Un moment donné, les artistes n’avaient plus honte de chanter, de mettre des mélodies. Ils avaient compris que la musique, elle évolue. T’avais un peu cette honte de dire, je chante, le r&b, un peu honteux, discrédité, ben là non. T’avais toujours cette envie de découvrir, on expérimentait.
Aujourd’hui, tu ne peux pas dire qu’ils expérimentent. Maintenant, t’as un style, ce qu’on dit le Boom Bap, Trap, Drill, et tu vois les sons ont la même couleur. Avant non, t’écoutais un son de Kery James, il t’emmenait quelque part. T’écoutais Expression Direkt, t’avais une autre couleur. T’avais des empreintes sonores partout. Du coup, t’avais un panel de ouf. Dans l’écriture ou l’identité vocale, il n’y avait pas de photocopies, mais à boire et à manger. T’avais les personnalités identifiables et identifiées par rapport à leur talent, chant ou autres. Même les beatmakers avaient leurs empreintes. C’est cela qui fait qu’il y avait de la proposition.
Il y a des voix différentes, particulières qui te parlent dans le rap français actuel ?
T : [Hésitant] Des voix peut être pas, dans l’ensemble, je n’écoute pas plus de rap français que ça… Ce qui est marrant, car c’est mon fils qui me dit, tu connais ça ? Il me fait écouter. Des voix identifiables, il y en a plein… Je suis de la génération d’avant, mais Kalash Criminel j’aime bien. Pourquoi ? Parce que le gars, ok, il fait des sons trap, ce que tu veux, mais il a ce truc-là, qui est identifiable et identifié. Il arrive et tu dis, ah c’est lui ! J’aime bien ce qu’il propose parce que dans cette connerie-là de leur génération, il a des punchs – alors que nous avant on n’était pas axé sur les punchs – on était axé sur le sens, le concept d’un son et on partait là-dessus.
Maintenant, ce sont les punchs qui emmènent le délire ou je ne sais pas comment ça se passe dans leurs têtes. C’est une autre démarche, mais des fois ça me plaît bien. Des voix, je n’en vois pas plus que ça, il y a des artistes que j’aime bien. Deen Burbigo, je trouve le gars talentueux. Freeze Corleone, il y a un décalage, parce que t’es obligé d’écouter ce qui se fait maintenant. Il a ce côté provocateur et ses comparaisons sont spéciales et pique un petit peu, c’est un long débat.
Koba la D me rappelle des rappeurs tellement atypique des 90' comme "Téma l'alien" "le krokmitten" "Lord Killer" (oui que des originaux donc) et sûrement bien d'autres. a l'époque Nils avaient pas vraiment l'opportunité d'exprimer leurs talents a fond. Profitons en.
— į¢ɔπę•b|ęutėę (@SoldatSansJoie) September 30, 2018
Sur Twitter, tu as vaguement été comparé à Koba LaD.
T : Mon fils aime bien, il a 9 ans. Ça donne un petit côté absurde, on l’a tous, mais pareil, il a son identité et c’est sa force. Parce que tu ne peux pas me dire que quand tu l’écoutes, tu te sens proche de Molière ou Ronsard, mais tu sais bien que le gars est dans une simplicité. Il dit et fait son truc. Je n’accroche pas trop, mais comprends la démarche de comparaison, il se dit c’est une voix qui dénote. Il monte dans les aigus des fois, mais je trouve ça différent.
Vraiment plus dans l’aspect vocal.
T : Il faut avoir une singularité dans la musique. Soit tu te démarques par ta voix, ton texte, ou charisme, lui, sa voix fait le taf.
R nous disait pareil, sur la singularité. Il a toujours aimé ça et c’est ce qui a fait la richesse de SDN.
T : R avait cette particularité. Quand il rappait, tu voyais un petit gars arrivé, avec une voix à la mesure de sa rage, mais avec son corps ça dénotait. Je le trouvais fou. Dans cette compilation, quand j’ai écouté tous les titres, rien à voir. Tout était différent. Je me souviens aussi de Diam’s. On avait fait une scène, mais je ne sais plus où. Elle me dit, c’est toi Tema ? Ah ouais bien, t’as un délire, c’est différent. Ce n’était pas Diam’s de maintenant, mais c’était une artiste reconnue. Quand elle rappait, elle avait une sérieuse plume, on ne peut pas lui enlever. Et pareil, c’est ça que j’ai toujours aimé, au début, je me suis dit, je fais ça, mais ça se trouve les gens ne kiffent pas.
Des fois tu te remets en question, ça se trouve c’est flingué, je pense que tous les artistes sont comme ça. Peu importe les détracteurs, je vais au bout de mon délire, on verra bien un jour. Du coup, j’ai eu ce retour à chaque fois. Ça m’a conforté en me disant dans la vie, faut être différent.
Le tout c’est de tenter, d’essayer, d’y croire au moins.
Monsieur R, premier rappeur belge à être impliqué dans le rap français. Tu comptes sept albums de 1997 à 2007, mais indisponibles en streaming : pourquoi ?
Monsieur R : Il n’y a pas de raison particulière, juste une histoire de temps. J’ai tous les droits. Chaque année, je me dis que je vais le faire, on me le réclame souvent. Il faudrait que je délègue à quelqu’un, un jour. Le pire, c’est que je bosse dedans.
Tu peux en dire plus ?
M : Non, parce que je bosse avec Modulor [distributeur digital] sur des catalogues depuis 2009. J’ai vraiment vécu la montée du streaming, d’iTunes à l’arrivée de Spotify. Je pense aussi que c’est le fait que je ne regarde jamais derrière moi. Y a quand même eu un laps de temps, entre le moment où j’ai sorti mes derniers projets et l’arrivée d’iTunes vers 2008, que ça s’installe. Quand j’ai sorti mon « Black Album », iTunes était déjà en place mais c’était vraiment dur d’ouvrir un compte.
Quand j’ai arrêté, j’ai vraiment arrêté.
Je t’avoue qu’on me fait énormément la réflexion. Il faudrait qu’un jour, je m’assoie et que je m’y mette. J’ai juste à uploader en réalité. Une occupation qui peut durer une heure ou deux, mais j’ai envie de le faire bien. Un moment, je voulais les remixer, vraiment faire un bon mix, remasteriser pour que ça sorte en meilleure qualité qu’avant. J’étais vraiment motivé, finalement, je n’ai pas eu le temps de le faire.
Au moins, on a une réponse et je pense que vous êtes plusieurs dans ce cas : des rappeurs de cette génération, qu’on ne retrouve pas spécialement en streaming. Ce qui est dommage.
M : Je suis totalement d’accord avec toi. Ce n’est même pas une histoire d’être largué dans ce milieu. J’y suis depuis 2009 et à fond. Le problème, c’est vraiment une question de timing et peut être aussi mon état d’esprit. Je n’écoute pas beaucoup les projets à l’ancienne. Je vais le faire peut être deux, trois fois dans l’année. Je n’ai pas assez de recul, pour moi, c’est derrière. J’ai beaucoup de réclamations. Au moins une fois par semaine, un message sur Facebook ou Insta, quelqu’un qui me le demande.
Première parenthèse, où l’on traite de son absence officielle sur YouTube, malgré les nombreux clips (ainsi que l’économie autour) à son actif. Il insiste sur son côté non-passéiste, en précisant qu’il va quand même remédier à cela dans le futur, pour la mise en ligne des vidéos afin de répondre à la demande. Un échange autour du fait, qu’il écoute vraiment ce qui se fait aujourd’hui. Par exemple, il va prendre plus de plaisir avec le dernier 21 Savage & Metro Boomin, qui lui rappelle le Wu-Tang Clan, que les anciens albums du groupe de Staten Island. Il peut lui arriver de revenir sur la discographie de Jay-Z, Nas, mais il est à 80 %, sur la tendance. Monsieur R se rend compte à quel point le fait de ne pas avoir eu de coupure dans son domaine, l’a empêché d’avoir un discours de gardien du temple. Il estime ne pas tout apprécier, mais avoir compris la tournure musicale depuis 2005.
Retour vers le futur
Est-ce que tu peux te remettre dans le contexte et pourquoi tu étais à l’initiative de SDN ?
M : Facile, c’était le rap que j’aimais faire. Du rap engagé, un peu street, donc l’idée m’est venue quand le Front National a commencé à faire des scores assez importants dans certaines villes du Sud de la France. Ce n’est même pas encore Le Pen au deuxième tour (2002), car la première compilation c’est 1998 et j’ai commencé à taffer dessus en 1997. Je me suis dit, ce serait cool de réunir le maximum de gens du rap français et qu’on aille au combat. Qu’on dise non à la montée du FN, au racisme et qu’on le dise haut et fort. Partir de ce constat, pour au final, avoir la chance et l’opportunité de réunir du monde sur le projet. Je venais d’arriver dans le game, indépendant donc un peu délicat. Au premier abord, je me suis dit que ça allait être difficile. Au final, il y a eu un bon mix, entre les plus populaires et underground sur un même sujet.
Tu te rappelles de l’enregistrement ? Comment ça s’est passé ? T’as imposé des thèmes ?
M : Un peu facile, parce que je rappe quand même sur plusieurs titres. Peut être un tiers. Sur ces morceaux c’était moi qui donnais le La au niveau des thèmes. Après, il y avait des rencontres, le but du jeu, c’était d’abord de rencontrer les mecs et leur expliquer le concept. À partir de là, ils rentraient dans le thème. Que ce soit au niveau de l’image ou du contenu, pour qu’il n’y ait pas d’incohérence.
La plupart du temps, on enregistrait à Chauve-Souris. Il y avait beaucoup de rappeurs qui passaient. J’avais fait mon premier album là-bas. Ça avait un petit peu marqué le coup, et on regardait tous où avait été enregistré tel projet. Ce qui fait que beaucoup de rappeurs derrière moi, sont partis enregistrés des morceaux ou albums. Il pouvait m’arriver de terminer une séance, il y avait un autre rappeur qui arrivait, je lui parlais de mon projet. Le rap français, c’était un cocon. On n’était pas vingt mille, traînait quasiment tous dans les mêmes studios. Il n’y avait pas dix mille studios avec des ingénieurs qui étaient spécialisés dans le rap. Quand même plus qu’à la première époque, de NTM, etc. Les connexions se sont vraiment faîtes au feeling.
Tema, c’était encore plus facile, car je traînais souvent avec des mecs de sa clique. Papy et Off se sont retrouvés dans « Parrain 7 Moins 4 ». J’ai même vécu chez un de leurs compositeurs, qui habitait à La Fourche. Il y a eu une grosse connexion avec La Cliqua, qui était à Guy Moquet, Tefa aussi. Je travaillais beaucoup avec ce dernier et il y avait un arrêt de métro entre les deux, cinq minutes à pieds. Tema se lançait en solo, donc en un coup de fil à son grand frère, qui s’occupait de son business, il est venu direct. Resk-p, c’était entre guillemets et j’en mets beaucoup derrière tout ça, un groupe satellite du Ménage À 3.
Papy et Off sont sur la cover de la mixtape « Cut Killer Ménage 3 ». Parce qu’on était tout le temps ensemble. J’habitais un moment donné chez Papy, donc tu vois, le schéma : on rappait, viens avec moi, je vais enregistrer chez Cut, fais un morceau, ah, vous êtes là, vas-y poses un couplet. Les choses se faisaient simplement.
Tu peux nous expliquer le choix de la cover ? Elle est moins parlante que celle du second volume sorti en 2001.
M : Effectivement, parmi tous les projets que j’ai faits, celle du second volume, c’est l’une des meilleures. Elle a été faîtes par Dimitri Simon, qui nous a malheureusement quitté. Il a fait beaucoup de covers. Petite dédicace pour lui, là-haut.
La cover du premier, c’est David Bour qui l’a faîte, le DA de Reel Up, il était aussi graphiste et l’a proposé. SDN est sorti en co-distribution là-bas. AB Productions ont monté ce label et s’étaient mis à faire du rap. J’avais participé à « De Paris À New York La Rencontre » produite par Fabrice Atchinak. Quand je suis parti poser, le directeur du label m’a dit, j’ai bien kiffé ton album, qu’est-ce que tu prépares ? Je suis en train de faire la compil. Il n’y avait pas de concept particulier, mais je la trouvais frappante parce que le plus important, c’était que le titre ressorte comme un logo. Il y avait le MÀ3 sur la cover, des photos de nous derrière et de l’autre côté, un mec armé qui représentait les fachos. Nous partions en guerre contre eux.
Nouvelle parenthèse sur le fait que tous les volumes soient réunis en un seul projet sur les plateformes de streaming, les éditions physiques et différents artistes présents.
Toujours la même
Est-ce que tu penses que SDN, serait possible aujourd’hui ?
M : [Hésitant] Le problème qu’on a aujourd’hui, si on peut dire que s’en est un : il n’y a plus vraiment de compil. Ça revient, il y en a beaucoup, sans thèmes et d’autres qui arrivent. Depuis le premier volume de « Game Over », il commence à en avoir. Dj Quick fait la sienne, y a celle du 91, avant il y a eu « 93 Empire ». C’est redevenu à la mode, mais ça va être difficile.
Les rappeurs d’aujourd’hui ne sont plus comme nous, qui étions vraiment identifiables. Quand tu faisais un rap, tu étais identifié comme faisant ce genre-là. Il est possible qu’un artiste d’aujourd’hui puisse faire un morceau Sachons Dire Non contre le racisme, les violences policières, etc. Ça peut être possible, mais est-ce que les artistes joueraient le jeu ? À l’heure où l’on parle, j’ai l’impression que le rap avec une certaine assise revient à la mode. Que ce soit le rap technique, on le voit avec des artistes comme Alpha Wann, qui ont des énormes succès, Dinos, qui cartonne.
Il y a un renouveau.
Tu m’aurais posé la question il y a un an, j’aurais été moins sûr. Je pense que s’il y a quelqu’un derrière comme Assa Traoré, c’est possible. Ou une personne encore dans le game, avec des épaules assez larges, ça peut se faire malgré tout.
Au départ, j’allais dire non, mais en réfléchissant, non seulement le contexte rapologique s’y prête, plus qu’il y a un an. Ce rap avec du contenu et technique. Alpha ce n’est pas militant mais tu vois dans son texte, il y a des petits messages. Il ne représente pas ce que certains pourraient appeler du rap vide. Ce n’est pas Koba LaD, que je kiffe, il a des morceaux que j’aime bien. Kalash Criminel a commencé avec un autre genre de rap, mais tu vois que c’est de plus en plus consistant. Il y a quelque chose derrière.
Tu me dirais de faire la playlist de Sachons Dire Non 2021, je mettrai des mecs comme Damso, Nekfeu, peut être même Koba, je lui ferai faire un morceau. L’avantage dans SDN, des fois, je donnais des concepts, mais moi-même je ne rappais pas. Par exemple, le morceau 3e Œil et Disiz, c’est un peu moi qui les ai rassemblés. J’avais beaucoup de facilité, du fait que pour beaucoup de rappeurs, je paraissais crédible dans ce domaine-là, ils venaient facilement. Ce qui est important dans des projets comme ça, c’est qui le tient. Parce que même moi qui étais underground, du fait que j’avais une réputation d’engagé, quand je suis parti appeler Saïan en 2002, ils sont venus et étaient contents d’être là. Ils m’ont dit, on ne pensait pas que tu allais nous appeler, on a écouté le 1.
Ils étaient considérés à tort, comme étant commercial après « Angela », mais à la base ce sont des putains de rappeurs. Ma satisfaction sur les SDN, c’est que tous les participants sont venus avec un plaisir sincère. J’ai rassemblé, Sniper, Tandem, Bakar et Eben. J’avais proposé à Masta, ce serait bien de mettre tous les rappeurs avec qui tu travailles. Sniper quand je les ai appelés, ils sont venus direct, étaient platine et avaient une très bonne réputation. Le groupe vendait des milliers de disques. Pour te dire ce qui est fort, le morceau « Niquer Le Système », apparaît dans tous leurs best of, mixtapes, etc. Chacun le met tout le temps.
Ce qui fait qu’il y a des morceaux de « Sachons Dire Non » qui se retrouvent sur d’autres projets.
Je ne suis vraiment pas passéiste et à l’extrême de ça. Ceux qui écoutent uniquement ce qui se faisait dans le passé, sont des ovnis pour moi. J’ai des mecs de ma génération, quand ils montent dans ma voiture, ils pètent un câble. Je leur fais écouter du Koba LaD : ce n’est pas possible, t’as vu l’âge que t’as, toi qui as fait ci, ça etc. Pourtant ce n’est pas quelque chose que je vais écouter, matin, midi et soir. Il y a des aspects qui me parlent. Le rap ça doit être cru, puer la rue, non-conformiste. À partir du moment, que tu me touches, peu importe ce que tu fais.
SDN a eu un impact au-delà de moi, ce que j’en avais gardé. Au point, où d’autres me le rappellent. Je dirais que c’étaient quasiment mes meilleurs moments. J’ai toujours kiffé partager. C’est ça le rap, quand tu partages le micro, ne restes pas dans ton coin. Mon leitmotiv, nous ensemble que ce soit en musique ou pour une cause bien précise.
L’impact
« Français, Française », c’est un morceau qu’on te cite souvent ?
M : Bien sûr, un morceau qui a marqué la compil. Déjà avec la voix que Tema avait. Elle était très particulière. Parce que dans notre écurie, on avait quand même G.Kill qui en avait une assez aigue, Tema encore plus que lui. Eux ça les a aidés, après malheureusement, il n’a pas pu avoir la carrière, qui pour moi, il aurait dû avoir. C’était vraiment quelqu’un qui était très technique et écrivait bien.
L’idée était de mélanger tout le monde surtout sur le premier volume. T’avais des inconnus qui étaient mixés avec des gens qui avaient déjà un parcours. Dans la réédition, encore plus, avec Akhenaton. Il y avait Assassin, Disiz, en 1997-98, il commençait à monter, 3e Œil, t’avais du monde, l’intro de Cut Killer, le groupe La Clinique qui était estampillé rap festif. Je me rappelle quand j’ai appelé Papillon, c’était l’occasion pour eux de montrer, qu’ils savaient kicker et aborder certains thèmes. Quand on leur balance l’instru, c’est un morceau sauvage et je prends les trois, pas que lui.
Diam’s qui n’était pas connue, je crois que c’est son premier solo. Elle est dans Mafia Trece, mais quand l’album qui cartonne, sort, elle est déjà sortie du groupe, donc personne ne la connaît. Comme elle était produite par Black Mozart, je lui dis viens poser. Première apparition de Youssoupha. Premier solo de Sinistre, et l’un des meilleurs morceaux. T’avais tous ceux qu’on a cités, Ek-Tomb, Soundkaïl, etc. IMS, c’était le groupe de Guégué de La Cliqua, un des membres de Coup d’État Phonique avec Kohndo, ils avaient un morceau terrible. T’avais Afrodiziac et X-Clusives en r&b.
On ne cite pas assez cette compilation.
M : Exactement, après ce serait mal venu de le dire de ma part, car ça peut paraître prétentieux. Ce qui est paradoxal, c’est qu’on en a vendu quasiment 80 000. Ce qui n’est même pas un chiffre underground, on a fait une grosse tournée, rempli l’Espace Julien [Marseille], Le Transbordeur [Villeurbanne], etc. Quand les gens citent les compils, ils ne vont pas la citer. Je pense aussi parce qu’elle avait une particularité.
S’ensuit une conversation autour de la compilation « L 432 », sur Faf Larage, présent sur SDN, la date de ses premières apparitions solos (Sad Hill, Les Chroniques de Mars). La montée de son buzz, puis la sortie de son album « Ma Cause » indisponible en streaming. Excepté leur titre en commun, « Assaut Lyrical » avec Def Bond, via le projet « Excuse My French Vol.2 » de Rockin Squat. Une réflexion sur la vente du catalogue scindée en deux du label V2, sur lequel était signé Faf, et qui expliquerait l’absence sur les plateformes. Tout comme le premier album du Bisso Na Bisso, contrairement au live. Monsieur R nous avoue que Philo [Bomayé Musik – MA3] le tanne chaque année pour qu’il mette ses titres en streaming, quitte à ce que lui-même le fasse. Sa passion a pris le dessus sur son envie de rapper, tant qu’il se retrouve dans les nouveaux rappeurs (Alpha Wann, Laylow, Maes, Freeze Corleone, SCH, Niska). Malgré tous les débats autour, le rap dit originel reprend toujours ses droits, c’est une boucle. Il pointe les anciens qui restent sur le passé. Un retour sur les débuts de 1995 qui faisait un excellent mélange, avant de revenir sur Alpha et sa « Don Dada Mixtape Vol.1 ». Pour lui, tant qu’il y aura du kickage, le rap ne pourra pas disparaître. Son fils, qui a treize ans, lui sert de boussole musicale. On lui a demandé dans le passé un projet comme SDN, mais il ne se sent plus concerné, et préfère éviter de revenir avec une étiquette d’ancien. Il cite la réussite de JuL et « 13 Organisé », où malgré les critiques, tu sens l’amour du rappeur pour cet art et surtout sa singularité. Mr. R revient sur le rappeur du Bâtiment 7, son arrivée et le compare aux débuts de Demon One, notamment sur « L’Amour » [Ideal J – Le Combat Continue], l’un de ses morceaux préférés.
On fait un focus sur le Wu-Tang et plus précisément sur Ol Dirty Bastard, avec qui il a enregistré « This is not » [Politikment Incorrekt], au Quad Studios à New York, accompagné de Squat. Lors de la session, ils l’ont laissé improviser, car c’est ainsi qu’il fonctionnait. Ensuite, ils ont travaillé le morceau autour du freestyle d’ODB. D’ailleurs, il remarque que « Shimmy Shimmy Ya », contient un seul couplet, arrangé par RZA, pour en faire un titre, qui corresponde aux critères de l’époque.
L’autre pays du rap en français
Quel est ton avis sur l’évolution de la scène belge ?
M : Je suis né et j’ai grandi en Belgique, mais fais une partie de mon collège ici et suis reparti deux ans là-bas. Pendant cette période, je découvre le rap et me considérais aussi bien belge que français. J’ai commencé dans Starflam. Au départ avec Akro, on avait un groupe qui s’appelait les Malfrats Linguistiques. La première compil qui est sortie, s’appelait « Fidèles au Vinyl », on avait un morceau dessus « Voie Sans Issue ». Starflam, c’est malfrats à l’envers, on faisait partie du Double H Possee, qui s’est transformé par la suite. Je suis revenu en France et eux, ils ont continué. Mon acolyte s’est retrouvé tout seul, ils ont décidé de former une seule entité. Depuis, je suis ballotté entre les deux pays.
J’ai toujours écouté du rap français, car en 1989, j’étais ici, au début, Rapline, etc. Quand je suis revenu ici, c’est comme si je revenais chez moi. J’avais déjà des potos à Châtenay-Malabry, la Butte Rouge. De là, j’ai rencontré Philo, qui habitait Robinson et était dans la même cité que les jumeaux (2 Bal). On a monté le Ménage à 3, tous ensemble. C’est pour ça que je suis considéré comme un rappeur français. Ce n’est pas comme si j’arrivais de Belgique et que le mouvement était déjà fait. Après, on allait à Chelles, a fait les groupes et donné les noms, etc. Tout cela en tant que mec de Châtenay-Malabry. Je n’avais pas l’accent belge, pouvais me déplacer, connaissais déjà du monde. Les français vont dire rappeur belge, les belges vont dire rappeur français. Je suis revenu pour le rap.
Quand j’ai commencé à rapper, c’était logique que je vienne en France.
J’avais dix-huit ans. Je venais acheter mes cd’s (Minister Ämer) ici. J’ai laissé mes potes en leur disant, je rentre en France et un jour, tu vois les mecs qu’on écoute, je vais rapper avec eux. Je suis vraiment venu dans cette optique, spécifiquement pour le rap et j’ai eu de la chance, car ça a été très vite. Un an et demi après, on sortait « Check La Devise » avec 3 Coups (son groupe avec Lyon S), le premier maxi. Il y avait Sléo à la base et Jimmy Jay derrière. J’ai gardé ma nationalité belge parce que j’ai mes racines là-bas.
Je préfère le rap belge d’aujourd’hui, car il s’est vraiment imposé, moi, j’ai dû venir ici. Les mecs n’ont plus besoin de vivre ici, mais leur rap s’est plus francisé. Parce que le rap français s’est aussi plus imposé en Belgique. Quand t’écoutes Starflam, même pour leur époque, c’était particulier. Ils sont sortis en 1999, nous étions déjà dans un autre monde en France. Eux faisaient un rap qui ne pouvait pas marcher dans l’hexagone. Alors que des Damso, Hamza, Isha font leur sauce, ça sonne plus français, mais n’ont plus besoin de se déplacer. Pour ça, je leur tire mon chapeau. Ils arrivent à imposer leurs styles.
De L.I.N.O à N.I
M : Je pourrai revenir faire des compils, juste pour une combinaison Alpha, Freeze et Lino. Celui qui me produit cette combinaison, j’aimerais tellement l’écouter.
En parlant de ce dernier, ça me renvoie à « Quoi ma gueule » (feat Mystik, G.Kill & Lino).
Le titre est dans le coffret Sachons Dire Non et rajouté en bonus dans SDN2. Je l’avais sorti quasiment en même temps que mon album « Anticonstitutionnellement », mais clipé pour SDN2. Les deux projets, je les ai sortis entre quatre et six mois d’écart. Je m’étais embrouillé avec XIII Bis, qui ne voulait pas faire la promo de l’album, alors que le morceau avait un potentiel. Certaines personnes me parlent de ce titre par rapport à la compil et non à l’album.
À l’ancienne, ça ne se faisait pas, mais j’étais très productif. Le couplet de Lino dans ce morceau… Lino, pour moi, il restera… Autant il y a des morceaux dans ses albums qui sont des tueries, mais ses albums en entier ne m’ont jamais marqué. Je vais me mettre de côté quatre ou cinq titres. Pourtant, j’adore le rappeur. Il est dans mon Top 2 maxi 3, de tous les temps, mais je n’ai jamais saigné ses albums.
L’album « Requiem » c’était une tuerie, il y a beaucoup de morceaux ou de couplets qui étaient dans « Radio Bitume », qu’il a remis. S’il avait sorti, bien mixé parce qu’il y a des morceaux sans couplets, c’étaient des maquettes. Menace Records l’a sorti comme ça, car ça faisait deux ans, qu’il les faisait galérer. À un moment donné, même moi je devais sortir Lino.
J’ai failli sortir « Radio Bitume », comme c’est mon gars, je l’avais quasiment signé.
Après il est parti chez Bayes, qui ne le connaît pas, il l’a sorti. Lino, un perfectionniste hors pair, mais à un moment donné comme je lui dis, ça devient de la fainéantise. Son dernier album a eu du buzz, bien marché et atteint le disque d’or. Ça fait quatre, cinq ans, qu’il n’a rien sorti, mais a tellement de talents.
Un peu comme Ninho, avec les imperfections de la génération d’aujourd’hui. Tu sens qu’il a la plume facile. Quand je parle des mecs qui réussissent, ils sont toujours de la bonne école en réalité. Si tu n’as pas tes gammes, lui, il a les siennes. L’un des mecs que j’écoute le plus, toute génération confondue. Son album « Destin » avant qu’il sorte, j’ai un pote qui est dans l’équipe Mal Luné, et m’avait appelé pour donner mon avis. Le petit est arrivé, il connaissait toutes ses paroles, par cœur, il n’arrêtait pas de rapper pendant l’écoute. Franchement, il m’a impressionné, tu sens vraiment, le passionné.
Épilogue
M : Je suis passé à autre chose. J’aurai kiffé, même rapper que pour moi, sans sortir de disque, mais j’ai plus envie, car le rap c’est trop important. Je l’aime trop pour faire les choses à moitié. Si tu veux le faire bien, ça prend du temps, de trouver les concepts, enregistrer, etc.