Le rap zumba : d’infréquentable à incontournable

Décriée, rejetée et moquée il y a encore quelques années, la « zumba » fait désormais partie intégrante du rap français. Retour sur un phénomène bien français.

Qu’est-ce que c’est la zumba ?

Avant de répondre à cette question, il suffit de regarder les réseaux sociaux pour comprendre que le mot zumba est devenu un terme fourre-tout. C’est pourquoi nous allons tenter de le définir tant bien que mal.

A l’origine, la zumba désigne un entrainement physique intense. Inventé par Alberto Perez dans les années 90, ce sport s’est inspiré de chorégraphies latines, tel que la samba ou le tango, pour permettre aux pratiquants d’effectuer leur exercice physique de manière ludique.

Si l’on se concentre sur l’aspect musical, on se rend compte qu’il existe plusieurs types de sonorités zumba. Celles-ci proviennent toutes de régions latines, parmi lesquelles la salsa, le merengue, la cumbia, le reggaeton ainsi que la bachata.

La zumba traînait une mauvaise réputation dans le rap il y a encore quelques années

À première vue il n’y a aucun souci à ce qu’un MC pose sur de nouvelles sonorités, respectant ainsi la tradition du hip-hop « alternatif ».

Seulement, pour une partie plus « traditionnelle » du rap, ce type de morceau n’était pas forcément le bienvenu. Et ce même entre rappeurs, en témoigne la désormais célèbre altercation Twitter entre Maitre Gims et Rohff, en novembre 2013 :

Rohff vs Gims Twitter

C’est d’ailleurs cette fameuse passe d’armes qui popularisera le terme zumba pour décrire un rap avec des influences afro-caribéennes.

La légitimité de la zumba faisait grincer des dents. Mais plus pour longtemps.

Comment Maitre Gims a changé le visage du rap français

Un exemple devrait vous être familier, c’est celui de Maître Gims. Le rappeur parisien est un symbole de ce clivage. Que l’on adore ou l’on déteste le rappeur franco-congolais, force est de constater que sa carrière solo est un énorme succès commercial. Seulement, pour atteindre ce succès (plus de 2,6 millions d’albums vendus), Gims a dû délaisser une partie de son public rap de la première heure.

Cette tendance à s’ouvrir vers le courant de la « pop urbaine » était déjà constatable avec la Sexion d’Assaut. Les exemples sont nombreux mais le plus connu reste Africain, sur l’album L’Apogée. Celui-ci étant l’un des hits de l’album le plus vendu du groupe, avec un double disque de diamant (+1 000 000 d’exemplaires), influençant considérablement un rap français en quête d’identité et de popularité.

Il est d’ailleurs important de préciser que la zumba n’a aucun lien de parenté avec l’Outre-Atlantique. Ce mouvement représente une sonorité exotique, mais il incarne une sonorité franco-française. Ainsi, dans ce registre, la Sexion d’Assaut peut s’apparenter à un pionnier, étant les premiers à faire revenir ce genre de sonorité sur le devant de la scène. En sachant cela, il apparaît clairement que le succès de l’Afrotrap a été facilité par le retour des sonorités exotiques dans le rap.

Le showcase, clé de voûte du succès du rap zumba

Plus généralement, l’un des facteurs pouvant expliquer la démocratisation de la zumba est le retour du public. Le rap zumba a plusieurs avantages : Premièrement il élargit l’audience et la fanbase du rappeur. En proposant une sonorité différente et grand public, le rappeur va attirer des personnes pas forcément familières de l’univers de base de l’artiste mais attirées par un single aux visées populaires.

Cibler d’autres auditeurs permet de démultiplier son audience et donc ses ventes et sa notoriété. Et si on est loin d’être sur du « rap de camping » pour paraphraser Rohff, le rap zumba porte une dimension populaire et festive non négligeable.

Deuxièmement, pour le rappeur, les retombées sont dans tous les cas bénéfiques : le single zumba fait bien souvent plus de vues et de ventes que tous les autres sons de l’album. Il s’arroge aussi une visibilité et un accès plus facile en showcase et en boîte, ce qui représente également une partie non négligeable de revenus (entre 10.000 et 70.000€ pour un showcase d’une trentaine de minutes).

Le diptyque showcase -> zumba est à ce titre très bénéfique, le rap zumba étant un sous-genre très énergique, mouvementé et dansant. Il bénéficie d’un succès tout particulier dans le milieu de la nuit : boite, showcase, chicha, mariage, toute occasion festive se marie à la zumba, ce qui n’est pas le cas d’autres sonorités plus terre-à-terre et propres au rap.

L’exemple Kaaris : passer du hardcore à la zumba

Kaaris est l’un des exemples les plus flagrants de cette tendance. Auparavant chantre de la trap avec Or Noir 1 et 2, Kaaris a opéré depuis une transition vers le rap zumba. La raison ? Les faibles ventes de son deuxième album Le Bruit de mon Âme et la recherche d’un nouveau point de chute.

Ceci coïncide justement avec l’émergence de la zumba en France. Et si Gims en fût l’un des précurseurs, les succès de tubes comme Validée de Booba ou Rosa de Gradur, semblaient indiquer une nouvelle tendance dans le paysage du rap français.

Kaaris va donc également se lancer dans la cour avec le morceau Tchoin, qui est à ce jour son plus grand succès musical en terme de ventes. Suite à cette réussite commerciale, Kaaris modifiera de manière radicale ses morceaux, afin de convenir aux exigences de ce nouveau public qui est rap sans trop l’être.

La zumba : un élément désormais incontournable du rap

Devenu un incontournable du cahier des charges d’un album rap, le morceau zumba est la garantie d’un succès et d’une visibilité sans égal. Et même si une poignée d’irréductibles se plaignent d’une zumba un peu trop présente, qui va jusqu’à travestir et modifier le son et la personnalité d’un artiste, ils ne sont que trop peu face à l’écrasante majorité, qui elle, achète et écoute massivement.

Comme l’autotune dans les années 2000, la zumba est désormais devenue un élément incontournable du rap. En garantissant à son auteur une visibilité plus accrue qu’avec du rap traditionnel, la zumba fait tourner la tête (et les corps).

Avec un risque cependant à la clé, une trop grande prévisibilité et une trop grande ressemblance entre des morceaux qui se façonnent souvent dans le même moule, avec les mêmes accords et les mêmes patterns.

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