A2H, arme blanche & botanique

La scène est le point de départ de la carrière d’A2H. Son parcours a pris forme auprès de nom comme Gérard Baste ou le plateau Can I Kick It. C’est une mentalité Hip Hop qui se dégage du rappeur de Melun. Preuve en est encore sa date parisienne le 19 Mars dernier. Une semaine avant la sortie de « Une Rose Et Une Lame », double album réussi par une alliance juste, des genres qui le composent. La variété pour ne pas dire la pop conduite au début, avant que le rap ne prenne l’intégralité de la seconde partie. Quelle meilleure opportunité pour échanger avec lui sur cette symbiose ?

Il n’est pas aisé de s’y retrouver tant le bonhomme possède une discographie continue depuis 2010, surtout qu’il enchaine avec satisfaction les projets en tout genre. Des mixtapes aux albums studio, en passant par une œuvre commune avec Aelpéacha et des freestyles partagés sur ses réseaux. Cela peut causer des confusions ou oublis tant la masse de titres enregistrés est importante.

A2 ne s’est pas accordé de pause depuis qu’il est apparu dans le paysage du rap français. Il a su se professionnaliser, en s’accompagnant par exemple, de l’ancienne boîte de distribution nommée CLM. Un partenariat qui aboutira à la création de son label Palace Prod. Une structure musicale qui bénéficie désormais de différents corps de métiers.

Quel est ton avis sur le précédent album ? 

C’est un album particulier, car il est sorti pendant le Covid. Il est introspectif, je parle de santé mentale, physique, ma relation avec le daron, de décès, drogues, etc. Je m’y livre beaucoup, Rédemption est sorti dans une période anxiogène. Il n’avait pas comme vocation d’être joué sur scène, dans le turn up, c’est un album intimiste. Je l’adore, en termes thérapeutiques, il m’a beaucoup servi. Certains morceaux sont devenus des hymnes comme OG, Angoisse. Il est important dans ma discographie, j’en suis assez fier. Grâce au Cœur des filles, qui a eu des bons résultats, sinon il est passé à côté de son succès. Parce qu’il est sorti pendant le confinement, une période compliquée, sans promo.

Le défaut qu’on pouvait lui trouver, c’était le côté tiraillé entre la pop et le rap.

C’est d’ailleurs en sortant de ce constat-là, qu’on a décidé de faire un double album. On s’est dit que ça fait plusieurs sorties : L’Amour, sa réédition, Rédemption, où on livre des projets où ça passe un peu du coq à l’âne. Je pense que mine de rien, le public est un peu désemparé avec ça. Nous ne sommes pas aux states, où les gens ont l’habitude des albums de Drake avec un morceau caribéen, suivi derrière d’un trap, r&b, puis le feat avec une grosse caillera et un mec de la Soul. Les albums cainris n’ont pas ce problème, mais en France, ils ont trop de mal à assimiler. Il fallait que l’on fasse des projets plus clairs et pour mélanger, on devait séparer.

Peux-tu nous parler des feats sur UREUL (Monsieur Nov, Kenyon, Bakari, Kemmler, Prince Waly, Abou Tall, Benjamin Epps) ?

J’ai invité des gens que j’apprécie pour ce qu’ils font, c’est-à-dire Monsieur Nov, il n’y a pas meilleur en France. J’avais envie d’inviter un mec en r&b parce que ça avait du sens et il est venu avec plaisir. En ce moment, Benjamin Epps, c’est vraiment la relève des vrais artistes qui kickent et sont des performers. Je voulais ce gars-là. Abou Tall, je trouve que c’est l’exemple type de la maîtrise en mélodie, un peu pop urbaine, mais tout en gardant une musique de qualité. Je trouvais que ça avait du sens de le ramener sur mon disque, car il est dans le même état d’esprit que moi. Kenyon, c’est l’un des meilleurs chanteurs qu’il y a ici, dans le délire afro-caribéen. J’avais un morceau un peu afro et besoin de le faire avec lui. Kemmler, c’est la volonté de faire une fin de projet plus dans la poésie, que dans le chant ou la performance. Je trouve qu’il écrit bien. Ça faisait une superbe outro. Prince Waly, je n’ai même pas les mots, c’est l’un des meilleurs que l’on est. Pour finir, Bakary intègre ceux que je préfère dans la nouvelle génération. Que des coups de cœur, il n’y a pas de remplissage, stratégie musicale, ce n’est que du kiff.

Tall a commencé à peu près à la même période que toi, d’ailleurs et il sort de cette école de kickers.

Exactement, il a beaucoup été assimilé à la pop urbaine (Shin Shekaï) alors que c’est un putain de kicker !

© Marone

La partie Rose se déroule comme une histoire de couple : la rencontre, passion et rupture.

Je ne l’ai pas pensé à la base, c’est quand on a vu tous les morceaux, que l’on a enlevé, gardé, j’ai dit ah putain, si j’enlève ce morceau-là, que je garde ça, mets dans cet ordre-là cela articule une histoire. Du coup, on l’a réfléchi en second temps.

“Ballade pour une tox”, c’est une référence à “Katie” de Grödash ? L’une des guests lors de ta Cigale. Peux-tu développer quand t’as dit, sans lui, je n’aurais pas fait de rap ? À ce moment, on s’attend plus une face B US, que « Kubiak ».

Non. Cela n’a pas de rapport, mais Grödash, c’est le rappeur que j’ai le plus écouté quand j’étais ado, il m’a donné envie de kicker. Pour moi, c’est un performer de ouf, avec les Dégaine Ton Style [Compétition de Battles]. C’est une de mes références, mais pas par rapport à ce morceau. Il y a des gars comme lui, Ol Kainry, Nubi… Je suis très école du 91. J’ai grandi dans le 77, ce n’est pas loin d’Evry, Les Ulis, Corbeil. C’est une manière de rendre hommage aux gars que j’ai écouté.

Vicky R faisait aussi partie des invités présents sur scène, comment s’est faîtes la connexion ? Vous avez interprété “Belek”, présent sur son projet.

Elle apprécie mon travail depuis longtemps, m’a contacté, invité sur un titre, en me le disant. Je suis allé écouter, j’ai trouvé qu’elle avait du potentiel, je me suis dit que je vais lui donner de la force. J’aime son état d’esprit et équipe. On s’est bien entendu.

“Me confonds pas” feat Benjamin Epps, sonne comme un titre de son univers. C’était une volonté de ta part ou vous avez fait plusieurs essais ?

Ohleogan a fait la prod et quand il me l’a donné, je me suis dit que c’est totalement son bail. Je suis versatile et touche un peu à tout, même si ce n’est pas forcément le genre que j’ai l’habitude de kicker, mais back in the days, on rappait déjà sur ça. Ceux qui me connaissent de l’époque “Doux” avec Nekfeu, via ma Downtown Street Tape, savent que du boom bap poussiéreux comme ça, on va kicker !

On te retrouve ainsi qu’Ohleogan et Pinkman, mais aussi des nouveaux venus à la production, tel que : Draedfull (Sans notice, Juice, Lockdown, Bachata, Au revoir), Kenyon et Flawer (Solo), Vivienne (Juice, Lockdown), Syrinx (Masterclass), Yughz et AAyhasis (La tête du clebs), Yeeshy (San Pe, Tu me connais, Nice) Kev 117 (Taper dans ma cons), Nello (Tu me connais) et Bench (Tourne en rond).

Draedfull on bosse avec lui depuis un bail, mais là, c’est la concrétisation, un super musicien avec qui on fait plein de trucs. Il fait partie du Palace. Pareil pour Nello, qui bosse avec Pinkman, depuis longtemps, sauf qu’il s’est avéré qu’on n’avait pas gardé ses prods sur les anciens projets. Il a intégré le label à peu près en même temps. Vivienne, c’est un gars qu’on connaît aussi depuis longtemps parce qu’il fait partie de l’équipe de Le Sid, Nelick, Jagger, Studio la Maison, avec lesquels on a déjà collaboré. Pour la plupart, on travaille, fait des sons, depuis quelque temps, mais ils ne s’étaient jamais retrouvés sur mes projets. C’était enfin l’occasion, de bosser avec nous sur du concret.

En tant que réalisateur, Bachata”, c’est ton premier clip ?

Non, j’avais réalisé Blues [certifié single d’or] et Nudes, mais en co-réal avec Willy Guittard. J’écris souvent mes clips en co-prod. Vu que là, il s’agit d’un peu de danse latino et que Willy c’est moins son univers. Le premier que j’ai écrit tout seul.

Jusqu’à présent, les premiers singles donnent la part belle à la partie Rose, c’est voulu ?

Non, parce qu’on a commencé avec La tête du clebs et Doucement mais sûrement. Les premiers qui sont sortis il y a neuf mois déjà, deux morceaux de rap. C’est juste qu’à l’époque, on n’avait pas encore annoncé UREUL, donc les gens ne savaient pas, que c’étaient des singles d’album.

Sauf erreur de ma part, c’est la première fois que tu mets autant en avant ta famille ? Type ta tante et tes cousin.e.s.

Si j’en parle souvent, ma tante, mes cousins, comme on a grandi tous ensemble. J’en parle dans tous mes albums. J’ai même un morceau qui s’appelle “Tantine” dans Art De Vivre. J’ai toujours parlé de ma famille dans mes albums. Peut-être que là, c’est plus visible, parce que ça ne saute pas d’une ambiance à une autre, donc mieux approprié pour définir le tout.

Tu as déjà été approché pour être ghostwriter dans d’autres domaines ?

Bien sûr, depuis longtemps, mais il y a des plans que je ne peux pas dire. Dans ce que je peux révéler, il y a Zaho et des artistes afro. Dernièrement pour Sally, qui est produite par Lord Esperanza, où j’ai co-écrit et co-produit deux titres sur PRISONNIÈRE. Des choses en développement, de variété. C’est vraiment l’activité que je fais à côté.

Quelles sont tes influences scéniques ?

Les Red Hot, Method Man & Redman. Il va y avoir Saïan Supa, NTM en France, des grands performers. Rammstein, des groupes de métal énervés, type Dead Stone. J’essaye d’aller dans la perf, The Roots, beaucoup pour la précision musicale. En m’inspirant de tous les styles. Avant de faire La Cigale, j’ai beaucoup regardé les concerts afro, genre Burna Boy, comment son show était séquencé.

En-dehors d’eux, est-ce que tu as des références qui font de la fusion comme toi ?

Pas trop, après pour moi, quand je te parle de ça, des mecs comme Tory Lanez, Tayc, c’est de la fusion. Ils mélangent tout, actuellement même Kanye West, il a des aspirations qui viennent de partout.

Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Beaucoup de Burna Boy, Rema, de la musique du Nigeria. Je suis à fond sur ça. J’adore depuis 2/3 ans mais j’en écoute intensément, ça me fait du bien. Billie Eilish, Lana Del Rey et pas mal de Griselda.

© Marone

Chose étonnante lors de ton concert, tu as mis en avant ton disque d’or pour “Le cœur des filles”. Étonnante, car tu n’es pas du genre à dévoiler tes chiffres. C’est nécessaire pour toi de mettre ce côté-là en avant ?

Non, on s’en bat les couilles en vrai, mais les gens adorent ça ! Des fois, c’est bien de rappeler qu’on n’est pas que des artistes underground, obscurs qui ne parlent à personne. On remplit des Cigale, a des certifs et tout. C’est plus pour dire aux médias (généralistes), yo, vous ne parlez jamais de certaines personnes, vous vous branlez sur d’autres, qui ne font rien ou achètent des vues / streams. Y a des vrais gens qui font des moov tout seul en indé et qui atteignent des chiffres / remplissages et vous nous négligez trop. On a les résultats et du public, mais à chaque fois, ils veulent faire genre.

Chaque année on me sort le même truc, j’ai fait Elle ne veut pas, ils disent A2, je pense qu’il a atteint son max. Je fais Une dernière fois, Blues, Le cœur des filles, les mêmes retours, mais à chaque sortie je vous mets des claques ! Des morceaux qui streament dix fois plus, des salles dix fois plus grandes, chaque année, on casse tout et ils nous parlent comme si c’était la dernière. J’en suis à dix ans de carrière, je me suis acheté deux maisons. De quoi vous me parlez ? On a monté un studio, une structure, quatre employés, fait vivre cinq bouches. J’ai acheté un pavillon à ma daronne, ce sont des accomplissements. Il y a des mecs qui se mettent en rab quand ils sont petits, c’est pour en arriver là. On le fait, c’est la réalité, ce qu’on vit et les gens parlent de nous comme des gars inconnus. Notre traitement médiatique est abusé. Avant, je ne disais rien, mais maintenant, je m’en fous.

Très peu peuvent s’asseoir à notre table en termes de live, qualité de production, parce que nos musiciens ne rigolent pas du tout. Sur scène, on casse des bouches. J’ai vu beaucoup de concerts rap, il n’y a pas grand monde qui puisse nous égaler. Il y a plein de domaines où l’on peut dire sans aucune vantardise, en toute humilité, qu’on est bon. Du coup, je trouve ça dommage que les médias fassent comme si on n’existait pas.

Peux-tu nous présenter les musiciens (synthé : Ohleogan, basse : Noé Berne, batterie : Lyldrum) qui t’accompagnent sur scène ?

Il y a aussi Willy Guittard qui est avec nous, il filme. Ohleogan, c’est mon pote d’enfance, on a commencé la musique ensemble. C’est avec lui que je réalise les projets, la plupart des prods. Il n’était pas là entre ADV et LA, mais sinon je fais tout avec lui. Lyldrum, on le connaît depuis qu’il est petit, il joue de la batterie avec moi. Son grand frère, c’est notre ingé son sur scène, c’est vraiment un truc familial, on débarque tous du 77. La dernière recrue, Noé, qui vient d’intégrer le groupe cette année. Un bassiste de Jazz qui produit du rap, match bien avec l’état d’esprit de l’équipe et la culture musicale qu’on recherchait.

Quel est l’avenir de Palace ?

On a signé pas mal de monde en fin d’année. Don Jon et Shikki qui sont deux artistes en développement. Kenyon pour ses prochains projets. Différentes sorties sont prévues cette année, dont de l’électro. Ça viendra au compte-goutte.

Pas spécialement du rap, comme Josué.

À part moi, c’est la seule signature rap. Les autres, il y a de l’urbain dans ce qu’ils font, on va dire, même si je n’aime pas ce terme, mais ce ne sont pas des rappeurs. Plus des chanteurs, mélomanes, mais pas du style à dégainer sur de la trap. Kenyon est un putain de rappeur aussi, mais ses projets qu’on a signé, ne sont pas rap.

Et en ce qui concerne ton propre avenir ?

On continue à tourner jusqu’à cet été (festivals) et après, on va reprendre à la rentrée. Pour l’instant, je ne peux pas faire d’annonce par rapport à des salles plus grandes, mais il va y avoir des événements. On va faire le tour de France des lieux intermédiaires, la Belgique, Suisse et après le Canada puis l’Afrique : Abidjan, Dakar, Kinshasa. Des villes où l’on sait que ça bouge et qu’il y a du répondant. On verra ce qui s’y passe, c’est l’idée, on va essayer de faire ainsi. J’aime toujours le mélange. Du coup, on va rester dessus, avec de l’expérimentation et de la découverte. Toujours une bonne dose de rap sur le côté, car il n’y a pas moyen de lâcher.

En écoutant UREUL, on peut dire que tu as trouvé ta meilleure formule. C’est la réponse à la critique de Rédemption, avec une préférence pour la partie Rose.

C’est marrant parce qu’il y a du monde qui me dit, j’apprécie trop la Lame, car je suis plutôt client d’A2H rappeur. D’autres pensaient aussi kiffer la Lame, mais se surprennent à aimer La Rose, car elle est bien gérée.

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