Annoncé en grande pompe sur les réseaux sociaux en février 2018, Or Noir part.3 sera le troisième volet de la saga Or Noir, qui a commencé de manière explosive en 2013. Cependant, en choisissant de nommer cet album Or Noir part.3, Kaaris ne semble pas réaliser le piège vicieux dans lequel il s’est empêtré.
Or Noir, une déflagration qui réécrit les règles
Afin de mieux comprendre les raisons ayant poussé Kaaris à sortir un troisième volet, il faut tout d’abord comprendre l’important impact qu’a eu Or Noir. Or Noir est le premier album studio du rappeur Kaaris, fraichement révélé grâce au featuring avec Booba sur le morceau Kalash. Considéré par beaucoup comme étant l’un des principaux initiateurs du mouvement Trap en France, Or Noir est un classique du rap français. Brut, abrasif et violent, cet album si particulier est le fruit de la collaboration entre Kaaris et Therapy.
Des images extrêmement sombres et gores posées de manière agressive sur les productions incisives de Therapy, voici comment l’on pourrait définir Or Noir. Avant même d’entendre Or Noir part.3, il faut se poser la question suivante : est-ce que cette description, qui résume le premier épisode du volet Or Noir, peut s’appliquer au 3eme volet annoncé ?
Sans Therapy, Or Noir n’est pas
C’est une erreur fondamentale que commet là Kaaris : celle de croire que sa seule personne suffit pour reproduire l’ambiance et la symbolique des deux premiers volets Or Noir. Cette hypothèse parait élégante et même plausible au premier abord : après tout, c’est bien lui le MC et c’est lui qui rappe. Néanmoins, en pensant cela, Kaaris oublie que le succès d’Or Noir repose aussi grandement sur ses productions et son atmosphère oppressante. Le volume II était très bon, mais il y avait Therapy.
Or Noir part. 3 se fera sans Therapy et les premiers extraits, produits par Double X semblent confirmer cette thèse. Mais plus qu’un beatmaker, Therapy était aussi un conseiller et un manager pour Kaaris.
« Therapy m’a dit : « Ralentis, laisse le temps à l’auditeur de digérer la punchline. » Il y a eu un gros travail sur mon flow. »
« Avec Therapy, des morceaux comme Tchoin, Boyz N The Hood ou Poussière, on ne les aurait pas faits. Lui ne fait pas ce genre d’instrus. »
Le cadeau et la malédiction
Concept bien identifié chez les rappeurs aux Etats-Unis, l’expression gift and curse souligne la difficulté à sortir une suite au niveau du premier opus. Or Noir est à la fois un cadeau pour Kaaris, lui permettant de s’implémenter solidement dans le paysage du rap français mais également une malédiction car il se fait constamment renvoyer à cet album, ses albums suivants étant jugés trop faibles par rapport au premier.
En choisissant de nommer son album Or Noir part.3, Kaaris délivre implicitement le message suivant :
Cet album sera un retour aux sources.
Malheureusement, comme vu plus haut, musicalement il n’est plus dans le coup. Et ses lyrics sont bien moins percutants : les extraits publiés étant très largement en-dessous d’Or Noir. En se permettant ce coup marketing à bas prix, Kaaris prend le risque de décevoir à la fois sa fanbase d’Or Noir, qui ne sera pas dupe d’un si faible niveau et de l’absence de Therapy, mais il prend également le risque de décevoir sa fanbase récente, qui l’a apprécié avec des hits plus commerciaux comme Tchoin et qui sera désorientée par du rap hardcore.
Dans les deux cas, le compromis semble impossible. Conscient du piège qui s’amoncèle devant lui, il y a fort à parier qu’Or Noir 3 soit un disque mi-hardcore, mi-zumba, afin de satisfaire les deux parties. Mais en essayant de satisfaire tout le monde, on ne satisfait personne.