Les cinq artistes féminines qui vont prendre le contrôle

Dans le but d’accompagner un mouvement salvateur pour la scène musicale française, Thésaurap a choisi de mettre en avant des artistes qui font et vont en faire les beaux jours. Focus sur quelques-unes d’entre elles, leur musique, et ce qui les distingue.

Les femmes dans le rap : patriarcat et changements

Les récentes révélations autour du rappeur YUZMV ont rappelé, si cela avait besoin de l’être, que l’industrie musicale n’est pas épargnée par la domination masculine et les comportements toxiques qu’elle entraîne. Le cas Roméo Elvis, ou celui de Moha la Squale, en sont d’autres exemples tragiques. Ces faits doivent être combattus avec force et nécessitent le soutien sans faille de chacun.

Les femmes ont pour l’instant une place spéciale dans le rap et ses déclinaisons. Les articles sur leur situation dans ce genre musical, les polémiques et les récits effroyables dont nous n’avons évoqué que les plus récents en sont la preuve. Ils démontrent que le style n’est évidemment pas une bulle hors de la société où le patriarcat aurait été éradiqué.

Un sexisme spécifique au style, qui pourrait être dû à son versant egotrip, est aussi parfois évoqué, mais nécessiterait des développements longs et indépendants de cet article. De plus, force est de constater que par exemple, les rappeuses francophones sont relativement absentes des tops écoutes récents, et qu’assez peu d’entre-elles se hissent au rang de stars.

Initiatives diverses et variées

Il y a bien sûr des exemples historiques comme Diam’s et Keny Arkana, ou des carrières plus récentes comme celles de Chilla et Shay. Il est aussi vrai que l’artiste française la plus écoutée dans le monde est Aya Nakamura. Ces réussites encourageantes ne sont pas pour autant la preuve d’une égalité réelle entre rappeurs, chanteuses et rappeuses, loin de là.

Les causes sont multiples, et beaucoup ne sont pas inhérentes à la musique ; il est impossible de toutes les traiter, mais il était important de rappeler cet état de fait avant de commencer à parler des artistes que nous avons choisi. Soulignons aussi que des initiatives existent et doivent être mises en avant, comme le site Madame Rap, qui recense et interview les rappeuses, ou le compte Twitter @diva_infos qui se bat contre le sexisme et les violences sexuelles dans l’industrie de la musique.

Reste qu’il est primordial pour l’identification des auditrices que ces artistes soient mises en avant. Elles doivent pouvoir choisir de s’exprimer de la façon dont elles le souhaitent, y compris dans la musique urbaine. Le style a d’ailleurs tout à y gagner. Nous en avons choisi cinq, que nous apprécions particulièrement, pour présenter leur travail. La sélection n’a pas vocation à être exhaustive, et se base sur le seul critère qu’elles ont été actives en 2020.

Cinq espoirs qu’il faut garder à l’œil

1) Lous and the Yakuza

Lous and the Yakuza

Lous and the Yazuka a dévoilé son premier album Gore le 16 octobre 2020. Son single Dilemme a connu un relatif succès, tout comme son apparition sur COEUR EN MIETTES de Damso, un mois avant son propre projet.

Sur des instrumentales très rap (808, loops de drums), auxquelles elle est souvent co-créditée, Lous and the Yazuka alterne parfaitement entre phrasés bien calculés et passages chantés. Ces derniers donnent à écouter une belle voix, qui peut se permettre d’être souvent dénuée d’effets ou presque comme sur Bon acteur. Elle est aussi proche de Krisy, qui fait d’ailleurs une discrète apparition sur Courant d’air.

2) Meryl

Meryl

Il serait réducteur de qualifier uniquement Meryl de rappeuse, puisqu’elle est aussi chanteuse, compositrice, ghostwriter et toplineuse. En effet, elle a travaillé avec des artistes aussi divers que Soprano, SCH, Niska, Matt Pokora ou Shay.

Pour sa carrière solo, elle a dévoilé sa première mixtape Jour avant caviar le 21 février 2020. Les accents rap sont cette fois beaucoup plus présents que chez Lous and the Yazuka, notamment grâce au beatmaker Junior Alaprod, qui fait plusieurs apparitions. Son univers et ses textes laissent augurer de belles choses pour la suite, puisqu’elle a dit concevoir la tape comme une carte de visite avant l’album. Mention spéciale à 15 AM et sa prod originale, qui permet des fast flows réussis.

3) Le Juiice

Le juiice

Troisième de notre liste, Le Juiice a sorti deux projets cette année : TRAP MAMA, le 14 février 2020, et JEUNE CEO le 27 novembre dernier, sur lequel on peut d’ailleurs retrouver Meryl en feat. Comme pouvait le laisser présager le titre, le premier s’inscrit bien dans une tradition trap sombre, avec un rap très calibré, sûr de ses bases techniques.

JEUNE CEO est loin de renier cette filiation, notamment sur Buvance avec Stavo. Les trois derniers sons, Baby BooRich Sex et Flashback, titres plus chantés et harmonieux, laissent quand même entrevoir des sonorités différentes. Cela lui donne une marge d’évolution pour ses futurs projets. C’est une technicienne, dont les fondamentaux d’écriture s’entendent bien à l’écoute.

4) Zinée

Zinée

Zinée, de son côté, est originaire de Toulouse, mais désormais installée à Paris, et membre de la 75e Session. Elle a sorti un EP 4 titres, Futée, le 20 novembre 2020, qui est riche et varié. Sur la forme, elle propose un rap assez traditionnel sur Ces gens, mais s’autorise aussi des effets de voix suraiguë assez improbables et comparables à certains de Laylow. Sheldon, qui laisse sa patte sur le projet, est à la réalisation des titres et en feat sur Orchidée.

La rappeuse livre une porte d’entrée intrigante sur son univers, et nous donne envie d’en savoir plus sur elle et ses futures propositions. Sa musicalité aux accents mystérieux et ses chants très aigus se mélangent de manière surprenante avec les couplets rappés.

5) Vicky R

Vicky R

Enfin, Vicky R a sorti l’EP V le 27 mars 2020, et avait participé au deuxième volet de La Relève de Deezer l’année dernière, avec le titre Panama. Elle a la particularité d’être aussi beatmakeuse, un secteur encore plus masculin que le mcing, et propose une musique généreuse, n’hésitant pas à chanter et placer des sonorités africaines.

Dans son répertoire, il y a de très bons couplets en termes d’écriture, comme sur Plus rien ne m’étonne. De son premier EP, Avant MTMP (2016) au dernier single Ice, disponible depuis le 13 novembre 2020, elle démontre une volonté d’affirmer son style et de se construire une carrière.

Ce qui les lie et fait leur singularité

Au-delà d’une invitation à les écouter, nous cherchons à souligner ce qui peut les lier et les distinguer. Le plus évident, c’est l’année 2020 qui résonne comme une opportunité pour ces cinq artistes, avec la sortie de leur projet respectif.

Comme dans la sphère masculine, elles sont toutes aussi singulières avec des univers marqués, ainsi que des voix et styles reconnaissables. Il y a autant de choses qui les éloignent que de points qui les rapprochent.

Cela sonne normal pour le genre, mais rafraîchissant de l’entendre d’une voix féminine.

Ces gens

J’ai rien à faire avec ces bouffons moi / Faut jamais faire confiance à tout c’qu’on voit / La reine s’demande quand est-ce qu’elle trouve son roi / Malheureusement, ils sont tous cons 

Zinée

Gore

Attends toi à ma folie / On est trop beau / M’appelle pas ma jolie / Mon crew est chaud / Ta confiance démolie / Juste par mes mots / On vit et puis on oublie / Car tout est gore

Lous and The Yakuza

Blue Bombay

J’arrive je suis frais comme glaçon / Mets-les dans mon verre garçon

Vicky R

D’autres phases peuvent être qualifiées de féministes selon le point de vue de chacune.

Trap Mama

Tu manques de respect tu vas goûter l’sol / Avec moi mâle dominant devient docile 

Le Juiice

Inanimée

Sur le succès / J’ai tiré un trait d’union / Je défendrais aucune de ces putes / J’ai la flemminisme

Meryl

Toutefois, personne n’attend d’une artiste qu’elle n’explore qu’un pan de son art ou identité. Il ne faut donc pas exiger de ces musiciennes, d’user uniquement de leur statut de femme dans le 4e art. Le mieux à faire est sans aucun doute d’écouter leurs propositions musicales.

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