Après une année 2018 marquée des featurings brillants de Ninho, le rappeur du 91 revient cette fois-ci avec son 2ème album studio pour lequel il nous promet de grandes choses.
Avec Destin de Ninho, on tient sûrement l’un des albums qui hype le plus le public rap français en 2019. Ninho ayant fait ses classes avec les mixtapes MILS et l’album Comme Prévu qui ont très bien marchés, il a généré encore plus d’attentes autour de lui avec les très bons featurings qu’il a livré en 2018, dans lesquels il se démarquait constamment. Et c’est au mois de janvier qu’il a sorti le freestyle Binks to Binks 6 où il nous promettait dedans qu’il allait sortir l’album de l’année.
Il a donc enchaîné avec le premier single Goutte d’eau, un très bon single variant entre kickage et mélodies mais malheureusement un peu trop court, puis le son Paris c’est magique sorti la veille de l’album, qui se veut banger avec une volonté de kickage mais plutôt plat et raté, où Ninho reste trop terre à terre et n’apporte aucune folie qui pourrait générer une forte intensité. Après toutes ses grandes promesses, il est donc temps de voir si Ninho les a respectés.
Des mélodies excellentes mais…
Là où Ninho s’est amélioré récemment c’est surtout au niveau des mélodies où il arrive à dégager des rythmes très bons qui vont automatiquement entraîner l’auditeur. On retrouve donc logiquement des mélodies à foison sur son album qui sont pour la plupart de très bonne facture.
Et c’est là le point fort de Destin, ces mélodies captivantes qui vont entraîner l’auditeur à se plonger dans l’album que nous propose Ninho. Pour dégager ses mélodies il est très bien aidé de l’autotune qu’il maîtrise fort bien, où on sent qu’un travail a été fait dessus car il s’est amélioré et use même de nouveaux vocals auxquels il ne s’était jamais essayé auparavant.
Néanmoins là où ses mélodies sont un point fort, elles apportent une redondance à Destin car Ninho use souvent des mêmes et tombe dans la facilité parfois, ce qui fait décrocher. Sur un album long de 18 sons il est important de tenir l’auditeur en haleine mais ici Ninho le perd en faisant trop de répétitions qui lassent sérieusement de l’album, presque à ennuyer l’auditeur qui perd de l’intérêt à l’écoute de celui-ci. Et malheureusement la redondance ne se cache pas uniquement derrière les mélodies de Destin mais également derrière d’autres aspects…
Un album platonique et redondant
En effet ces répétitions vont parsemer le deuxième album studio de Ninho à travers notamment le style musical, où l’on retrouve beaucoup trop de zumbas et de morceaux mélancoliques qui pour la plupart des cas se ressemblent beaucoup les uns aux autres dans leur style différent et qui n’apportent aucune valeur individuelle à l’album, le gâchant même de doublons facilement évitables qui ternissent encore plus le rendu final et qui mettent en lumière les redondances sur un aussi long format d’album.
Comme dit précédemment, les mélodies empruntées sont souvent similaires et le format des sons est souvent le même, plutôt concis, tout en mélodies entraînantes pour les zumbas et en mélodies semies graves pour les morceaux mélancoliques, qui se répètent régulièrement en plus de cela, accentuant le processus de redondance sur l’album. Ninho ne varie que trop peu de styles puisqu’il penche plutôt sur des morceaux zumbas et mélancoliques et délaisse au final l’aspect brutal et vraiment rappé avec virulence, qui faisait son succès auparavant, les sons de ce calibre se faisant beaucoup trop rares sur Destin.
En plus des répétitions, l’album est marqué d’une linéarité qui se tient tout au long du projet. A l’écoute des différents morceaux, un sentiment de bonne musique est toujours présent, mais ne dépasse jamais ce stade de bon pour basculer dans le vraiment très bon ce qui rend au final l’album tout juste bon sans plus, avec aucune réelle valeur ajoutée. On se retrouve donc ici avec une impression de plat constamment présent sur Destin, où Ninho livre des performances fades sans touche de folie. On regrette également l’absence de titres mémorables, où finalement on n’en retient aucun de vraiment exceptionnel, bien que certains puissent être vraiment très bons.
L’apport des featurings est néanmoins louable sur l’album puisque Koba LaD livre une performance de haut niveau sur La Vivance, morceau où il est même meilleur que Ninho, tout comme Jul sur un excellent morceau mélancolique qui pousse Ninho à user d’un nouveau vocal pour lui, également Niska qui s’inscrit très bien dans une alchimie avec l’auteur de Destin pour créer un vraiment bon morceau, puis enfin Fally Ipupa qui apporte sa vibe à l’album, vibe très bonne mais qui tombe malheureusement après un enchaînement beaucoup trop conséquent de zumbas sur l’album. Les feats comme Tito ou Faouzia ne se démarquent malheureusement pas et n’apporte aucune plus-value à l’album.
Un lyricisme pauvre
Sur Destin, Ninho a voulu nous faire pencher sur ses thèmes en nous promettant de tout nous raconter. Il était donc légitime pour l’auditeur d’avoir une certaine attente. Il s’avère qu’il n’en est rien sur l’album. Là où Ninho nous avait promis de tout nous raconter, on ne retrouve rien à retirer de Destin. Rien ne nous est raconté réellement sur ce projet, où Ninho est beaucoup trop évasif, ne se livre pas vraiment, alors qu’il en avait la possibilité car il a traité de bonnes mélodies transmettant des émotions.
Il reste sur ses lyrics habituels qui ne racontent rien ou très peu, et nous fait croire qu’il raconte des choses alors que ce n’est pas le cas, avec des formules comme « tout ça c’est le destin » mais au final il ne nous raconte absolument pas ce que représente ce « tout ça » puisqu’il ne nous donne aucune information dans ses paroles. Un vide lyrical est donc ressenti, qui aurait pu être excusable si on attendait du Ninho traditionnel niveau paroles, or celui-ci nous avait promis de raconter des choses sur cet album, impliquant un effort conséquent, que l’on ne retrouvera finalement pas, car malheureusement rien est à retirer sur cet album au niveau des textes ou même des lines.
Destin est donc un album sans plus, qui donne donc forcément un goût de déception. On n’observe aucune progression artistique par rapport aux récents featurings qu’il a donné. A ce moment de sa carrière il était important pour lui de passer un cap dans sa musique, chose qu’il n’a pas faite. On se retrouve donc avec un album tout juste bon mais très oubliable quant au vu de sa qualité limitée, qui marchera sûrement commercialement vu son énorme armada de fanatiques, mais qui gardera un acide goût d’inachevé.
Une déception de sortir un album à peine bon là où il promettait de tout nous raconter, là où il nous promettait l’album de l’année, alors que ce n’est même pas l’album du mois. Destin se résume au final à un album correct, passable, ne lui garantissant qu’à peine la moyenne, sachant qu’il aurait dû être bien au delà, quand on connaît les promesses et le potentiel de Ninho.