Des découvertes, des retours, des triomphes, des chutes… En l’espace d’un an, le paysage du rap français a eu le temps d’introniser un peu plus dans la légende le groupe PNL, de couronner Ninho et son « Destin » et de redistribuer les cartes du jeu. Le rap américain n’est pas en reste, avec l’arrivée tonitruante de Lil Nas X et son hit country-rap « Old Town Road » qui gomme un peu plus les barrières musicales et assoit l’importance cruciale du rap.
Il est désormais temps de voir qui a pu tirer son épingle du jeu en France ou aux Etats-Unis, qui a au contraire déçu et qui sont les outsiders que personne n’attendait. Voici la sélection Thésaurap des meilleurs albums de rap français et américain de l’année 2019.
Cet article est divisé en 2 parties :
Les 15 meilleurs albums de rap français
15. Kobo – Période d’essai
Le mystérieux Kobo a publié son tout premier projet. Et il a commencé fort puisqu’il s’agit d’un album. Bien qu’il n’ait jamais rien sorti de tel au préalable, il avait réussi à créer une forte attente via certaines musiques et ses apparitions chez « Konbini » ou encore dans « Rentre Dans Le Cercle ». Finalement, avec un projet ambitieux, très bien produit et assez diversifié, Kobo s’est directement imposé comme l’un des meilleurs rappeurs belges.
14. Lala&ce – Le son d’après
Avec Lala &ce, on peut à la fois être bercé par des morceaux atmosphériques comme l’Intro du projet ou bien écouter des morceaux beaucoup plus énervés, sombres et egotrip. Tout en lascivité autotunée, Lala &ce nous transporte dans un univers qu’elle crée tout au long de l’un des projets les plus intéressants de 2019.
13. Oboy – OMEGA
Le 12 juillet 2019, Oboy publie son premier album solo qui se nomme Omega.
Dedans, le rappeur se réinvente et prend des risques, à l’image de ce qu’il a fait sur le morceau Olympe où le chant est omniprésent, ou encore Avec Toi, son dans lequel il chante sur de la synthwave pour un superbe rendu. Le projet fait voyager au moyen de différentes sonorités, qui tantôt rappellent le rap américain, puis qui sont beaucoup plus proches du dancehall ou de la funk/samba brésilienne.
Le style d’Oboy évolue sans pour autant faire une totale rupture nette avec ce qu’il faisait avant pour ne pas perdre trop d’auditeurs lors de ce voyage vers l’inconnu, ainsi son rap sombre et autotuné -qui était sa marque de fabrique à ses débuts- est encore très présent. OMEGA est juste la suite logique pour Oboy. Le projet étonne et épate, et a ravi les nouveaux fans de l’artiste comme ceux de longue date. Il est l’un des meilleurs projets sortis cet été.
12. Hamza – Paradise
Hamza décide de montrer l’étendue de toutes les facettes de sa palette artistique sur Paradise, en regroupant trap, dancehall, afro-caribéen, R&B et mélancolie. Et pour ne pas livrer un album hétérogène il a décidé de regrouper ces différents styles dans plusieurs arcs de son album, puis évolue de style en style avec une construction en crescendo fort bien exécutée qui lui permet de garder une homogénéité dans son album.
11. Némir – Nemir
Cet album fait bouger la tête de l’auditeur, mais surtout, le fait voyager. On entre dans l’intimité du rappeur, et il nous témoigne sa sensibilité. Les morceaux prennent souvent des allures d’expérimentations, cela ne fonctionne pas tout le temps mais globalement le CD est touchant et réussi. Pari remporté pour Nemir.
10. Vald – Ce monde est cruel
Vald fusionne la créativité d’Agartha et la maîtrise de XEU pour donner son album le plus abouti, parfait mélange entre les deux, avec une progression l’érigeant sûrement comme son meilleur.
9. TripleGo – Machakil
Longtemps rangé dans la catégorie « Cloud Rap », le duo montreuillois Triplego a su au fil des albums s’affranchir de cette catégorisation, ou en tout cas ne plus s’y restreindre. Avec Machakil, ils débouchent finalement sur un album qui sonne comme une affirmation et un aboutissement de leur style si unique où les plaintes sous reverbe du rappeur Sanguee se mélangent parfaitement aux productions planantes d’inspirations orientales du beatmaker MoMo Spazz.
8. 13 Block – BLO
Déjà auteur d’un véritable coup de force l’an dernier avec Triple S, 13 Block réitère la performance cette année avec « BLO », un long album de 19 titres pourtant exempts d’un seul faux pas. Les sevranais combinent parfaitement morceaux lourds et pesants (93 Gangstérisme, Fuck le 17) avec d’autres plus légers (Bombarder, Métagorique) pour nous servir un album complet qui les installe définitivement comme une valeur sûre de la trap en France.
7. Nekfeu – Les Etoiles Vagabondes : expansion
Après avoir déçu et déconcerté dans un premier temps, le troisième album très attendu de Nekfeu s’est finalement révélé grâce à l’expansion, qui corrigeait toutes les incohérences de la première mouture et dévoilait le cheminement artistique du rappeur au complet. Projet vaste et complexe de 34 titres, « Les étoiles vagabondes » ne pourra plaire à tout le monde et assume son absence de hits, pour une écriture brillamment introspective et une direction musicale aux petits oignons. Accompagné d’un film qui relate les voyages de Nekfeu aux quatre coins du globe, c’est un album intimiste et poétique qui est avant tout destiné aux fans.
6. SCH – Rooftop
Du sous-sol au rooftop, telle était l’ambition affichée de SCH avec Rooftop, son 4e album studio. Si cet opus n’est pas la suite de JVLIVS, il n’en reste pas moins hautement qualitatif. Armé de ses rimes les plus aiguisées, SCH ne tombe pas dans le piège de l’album de transition et nous propose un album complet, varié et introspectif. On regrettera malgré tout le manque de couleur musicale du projet, qui contrairement à JVLIVS, n’a pas de ligne musicale claire.
Rooftop reste cependant une très belle surprise, avec un SCH très incisif et un rap kilométrique appréciable ainsi que des guests amplifiant la portée du projet.
5. Varnish La Piscine – Le Regard Qui Tue
Beatmaker attitré de la SuperWak Clique (Di-Meh, Slimka, Makala), Varnish La Piscine aka Pink Flamingo a eu l’occasion, avec ce second projet solo, de lever un peu le voile sur son mystérieux personnage et sur ses obsessions musicales (très tournées vers Odd Future et les Neptunes). Se désignant lui-même, bien plus qu’un simple producteur, comme un artiste accompli, il a livré avec ce curieux EP, véritable OVNI dans le paysage du Rap FR, un film sonore à part entière.
Porté par un scénario déjanté empruntant autant au surnaturel (une femme à la beauté fatale, jouée par Bonnie Banane, est dotée d’un regard qui foudroie quiconque le croiserait) qu’au comique burlesque des films de Jacques Tati, et accompagné tout du long par la musique psychédélique de Varnish, Le Regard Qui Tue a connu un accueil confidentiel (bizarrerie oblige) mais a pourtant tout d’un grand disque.
4. Makala – Radio Suicide
Makala nous offre un voyage auditif tout au long de Radio Suicide. On voyage au fil des morceaux, chaque morceau est une aventure. C’est assez simple à expliquer finalement : avec tous les changements de flows par morceau et les changements d’instrumental, impossible de s’ennuyer (ce qui est assez incroyable sur un album qui compte pas moins de 21 titres).
3. PNL – Deux Frères
Le duo maintenant légendaire nous a offert l’un des meilleurs albums de l’année du côté de la francophonie, en délivrant un chef d’œuvre de musicalité. Grâce à un travail minutieux, PNL nous offre un projet qui frôle le parfait, après une absence longue et remarquée. L’album a été reçu de manière excellente, cumulant de nouveaux records pour les deux frères, qui rentrent un peu plus dans la légende avec cette œuvre intimement personnelle.
2. Dinos – Taciturne
Après le succès critique de son premier album « Imany », sorti l’année dernière, Dinos a récidivé sur « Taciturne », tout en s’ouvrant à de nouvelles ambitions plus mainstream. Le résultat final ne baisse pas en qualité et délivre une palette de sons enrichie, ainsi qu’une écriture bouleversante. Un projet authentique et à cœur ouvert.
1. Luidji – Tristesse Business
Après plusieurs années d’absence et une attente qui pouvait sembler interminable, le chanteur/rappeur Luidji est de retour avec son premier album, qui est tout bonnement excellent. Simple dans sa forme, mais si profond dans le fond, ce projet est l’un des plus travaillés de 2019 (voire de ces dernières années), rien n’y est laissé au hasard, chaque détail est d’une importance capitale. Tristesse Business : Saison 1 aura réussi à marquer ses auditeurs, ainsi que l’équipe Thésaurap. Un indispensable, purement et simplement.
Les 15 meilleurs albums de rap US
15. Roddy Ricch – Please Excuse Me For Being Antisocial
2019 a été une année charnière pour Roddy Ricch ! Le jeune rappeur natif Californie, plus précisément de Compton -qui a été adoubé par Kendrick Lamar et Nipsey Hussle-, a connu son plus gros hit avec Ballin’ présent sur l’album de DJ Mustard. Il a profité de sa nouvelle notoriété à l’échelle nationale (et même internationale) pour publier son premier album Please, Excuse Me For Being Antisocial qui a connu un gros succès, puisqu’il s’est classé premier du Billboard 200 et a vendu 101.000 unités aux Etats-Unis en première semaine, soit l’un des plus gros scores pour un CD de rap en 2019.
Il s’est même permis de surclasser au niveau des ventes le dernier disque posthume de son ancienne idole XXXTENTACION. Le projet est bien produit, Roddy Ricch varie excellemment bien les flows et les timbres de voix, comme on peut l’entendre sur le puissant The Box, probablement le meilleur morceau du skeud. Son premier album est donc une totale réussite, à l’image de la superbe cover qui l’illustre.
14. Little Simz – GREY Area
La jeune rappeuse londonienne avait eu les projecteurs subitement braqués sur elle après que des grands noms comme Kendrick Lamar l’aient recommandé. Sur ce nouvel album, elle adopte une posture d’affirmation et se confie sur les difficultés liées au fait d’être une femme noire qui rappe, sur ses problèmes de dépression mais également sur son enfance et sa trajectoire. Intense, le projet est maîtrisé de bout en bout et nous fait assister à la naissance d’une grande rappeuse.
13. Young Dolph & Key Glock – Dum and Dummer
De la prestance et une énergie contagieuse pour la réunion des deux méchants lurons de Memphis. Une collaboration évidente, naturelle et rafraîchissante pour la discographie de Dolph, une marche en avant supplémentaire pour celle de Glock.
12. Lil Durk – Love Songs 4 the Streets 2
Il y a quelques années (début 2017 pour être exact), Lil Durk avait sorti Love Songs 4 the Streets. Et cet été il a décidé d’y donner suite en sortant le deuxième épisode, qui est bien meilleur. LS4TS2 est, comme son nom l’indique, une ode à la vie de rue, il s’agit du thème central du projet.
Le rappeur alterne entre morceaux énervés (Green Light, Die Slow, Bora Bora) et morceaux un brin plus mélancoliques, enivrants (Locked Up, Extravagant, David Ruffin) et il excelle dans les deux styles. Ce qui offre disque complet et suffisamment diversifié pour justifier la présence de 16 tracks. Le tout étant particulièrement bien produit.
11. Anderson Paak – Ventura
Après la semi-déception provoquée par Oxnard, le prodige californien et protégé de Dr Dre a livré un troisième album splendide. Entre réminiscences Funk, Rap et R’n’B contemporain, Ventura est un petit chef d’œuvre de composition et d’exécution, mené par un Anderson Paak au sommet et à la voix toujours plus suave et charismatique. Pus court que ses précédents projets, il parvient sans faute à concentrer le meilleur de son auteur et en devient l’album de l’été idéal, débordant littéralement d’ondes amoureuses et positives.
10. Lucki – Days B4 III
Son projet Freewave 3 aurait pu tout aussi bien faire partie de la liste mais peu importe il fallait trancher pour symboliser la fantastique année de Lucki. Grand espoir puis figure de l’ombre de Chicago depuis plusieurs années, son run actuel semble être un écho underground et alternatif à la grande période de Future époque DS2.
9. Gunna – Drip or Drown 2
Le jeune prince de la trap nous a proposé en février son dernier projet en date, après ne année 2018 très en vu. Dessus, Gunna reste fidèle à son art, avec une trap efficace et mélodieuse, tout dans le drip, univers poussé à fond sur l’album. Cet album solide continue son ascension, qui le voit maîtriser de plus en plus son sujet, et le promet à de nouveaux sommets dans le futur en lui offrant encore une certaine marge de progression. Le fils de Young Thug, d’ailleurs présent sur un excellent morceau, continue de mettre toutes ses cartes en main.
8. Freddie Gibbs – Bandana
La suite du meilleur duo rappeur-beatmaker de la décennie. La légende Madlib et le non moins légendaire Freddie Gibbs nous offrent avec Bandana un album à la hauteur après un temps d’attente long mais nécessaire pour délivrer un album de cette consistance.
7. Cousin Stizz – Trying to Find my Next Thrill
Après plusieurs mixtapes et un premier album publié en 2017, Cousin Stizz a fait son retour avec son second album studio intitulé Trying To Find My Next Thrill. Dedans, le natif de Boston fait ce qu’il sait faire de mieux : de la trap parfois mélodieuse, parfois brute, avec des refrains entêtants, le tout saupoudré de textes beaucoup plus introspectifs qu’auparavant, sur des prods de grande qualité.
La sortie de l’album a été accompagnée par un court métrage de quelques minutes, avec en fond un medley des chansons les plus marquantes du disque. Un rendu à la fois hypnotisant et profond. Le meilleur projet de sa carrière et l’un des meilleurs disques de trap en 2019. Impossible de passer à côté.
6. Megan Thee Stallion – Fever
5. Pi’erre Bourne – The Life of Pi’erre 4
4. Denzel Curry – ZUU
Le 31 mai 2019, moins d’un an après avoir sorti le chef-d’œuvre TABOO, Denzel Curry était déjà de retour avec un nouvel album, intitulé ZUU cette fois. Il s’agit d’une déclaration d’amour à la Floride, où est né le rappeur. En effet, tout le disque est dédié à cet état, « ZUU » étant un surnom pour sa ville, Carol City, à Miami, en Floride. La cover est un clin d’œil aux anciens rappeurs floridiens.
Dans l’album, Curry parle donc souvent de son enfance, de sa famille, de ses ami(e)s, il rend hommage à son défunt ami XXXTENTACION (qui était également un rappeur venant de Floride), les invités présents sur la tracklist viennent tous de la Floride (Rick Ross, Kiddo Marv, Ice Billion Berg…).
Vous l’aurez compris : le disque est difficilement accessible pour ceux qui n’ont pas un faible pour la Floride. Et pourtant, c’est un excellent album, il est remarquablement bien écrit, et suffisamment court pour ne pas avoir le temps d’ennuyer l’auditeur. Il contient une flopée de bangers, qui rendent le projet encore bien mieux sur scène, en concert.
3. Dreamville – Revenge of the Dreamers III
Alors que les 2 premiers disques de la saga étaient passés relativement inaperçus car restreints au roster des artistes signés sur le label Dreamville Records, pour le 3e épisode, J.Cole a décidé de faire les choses en grand: il a invité toute une flopée d’artistes pour réaliser un album collaboratif en seulement 10 jours.
Le rendu est excellent, et les gros noms de l’industrie du rap (Kendrick Lamar, J.Cole, Dababy,…) se mélangent à merveille avec des noms moins connus du grand public (Mezz, Guapdad 4000, J.I.D…). Et les artistes du label Top Dawg Entertainment sont également de la partie pour cette grande fête de la musique hip hop. Il y eut beaucoup de projets collaboratifs en 2019, mais c’est bien celui de Dreamville qui s’affirme comme étant le meilleur. Le disque a d’ailleurs été nominé dans la catégorie « meilleur album rap » pour les Grammy Awards 2020 !
2. YBN Cordae – The Lost Boy
YBN Cordae était fortement médiatisé et donc attendu au tournant. Mais heureusement pour lui, et pour le hip-hop, il a répondu présent avec un disque de très grande qualité, tant lyricale que musicale. The Lost Boy est riche par ses thèmes, par la qualité de sa plume et ses différents styles d’écriture, par ses feats (Meek Mill, Pusha T, Anderson Paak, Chance The Rapper) qui sont tous à la hauteur, et surtout par la production.
Les instruments de musique sont variés (flûte, harmonica, piano…) et offrent une vraie plus-value au projet, de même que la versatilité dont fait preuve l’artiste pendant ces 45 minutes, on n’a tout simplement pas le temps de se lasser. Et chaque réécoute est l’occasion de redécouvrir le projet et de découvrir de nouvelles choses.
1. Tyler, The Creator – IGOR
Véritable album tranchant avec les sonorités habituelles, Igor est un projet riche en musicalité et en innovation, qui fait voyager l’auditeur à travers de nombreuses expériences rondement menées. De prime abord déboussolant par sa particularité, l’album trouve toute sa saveur aux réécoutes et s’impose le meilleur album 2019 de l’autre côté de l’Atlantique.